09 avril 2009

Petites réflexions sur la « concours »


Le samedi 8 août prochain aura lieu à Parentis-en-Born (Landes) une alléchante novillada dite concours proposée par l’Association des aficionados (ADA) à l’occasion de son 20e anniversaire. La simple énumération des encastes annoncés, tous très minoritaires, suffit à rendre l’événement hautement recommendable ; jugez plutôt : Gallardo (Partido de Resina), Veragua (Prieto de la Cal), Vega-Villar (Barcial), Saltillo (Moreno de Silva), Urcola (Moreno de la Cova) et Santa Coloma ligne Coquilla (Coquilla de Sánchez-Arjona) !

Cela dit, et sans vouloir donner l’impression de chercher des poux, l’idée d’organiser un concours de novillos me paraît quelque peu curieuse ; en ce sens que le concours de ganaderías représente en tauromachie sa forme la plus évoluée, son modèle le plus abouti. Cette course exceptionnelle, si elle ne saurait se résumer à un concours de beauté, met théoriquement en scène des animaux arrivés au faîte de leur développement, à savoir des toros, mieux même, la crème des toros, des « estampes », des « toros-toros ». Les novillos de Parentis seront sans nul doute bien présentés et, soyez-en certains, feront honneur à leurs élevages respectifs. Mais un novillo reste un novillo, c’est-à-dire un animal de trois ans destiné à devenir toro — s’il ne présente pas de défaut physique et/ou d’encornure et s’il correspond au type voulu par son éleveur — ou à sortir en novillada.

En poussant la logique jusqu’à l’absurde, avec une pointe de provocation quand on imagine avec quel grand sérieux les aficionados parentissois organisent leurs courses, la seule lecture de l’article 46 du Règlement taurin municipal interpellera l’aficionado quant au bien-fondé d’une course intitulée « novillada concours » : « Les animaux borgnes, ainsi que ceux dont les cornes seront abîmées (astilladas, escobilladas, despitorradas) ou malades (hormigones) ou enfin cassées (mogones), ne pourront être combattus en CORRIDAS DE TOROS. Ils pourront l'être en NOVILLADAS AVEC PICADORS — à l'exception des borgnes — à condition qu'il soit précisé clairement et de façon visible sur les affiches, qu'il s'agit d'animaux refusés à la tienta et aux cornes défectueuses (desechos de tienta y defectuosos). »1 Reconnaissez après ces quelques lignes qu’un concours de novillos ait tout d’une étrangeté.

D’autant plus que dans un concours de ganaderías la mise en valeur du cornu (et plus particulièrement de sa bravoure) par une lidia appropriée constitue son objectif premier ; une lidia que des matadors (de surcroît expérimentés) sont naturellement plus à même d’offrir que des novilleros — a fortiori lorsque l’on relève, comme il a été fait plus haut, l’identité des devises en compétition ! À ce sujet, les carteles affichés par Madrid et Saragosse2 pour leurs prochaines « concours » printanières ont de quoi laisser songeur. En effet, et ce malgré tout le respect que l’on doit à chacun de ces valeureux matadors, voir ces deux arènes majeures arrêter leurs choix sur Aníbal Ruiz, Jesús Millán (Madrid & Saragosse), Sergio Martínez, Ricardo Torres et Alberto Álvarez vous pousse légitimement à douter de la volonté des organisateurs à se donner tous les moyens (et il en faut !) de la réussite, à mettre toutes les chances de leur côté. À douter du sérieux de l’entreprise, tout simplement.

Évoquer Madrid et Saragosse permet en outre de se pencher sur la question du lieu où est organisée la « concours ». Le soin avec lequel l’éleveur préparera l’événement sera vraisemblablement proportionnel à la catégorie de la plaza ; une catégorie qui conditionnera grandement la portée médiatique d’un éventuel succès. Être primé à Saint-Martin-de-Crau3 n’aura pas le même retentissement et n’apportera pas le même prestige, la même fierté qu’une récompense glanée à Vic-Fezensac4, Saragosse ou Madrid. Là aussi on peut, sans arrière-pensée, discuter de la pertinence de présenter dans une arène de l’importance de Saint-Martin-de-Crau des courses d’un tel niveau d’exigence.

Avant de nous quitter, j’aimerais vous donner à lire un court papier de Jorge Laverón, « Le toro de concours oblige à un choix particulièrement attentionné », publié en mars 1977 dans El País et qui disait à peu près ceci :

« Pour choisir sérieusement un toro de concours il faut prendre en considération : la note de sa mère, sa lignée, son apparence et le type de son élevage. Ce fut le thème développé par Luis Fernández Salcedo5 chez “Los de José y Juan” lors d’une conférence qui coïncida avec sa réapparition comme conférencier depuis 1967. Il faut sélectionner le père du toro à choisir, prendre en compte le comportement qu’ont donné d’autres de ses fils déjà combattus et, ensuite, procéder à un examen minutieux des toros retenus sans perdre de vue la note de la mère, ainsi que le jeu donné par certains de ses rejetons. Ce n’est qu’après que le toro sera sélectionné en fonction de sa maturité, de sa corpulence, de sa vigueur et, en définitive, de l’image de sérieux qu’il renvoie. Afin de permettre à l’éleveur une sélection minutieuse, une corrida concours doit être prévue suffisamment longtemps à l’avance. “Une corrida qui ne l’aura pas été, d’après Salcedo, ne peut pas bien sortir ; ce sera au mieux una limpieza de corrales ou une course de rebuts. L’image de sérieux renvoyé par l’animal importe beaucoup dans une corrida concours, mais ce ne serait pas la première fois qu’un toro laid se révélât brave. Finalement, ce qui importe le plus c’est que le toro soit dans le type de son élevage.” » Le toro...

1 Source FSTF.
2 Madrid. Dimanche 19 avril 2009. Toros de Juan Luis Fraile, Moreno de Silva, Cuadri, Escolar Gil, Adolfo Martín & Pablo Mayoral pour Aníbal Ruiz, Jesús Millán & Sergio Martínez.
Saragosse. Dimanche 26 avril 2009. Toros de Partido de Resina, Prieto de la Cal, Escolar Gil, Alcurrucén, Fuente Ymbro & Ana Romero pour Jesús Millán, Ricardo Torres & Alberto Álvarez.
Escolar Gil présent aux concours de Vic, Saragosse ET Madrid ! Bizarre ? vous avez dit bizarre ?
3 Dimanche 26 avril 2009. Toros de Moreno de la Cova, Rocío de la Cámara, Rehuelga, Tardieu Frères, Aimé Gallon & Fils et Héritiers de Christophe Yonnet pour Serafín Marín, Alberto Aguilar & Mehdi Savalli.
4 Vic qui en proposant chaque année ce rendez-vous aux éleveurs devrait pouvoir logiquement en garantir son sérieux et, par la même occasion, sa pérennité. Vic où, soit dit en passant et pour ne prendre que l’exemple de 2008, la présentation de certains toros lidiés en concours laissait franchement à désirer : le Miura manquait singulièrement de présence, le Victorino était nain, le La Quinta hors type et le Charro de Llen avait le regard, comment dire ?… d’un agneau.
Vic. Dimanche 31 mai 2009. Toros de Miura, Palha, Victorino Martín (habitué à envoyer des « sardines » !), Cebada Gago, Escolar Gil & Fuente Ymbro pour El Fundi, Javier Valverde & Luis Bolívar.
5 Luis Fernández Salcedo, Verdad y mentira de las corridas de concurso, Unión de Bibliófilos Taurinos, Madrid, 1971.

Images Corrida concours Céret de Toros 1998 # La page intérieure du programme avec les têtes des toros, les noms des picadors, etc. Le règlement côté recto où l’on peut lire (en cliquant) que « le ganadero vainqueur se verra attribuer un prix de six millions de pesetas ». 6 000 000 ? Soit environ 250 000 de nos anciens francs ou 36 000 de nos nouveaux euros ? Mazette ! Le billet illustré de fort belle manière par le peintre cérétan Émile Erre (1904 – 1986) Le règlement côté verso qui signale clairement que... « la carioca est interdite » ! © Association des aficionados cérétans