À Philippe,
On trouve de tout au campo. Des erales fadas qui zigzaguent au-dessus de crânes sans mémoire, des grenouilles rouges, des vieilles en déco devant une télé et des enclos sans herbe.
Y’a de tout.
Mais, souvent, y’a des clébards. Y’a des chats, aussi, et quand y’a des chats, y’a pas de clébards. Quand y’a des clébards, y’a plus de chats. Quand on arrive sur le chemin, on regarde si les chats sont là. On ne regarde pas les toros. On regarde les chats, ou leur absence. On zieute voir s’ils ont déguerpi ou s’ils s’abandonnent sur une pierre en fièvre, au coin, un peu dans l’ombre. Ça indique si les clébards sont là. S’ils sont attachés. Au campo, la plupart des clébards ressemblent à des molosses ; grands, rayés, l’œil jaune et la dent affûtée, ils hurlent, hurlent et hurlent, deviennent rouge et noir, et tu restes dans la voiture. T’attends la nuit.
Souvent, c’est le mâtin. Pas le lever du jour ! Le chien, le mâtin ! Avec un accent et une gueule à fabriquer de la bave au litre et des affolements de vierge à qui l’on susurre le prénom Rocco.
C’est le genre, le mâtin. Le mâtin, tu ne descends pas de la voiture, tu patientes, tu ne le regardes pas, le mâtin. Le mâtin, il grogne quand tu prends l’apéro. T’as piqué son fauteuil. Tu ne voulais pas, mais son maître a insisté ; toi, tu ne voulais vraiment pas. La nuit a beau tomber, le mâtin c’est pas ton truc.
Bizarrement, chez Miura, les cabots sont minuscules. Ils aboient, mais pas trop. Le soleil de « Zahariche » leur fait fermer la gueule. Assez vite. Ils te suivent partout, après ; gentils, confiants mais sales. Ils reniflent n’importe quoi : des oreilles séchées, des vers blancs dans des bouts de cornes coupées, du sang sur le mur. Y’a de tout au campo.
Chez d’autres, ils font chier les toros. C’est à voir, y’a pas à dire. Vas-y que je te gnacotte le jarret, viens voir ici mon gros tas si tu me chopes, t’vas voir ta gueule à la récré, grande fiotte. Des trucs comme ça ils font ces clébards. On pourrait se dire, en allant loin, mais on s’en moque d’aller trop loin, qu’ils sont un peu toreros. À côté de Madrid, y’en a un il s’appelle Curro. Ils ont dû faire exprès, y’a pas d’autre explication. Chez Tulio, c’était Bruto ; ça posait le canin tout de suite.
Des fois, y’a des poules aussi. C’est normal, c’est un peu des fermes au campo. Mais les poules c’est trop con, ça vaut même pas le coup d’en parler. Les coqs c’est pire — on gâche du vin pour eux !
Des fois, aussi, y’a des toros au campo. Des fois, y’en a plus, mais les chiens aboient toujours et font calter les chats. Y’a de tout au campo.