07 septembre 2008

Poil à gratter, mauvaise foi et belles filles


Si vous l'avez rencontrée, elle n'a pu que vous charmer. Un être divin venu de quelque part au Sud, cette présence exquise et chaleureuse au cœur de cette gaudriole rouge et blanche qui n'a plus de sens pour personne. Elle est juste là, belle, improbablement belle. Elle a l’œil noir, elle est forcément dacquoise et est bien d'ici, de chez nous , au cœur de la plus enjouée des folies.
Oui, « chez nous », on pose des fois le pied sur d'autres planètes, sous d'autres cieux, et quand les étoiles brillent intensément entre le feuillage des platanes qui retiennent la fraîcheur de la dernière pluie, il peut tout se passer, à la féria de par chez nous. Même le meilleur... Surtout le meilleur.
Ici ou ailleurs, la fête est un luxe que s'offre l'esprit, et quoi de plus jouissif que de se voir « gai comme un Italien, quand il sait qu'il aura de l'Amour et du vin » ?
Alors quand les toros s'en mêlent, l'ivresse est simplement... divine. Ainsi, je le dis haut, fort et en couleurs, Dax est une féria intelligente, belle et passionnée, faite par des gens intelligents, beaux et passionnés. Je vous entends, vous toussez. Qu'avez-vous à redire ? Y étiez-vous, simplement, pour oser en douter ? Penchez-vous en avant, et approchez votre blaire. Aficionados de partout et d'ailleurs, barbus de tendidos ou glandus « fleur bleue », qu'y humez-vous ? Du Domecq, certes, mais qui peut se passer de Domecq dans nos affaires ? Même pas la torista Pamplona, plus domecquisée que jamais, surtout pas la grande Sevilla, ni même la sévère Madrid. Et ça n'a pas l'air de gêner qui que ce soit, je crois... Alors, du Domecq par chez nous, pensez donc. Qu'ouie-je ? Dax, pas assez torista ? C'est vrai, mais a-t-elle déjà eu vocation à l'être ? Ne tombons pas dans le piège imbécile de mépriser les plazas peu ou pas toristas, au risque de rentrer dans le cuir épais de bourrins de rase campagne juste bons à sillonner les champs, dans un sens, dans l'autre, comme un objectif vital ou mortel. Je l'affirme à nouveau, le « torisme » n'est pas une fin en soi, un état suprême, un Nirvana de l’afición, encore moins un « laissez-passer » pour les « ceusss en mal de reconnaissance », de même que le « torérisme » ne s'apparente que de loin à une épouvantable maladie incurable... C'est juste qu'il faut avoir le recul nécessaire pour apprécier le plus justement qui se trouve devant quoi. A ce jeu, Dax tient son rôle, au même titre que toute plaza du rayon, et s'efforce de confectionner les carteles les plus judicieux du moment. Bañuelos et Bolívar, Hoyo de la Gitana et « Fundi », Montalvo et Ponce, Victoriano del Rió et Perrera : quatre courses, quatre succès, sur cinq possibles. En matinée, un rabo pour le brillant Del Álamo à un Conde de Mayalde « vueltérisé », en non piquée. Ça commence à vous gratter ? Je m'en doutais.
Dax a renoncé à sa corrida concours, mais vous n'êtes pas sans savoir qu'elle l'a fait, contrainte, en un temps où l'on soupçonnait les cornus de la basse Ibérie d'avoir la langue bleue. N'importe qui aurait pu se contenter de quelques Atanasio imbuvables et autres bueyes patas blancas du Campo Charro, voire de quelques terreurs merdiques impropres à quelque consommation que ce soit des alentours de Madrid, mais pas Dax. Voilà. Là, je sens que ça vous piquotte.
Quoi d'autre ? Tout cela manque de présentation ? Ah... c'est vrai, ça arrive. Mais Dax n'est pas Madrid, n'est pas Bilbao, ni Séville ou Pamplona. Dax n'est que Dax, et passe souvent après les grands, les très grands de ce monde-là. Pas la peine que je m'éternise, vous m'avez compris. Dax, qui n'aime que le trapío et pas l'excès, n'a pas l'immense joie d'être « chopérisée », et peut donc difficilement négocier en terme de présentation ce que les stars du ruedo exigent, et ne se voit par conséquent parfois refiler que les fins de campo, et s'en accommode comme vous le faisiez, en bout de table à la cantine, sans broncher, quand les balaises de cour de récré vous demandaient votre rabe de purée. C'est comme ça, y’a des choses qui ne se refusent pas, sous peine de se voir en plus engloutir le steak, seul et unique misérable vestige dans l'assiette jadis prometteuse. Je ne vous ferai donc pas l'affront de vous demander s'il ne vaut finalement pas mieux demander au « Grand Basque » de plonger le nez dans vos affaires pour vous aider à les mener à bien ? Ça, ça fait mal, hein ?
Je vous voyais venir, avec vos grands sabots, sur vos échasses, quid des pitones tocados ? Eh bien, je vais vous le dire : je n'en sais rien. En avez-vous vu, vous, des cornes aféitées, à Dax ? Oui ! Quand ? Où ? Au risque de vous décevoir, pas un véto n'a officialisé la chose. Et vous qui n'êtes pas forcément de la partie, seriez bien aise d'affirmer ce que des scientifiques ont peine à prouver. Ou si peu. Comme partout, en fait. Banal, quoi, et irrémédiable au fond, car Dax n'a pas le monopole de la tricherie, et c'est avec grande peine que je dois le consentir. Croyez-moi, j'aurais tant aimé qu'il n'y ait qu'à Dax que l'on aféite les toros, j'aurais tant aimé.
Fin du premier chapitre, où l'on conclue que Dax n'est certainement pas une Féria Torista, mais au fond, qui ne le savait pas ? Et puis surtout, doit-on s'en plaindre, finalement ? Coincée entre Vic, Parentis ou Roquefort, Dax se devait bien de rendre service aussi aux plus sensibles d'entre nous. Reconnaissons que c'est chose faite.
Vous me dites à présent que Dax est donc une féria de vedettes. La belle affaire. Je crois même qu'elle ne peut que se flatter le croupion d'un tel handicap ! Honnêtement, là aussi, qui oserait se plaindre de pareil constat ? D'accord, on rêve tous de voir « Juli » avec les Escolar de Vic. Mais l'a-t-on déjà vu un jour avec les Escolar de Vic ? Je vous laisse vous auto-répondre. Il est sans doute important de rappeler à tous qu'une arène est une entreprise à gérer, c'est une usine qui se doit d'être rentable pour la municipalité à laquelle elle appartient. Une arène vide a forcément de graves répercutions sur la vie d'une municipalité, et ne vous y trompez pas, la vocation d'une commission taurine est avant tout municipale. Elle a donc pour mission première de répondre aux exigences municipales, avant même que d'éprouver sa propre afición, notamment en répondant par un orgueilleux et retentissant « NO HAY BILLETES » quotidien, tout au long de sa féria. L'utopie doit persister, mais pas aveugler, surtout pas déraisonner. Les vedettes remplissent les tendidos, le nier serait fantaisie, vouloir le négliger refléterait un manque flagrant de réalisme, surtout quand il s'agit d'une fonction financière. Au fait, « Fundi », c'est quoi, pour vous ? Une vedette ou un vulgaire « matacamion » ? Et sur cinq jours de féria, vous le mettriez combien de fois, « Fundi » ? Et avec lui ? Qui ? Pas facile, hein ? Du coup, ça fait également relativiser cette chère notion de "torisme" qui, vous le comprenez, ne se satisfait pas qu'avec des rêves et des volontés, mais aussi et surtout à grand coup de logique implacable ! De plus, avouez que si l'on ne voyait ni « Juli », Ponce, Manzanares, Perera et les autres, combien d'entre nous, honnêtement, iraient aux arènes pour simplement y apprécier Miguel Zaballos, Sánchez Fabrés, Javier Gallego et les confrères d'un genre si peu commun ? Vous n'en avez jamais entendu parler ? J'en étais sûr. Les seconds couteaux restent les seconds couteaux, bipèdes ou quadrupèdes, à Dax ou ailleurs, y compris pour vous, les durs à cuire de la tchatche théoricienne, mais on n'attire pas le poisson avec du second couteau, même pas en afición a los toros. Me trompe-je ?
Ainsi, je confirme bien, en ce second chapitre, que Dax est un rendez-vous de vedettes du toreo. Mais je le répète, qui oserait pleurnicher en mangeant la garbure dans une cuillère en argent ? Vous, peut-être ? A moins que ce soit la garbure qui vous pose problème ?
Dax, une féria de troisième tercio ? Je vous l'accorde, on pourrait le lui reprocher fortement. Le tercio de pique se meurt, quand celui des banderilles n'a plus aucun sens. Non, les toros livrés aux piqueros du ruedo dacquois ne sont pas les plus à plaindre, d'autant que les hautes instances de la plaza landaise ont elles-mêmes affirmé que « la deuxième pique n'était en rien obligatoire sur les bords de l'Adour, tous les toros ne la tolérant pas systématiquement ». En même temps, comment exiger de Dax, ouvertement torerista, ce qu'on ose à peine, du bout des lèvres, revendiquer auprès des plus toristas d'entre les plazas, même si je ne vous cache pas que l'annonce m'a éprouvé aussi, mais je me suis consolé en constatant que la pique andalouse était finalement restée en Andalousie, ou du côté de Beaucaire. Ça nous a évité de ridiculiser encore davantage ce maudit tercio de varas. Tant de places aussi fortes se chargent déjà très bien de le faire. Alors non, pas de deuxième puya obligatoire à Dax, mais pas non plus de picotazos fantaisistes ou littéraires, comme vous en avez remarqué l'incongrue présence à... Vic, par exemple, plaza torista s'il en est. Par ailleurs, je vous mets au défi immédiat d'affirmer ici même qu'une quelconque pique utilisée en cette féria 2008 à Dax aurait été montée à l'envers ! Là, tout de suite... Personne ? Valait mieux.
Les palcos ? Très indulgents, me dites-vous ? Peut-être. Ça ne m'a pas choqué. Le public ? Festif ? Sans doute, et alors ? Toutes les plazas ne peuvent se vanter d'un public aussi austère que celui de... Pamplona !
Si j'ajoute à cela que Dax ne peut se rendre responsable du comportement de ses toros, ni de celui des gens qui les affrontent, qui plus est, d'ingérables, capricieuses et pourtant indispensables vedettes et encore moins de leur imposer ses volontés aficionadas. Pas plus responsables non plus des impondérables, invités malvenus de dernière minute, que puis-je conclure quant au dénigrement singulier que subit ouvertement la cité landaise et ceux qui la font tourner bénévolement, et avec tant de succès ?
Ainsi, maintenant que vous venez de constater que vous n'étiez finalement qu'un indécrottable aboyeur de fond de cour, qui s'arrache les cordes vocales comme un supporter "ultrabittérisé" du Nord de l'Angleterre dans un virage sud minable, chaque fois que vous entendez prononcer le nom de DAX, vous n'avez plus qu'à relativiser sur votre conception du « torisme » ancrée dans votre teston comme une épave en plastique au fond du bocal de votre poisson rouge. Et si le « torisme » n'était au fond que la vision abrutie d'un esprit faible et tordu ? Peut-être la vôtre, qui sait ? Seules l'harmonisation idéale des protagonistes du ruedo et l'adaptation des comportements et des règlements quant à une situation donnée et la bonne tenue du spectacle s'apparentent à l’afición, la vraie. Dax en est la preuve évidente, d'autant que la fête et les filles y sont bien plus belles qu'ailleurs, c'est pour cela qu'ouvertement et avec la plus amusée des mauvaises foi, je vous le dis haut, fort et en couleurs : Dax est la meilleure féria du monde.

A mí me gusta la Dacquoise, con sus ojos negros... ¡¡¡Y VIVA MONTALVO!!!

Texte & dessin : El Batacazo