17 février 2012

Triste tournante


Nous mentirions si nous affirmions que Castellón constituait un rendez-vous important de notre temporada 2012. Le programme replet des années passées va s'étiolant au gré des redites et des rediffusions des mêmes corridas, sans surprise, ni competencia, « G-je-sais-plus-combien-isées » dont on finit par ne plus attendre grand chose. D'années en années, nous biffons, rayons, effaçons bon nombre de dates de notre calendrier et prenons le temps de faire d'autres photos ou de trouver d'autres raisons de déprimer. D'indultos en Domingo Hernández, les programmes standardisés s'ajoutant à une certaine lassitude, les temporadas finiront peut-être par se faire tout à fait sans nous. Ce n'est pas une menace, tout juste un constat et ça ne changera rien.

Pour commencer la saison, nos pensées inclinaient du côté du Levant et de la promesse d'un lot de Cuadri à Castellón en mars. Quoi de mieux, a priori, que de retrouver les pensionnaires de « Comeuñas » pour rouvrir le dossier avec le même bétail que celui de la clôture de 2011 du côté de Zaragoza ? Les Cuadri sortiront bien à Castellón, et même six, semble-t-il, mais répartis sur deux jours puisque la féria propose ce que nous nommerons une tournante sur trois jours avec des carteles composites : 3 Cuadri + 3 Victorino, 3 Cuadri + 3 Miura, 3 Miura + 3 Victorino. Déjà l'an dernier, le génialissime sérénissime désormais nouveau directeur artistique (ou je ne sais quoi) de Madrid avait proposé un « mano a mano » Miura - Victorino à Valencia et Nîmes.

Castellón fait donc plus fort encore ; Castellón garde le concept mais le décline en une suite de rimes embrassées et répétitives tenant à la fois du slogan entêtant, de l'exercice de prononciation et du pantoum1, sans nous convaincre toutefois de la vocation poétique de la chose. Foin de poésie, disons les choses tout net : cela constitue ni plus ni moins qu'un énorme « foutage de gueule » et une fausse bonne idée pour tenter d'ajouter un intérêt commercial superflu à un genre en décrépitude : la corrida torista. J'ai la faiblesse de penser que la résignation et le soupir qui ont accueilli la nouvelle dans nos demeures auraient explosé en indignation sincère quelques années plus tôt. Mais peut-être en avons-nous déjà tellement vu… C'est avec l'énergie d'un octogénaire que je suis le conseil de notre Batacazo m'enjoignant de m'indigner gaiement, et persiste dans ma molle dénonciation d'un manque de respect flagrant pour le public et les ganaderos dont l'intérêt est bel et bien de lidier des corridas entières et de présenter des « lots », avec toute la difficulté et l'exigence que ce terme implique pour eux.

Nous attendons désormais fébrilement les prochains avatars de la course à l'échalote qui semble démarrer, le concours des rejetons de toros indultés : 'Idílico Segundo' vs 'Desgarbado Jr' à la Maestranza ou bien le combat de mangouste et de cobra en « lever de rideau » de la corrida de la Presse à Las Ventas. On va se régaler ! 

¡Vaya mierda!

1
Juste pour le plaisir de vous servir un mot compliqué et exotique avant le week-end, le pantoum est une forme de poème d'origine malaise où les 2nd et 4e vers d'un quatrain sont repris comme 1er et 3e vers, respectivement, du quatrain suivant. L'article de Wikipédia non seulement dénonce Harmonie du soir — que vous et moi prenions pour un pantoum — comme un faux pantoum mais vous en dit également beaucoup plus sur le genre.