Azpeitia est une adorable petite arène dans laquelle la bonne humeur l’emporte sur tout le reste : la crise, le chômage, les fermetures d’usines, les gosses malades, les impôts, les galères de la vie, quoi. Pourtant, en arrivant par la nationale, ce sont des croix qui accueillent les hordes de Français venus profiter d’une féria bien composée sur le papier et prompte à intéresser le dernier des aficionados un rien blasé : Cuadri, Palha et Pedraza de Yeltes.
À Azpeitia, la musique joue tout le temps. Pendant les piques, pendant les banderilles, et deux passes suffisent à la déclencher lors des faenas de muleta. Finalement, une fois habitué et préparé à la chose, c’est agréable d’observer des gens heureux, de les entendre susurrer une chanson ou l’entonner à pleins poumons. C’est la Fiesta, sans les excès navarrais, sans les torpeurs françaises, sans les scories gueulardes de quatre ou cinq mulets qui n’envisagent la tauromachie qu’en une métaphore ridicule des flagellants du XIVe siècle.
Pour autant, la Fiesta sans toros n’est pas tout à fait la Fiesta. On peut se satisfaire d’une ambiance, d’un lieu et de rencontres, mais c’est le toro que l’on vient voir, c’est son entrain à combattre que l’on vient contempler. Et les Cuadri ne sont d’habitude pas des rigolos en la matière. Las, ce mardi 30 juillet 2013, à Azpeitia, la musique a beaucoup joué, les gens ont souri, un petit vent frais a rafraîchi l’air guipuzcoano, mais les Cuadri ont gâché la Fiesta. Il leur manquait avant tout le poder et la bravoure. Au cheval, ils furent anodins voire, même, et c’est pire, non piqués (l’ultime ne reçut qu’un picotazo). Tardos, ils se collaient au peto sans mettre les reins, puis s’en allaient fureter ailleurs. Pour ne rien arranger, les picadors et les maestros ne firent absolument rien pour les mettre en valeur au premier tiers. Seul Javier Castaño s’essaya au jeu de la lidia, mais il le fit, comme d’habitude, à l’envers — placement pour la première pique trop loin, puis on rapproche la bête pour une seconde rencontre. Sandoval hurle fort, remue son cheval mais pique mal, très mal — piques traseras et dans les reins.
Après, trois d’entre eux ont chargé avec joliesse, distillant une noblesse assez couillonne au final, sans poder, sans le danger sourd qui émane souvent des charges lourdes de la casa Cuadri. Castaño a été mauvais et décentré toute la course, Pinar a été lamentable de tricherie, de toreo profilé et d’abus du pico — ceux qui hurlaient à Orthez après Robleño auraient vu ce jour ce qu’utiliser le pico signifiait réellement !
Seul Uceda Leal, sans donner le frisson, sut montrer des gestes tous teintés d’une réelle planta torera.
Au dernier toro, le public a chanté encore, et devant les arènes, après la course, les rues de la ville l’attendaient pour que la nuit chante jusqu’au matin.
>>> Retrouvez, sous la rubrique « Ruedos » du site, une galerie consacrée à la corrida de Cuadri d’Azpeitia.