Non, ce n’est pas un canular et encore moins le phénix qui renaît de ses cendres. L’ANDA est en sommeil depuis 2008, vous le saviez. Que nous nous réservions le droit d’intervenir sur des sujets sensibles ou scandaleux, peut-être l’apprenez-vous ?
Oui, nous sommes toujours là, l’œil aiguisé et l’afición intègre chevillée au corps.
La pique n’est pas un sujet nouveau dans notre relation. Les dernières élections municipales et l’inévitable valse des fauteuils ont, comme toujours, été suivies par un désir de marquer votre passage à l’UVTF.
Tout a commencé lors de l’assemblée générale de Beaucaire ; Alain Bonijol, accompagné des représentants du syndicat des picadors, a présenté sa nouvelle pique avec pour objectif de la faire valider par l’UVTF. Vous aviez décidé de mettre cette pique à l'essai lors de la temporada suivante.
Ci-dessous notre compte rendu de l'assemblée générale de l’UVTF 2010 à Beaucaire :
« La vraie nouvelle du week-end sera la présentation de la pique imaginée par Alain Bonijol. Ce chef d’entreprise est une mine d’idées novatrices ; sa façon d’aborder les problèmes et d’y trouver une solution nous épatera toujours.
Sa pique est aussi longue qu’une pique andalouse, mais plus fine, plus effilée, sans cordes. Sa préoccupation première a été de comprendre les attentes des picadors et d’apporter une réponse à leurs principales craintes. En les impliquant dans son projet, Alain Bonijol a peut-être évité la levée de boucliers de cette corporation, pas toujours facile à manœuvrer.
Il affirme qu’un picador qui entre en piste pense avant tout “à mettre les cordes” et à faire saigner. Sur une pique normale, la partie en corde est plus grosse en diamètre que la pyramide saillante. Elle freine la pénétration de la puya. En effilant sa pique et en supprimant les cordes, il considère qu’elle pénètre mieux. Le picador peut alors se concentrer sur “el arte de bien picar”, positionner correctement son cheval, lancer le palo, mettre la pique à la base du morrillo, faire pivoter son cheval et ouvrir la sortie... De plus, je cite : “Les toros, au lieu d’être monopiqués, pourront être renvoyés plus facilement au cheval pour une seconde rencontre.”
Interprétation : “Tout le monde pourra ainsi croire que les invalides qu’ils ont sous les yeux sont de vrais toros puisqu’ils vont deux fois au cheval.” Nous exagérons, croyez-vous ? Si peu !
Lorsque sort du toril un vrai toro, avec de la force, plus personne ne se pose de questions existentielles sur la pique. Comme quoi, il y a bien deux tauromachies.
Avant cela, l’UVTF, par l’intermédiaire des vétérinaires, devrait analyser des corridas entières piquées pour moitié avec une pique classique (voire andalouse) et pour moitié avec cette vraie nouveauté. Une fois passées la curiosité d’une nouveauté et la satisfaction de constater que certains réfléchissent, imaginent, inventent, des questions peuvent venir à l’esprit.
Si la pique pénètre plus facilement lorsqu’elle est bien en place, il en sera de même si elle est mal placée. Au vu du petit nombre de piques bien positionnées tout au long de la temporada, nous pensons qu’il faudra d’abord apprendre aux picadors à viser au bon endroit et, sans doute, à changer les mentalités. Certains vétérinaires, amoureux du toro moderne, veulent comparer les résultats d’analyses post mortem de cette pique avec ceux de Madrid 1998 (donc d’une pique normale). Ce serait une grossière erreur. La pique madrilène est plus longue, mais, surtout, les premiers tiers de Las Ventas sont loin d’être des références. La raison principale en est le toro. Ce sont, avec ceux de Bilbao et de Pamplona, les plus gros, les plus grands et les plus pourvus en cornes. Ce sont ceux qui reçoivent les plus gros châtiments avec les piques les plus en arrière, donc les plus destructrices. Aucun “demi-toro” de Nîmes, Dax, Arles ou Mont-de-Marsan n’a reçu cette année un châtiment aussi appuyé que ceux que nous pouvons voir régulièrement à Madrid.
Comparons ce qui est comparable et faisons les analyses chez nous avec nos “demi- toros” et nos “demi- picotazos”. Nous verrons bien si les dégâts causés par les piques sont si importants que cela.
En ce qui concerne le marché français, si cette pique voyait sa légalisation le monopole espagnol des puyas changerait de camp. Les appels d’offres concernant les cuadras de caballos n’auraient plus le même contenu.
La tauromachie française s’impose petit à petit. Bien vu, monsieur Bonijol.
Et en ce qui concerne l’intérêt de l’aficionado amoureux du vrai toro, il devra attendre les résultats post mortem avant de se réjouir. Pour ce qui est des novillos “pégapasés” par les vedettes, ce n’est pas cette pique ni une autre qui leur donnera la force qui leur manque. Elle aidera, dans le meilleur des cas, à cacher la misère actuelle du premier tiers. »
Deux temporadas plus tard, qu’en est-il de ce dossier, des analyses, des démarches à suivre pour les membres de l’UVTF ?
Nous savons, par la voix des vétérinaires, qu’aucune analyse officielle n’a été effectuée pour le compte de l’UVTF.
Nous nous sommes permis de faire des analyses afin de nous rendre compte des blessures. Les toros étaient les Garcigrande et les Victorino Martín d’Istres. Nous avons eu le regret de constater que les dégâts internes ne sont pas en relation avec la vision externe de la pique. Lorsque l’on est en présence de toros braves et qui « mettent les reins », ce qui a été le cas de certains Victorino, les effets n’en sont que plus accentués.
Nous ne donnerons pas ici de résultats chiffrés, car ils ne sont en rien officiels.
En revanche, nous demandons expressément à l’UVTF de commanditer ces analyses (corridas piquées pour moitié avec la pique espagnole et pour moitié avec la pique Bonijol et d’autres) afin de donner un résultat chiffré et d’autoriser une pique pour la zone France. Un tel vide réglementaire est inadmissible.
Depuis cent ans, trop d’aficionados se sont battus pour légiférer la corrida en France. L’UVTF doit rester le garant de l’unité et le maître du règlement.
À ce jour, circulent dans les arènes françaises quatre piques différentes : l’espagnole, l’andalouse, la Bonijol et celle de Philippe Heyral. Les organisateurs et les aficionados y ont perdu leur latin. À quoi servent les délégués aux piques et sur quelle(s) base(s) doivent- ils travailler ?
Mesdames et messieurs de l’UVTF, un peu de sérieux s’impose, au moins sur ce point.
Le bureau de l’ANDA
Laurent Giner, Mario Tisné, Bernard Desvignes et Olivier Barbier