20 juillet 2009

Aguirre ou la théorie du frigo vide


Laurent me l'avait dit. On s'était croisé deux jours avant dans le parking "français", je sortais de la douche salvatrice à 4,50 euros, et il me confirmait qu'au Gas, c'étaient bien eux les plus beaux. Philippe, « bobifié » jusqu'aux oreilles, ainsi que les louloutes respectives de ces messieurs, les yeux pétillants comme des vasos de txacoli fraîchement servis, acquiesçaient en choeur.
Tu m'étonnes qu'ils étaient beaux ! Mais ça, tu pouvais t'en douter, bonhomme, car les toros de Dame "Douleurs" ne viennent jamais en Navarre en tenue des champs. La banquière non plus. Pomponnée comme un camion de pompier sur les Champs-Elysées un 14 juillet. La classe en plus. Le mot qui va bien, toujours. Elle accepte, Dame "Douleurs", les banderilles noires et les sourires en coin, ou franchement gras. Elle accepte tout, Dame "Douleurs"... mais que ses tontons ne soient les plus beaux du défilé, ça, JAMAIS !!!

Et puis, 11 juillet 2009, 18h35 : putain, mais que ça pète un dolores au milieu du ruedo pamplonais !!! Y'en a eu 6 pour rêver ! Splendides ! Le Tío en règle, avec marqué « respect » dans les yeux, et « gaffe à ta gueule, petitoun » sur le front. Au milieu, en-dessous, au-dessus, derrière, « ENFER ». Les pitones comme l'Ossau et des diamants glacés sur lesquels s'emplâtrent les satellites ruskoffs. Un dolores, c'est un défi à la Terre entière, une muraille de Chine de bois et de sanquette, un cuirassé « Potemkine » de barbaque, Gengis Khan aux portes de Rome, Sparte sur 4 pattes !
Moi, je te le dis, les 3 clampins du jour, fallait pas qu'il s'aiment beaucoup pour se coller au morceau, ce jour-là. Ou peut-être juste une question de frigo à remplir...
Mansos ? Que oui ! Tous ! Les canassons s'en sortiront avec quelques bleus sur les costiches, car je veux croire que même donné sans grande conviction, un coup de tronche de Dolores, ça fait trembler la bidoche. Ah oui, un dolores, c'est manso... c'est comme ça. C'est timide un dolores. Les rencontres fortuites, les bonnes manières de la Rotschild, très peu pour lui... en général. Le couteau à poisson et le grand cru classé, il s'en fout ! Par contre, viens pas poser ton godillot là où t'as pas été invité, mec ! Chacun chez soi et tout ira bien... sinon, malheur !
Alors, oui, il aura fallu être fou, pour penser à la portagayola, ce jour-là, ramasser 35 méga-tonnes de dynamite en colère à 3000 km/h avec les gencives, et revenir s'y planter pour éventer les gradas de la plus délicate brise du capote "suavísimo" de David Mora. Mais, Grand Dieu, lequel de nous aurait parié un real « brazileiro » que ces teignes monstrueuses, ces foudres de l'Olympe se glorifieraient dans les 946 naturelles et autres 1 000 372 derechazos du jour, jusqu'à en demander et en demander encore ! La tronche en bas comme des cochons qui reniflent les truffes, ou en haut comme un président français cherchant à fixer son homologue yankee dans les yeux, la traction arrière enclenchée qui propulse le tank en avant toujours et toujours ! Ça s'arrêtait jamais, ça revenait, ça tournait, trois tours et puis BLAM, BLIM, BLAM et PATAPAM ! Ça revenait encore, et encore, et encore et toujours ! Mon vieux, tu lâchais le guidon, tu partais entre les barres ! Garanti « tampon-sanction à tous les étages ». Il y eut bien ce 4ème, plus branleur que ses frangins, mais Serafín n'en avait que foutre. Peut-être moins la dalle que ses compañeros, va savoir... Alors, on a oublié.
Les autres, des tonnerres, des chiens de l'enfer, des mansos de rêve jusqu'à 'Cantinillo', 620 plombes de steak, et de la race, ... pardon... de la RRRRRACE plein les burnes ! Un « Inspecteur Harry » des ruedos, jamais là pour déconner, un flingue gros comme le bras dans chaque revers de pantalon ! Et je me demande bien qui, à part un affamé, un rêveur, un dingue, un désespéré aurait pu rester planté là, à attendre enfin le « pain dans la gueule » libérateur de la bête fumante, les talons dans le sable, le menton sur les poils du torse et le bras tendu à s'en péter le coude ! Le condamné du jour s'appelait Joselillo, pas très grand, pas très beau, pas très bon, pas très connu, et c'est sans doute un mal de bide peu commun que seul un frigo vide peut procurer parfois, qui l'a fait toréer 'Bilbatero', et surtout 'Cantinillo' de la façon la plus noble qui soit. Non, c'était pas Finito, non, ça fleurait pas le romarin, et non, on n'entendit pas Estrella Morente louer le temple et la torería sur fond de seguiriya... C'était juste Joselillo, humble parmi les humbles, petit, tout petit, qui s'est collé, ce jour-là, par défi ou par nécessité, à Dame "Douleurs" et ses tontons, à coups de taloches cinglantes, de baffes claquantes et de pets en travers.
Les baisouilleurs du mundillo et les troubadours de callejón vous diraient que oui, il s'employa de loin, que oui, il est mal fagotté, que non, il n'a pas de technique, que oui, il est basto et que oui, il a la gueule en biais et qu'il est bas du cul, et moi, je leur dirais que OUI et dix fois MERDE ! Joselillo ne sait toréer qu'avec ses couilles, mais fallait-il qu'il en ait, le gugus, pour rester accroché alors que ça tamponnait pire que dans un champs de la Somme en 14 ! Même les seaux de mauvais pif se figèrent en l'air quand les peñas du soleil se firent "apocalyptiquement" silencieuses... Oubliée la "Chica Yeye", Joselillo dégueulait toutes ses tripes quand il brandit 7 fois l'épée maladroitement et 'Cantinillo' allait mourir sans jamais signer d'armistice, car non, fallait-il le savoir, les toros de Dame "Douleurs" ne viennent pas au monde pour rendre les armes ! Mansos, à coup sûr ! Mais mansos con GRAN CASTA ! Que Santa María et San Cernin de Pamplona sonnent et claquent à pleine volée et que les monts se soulèvent d'Urbasa y Andia jusqu'aux Bardenas ! Amis, je vous le dis, les tontons de Dame "Douleurs" sont de retour !