16 mars 2008

"Même les clébards..." Campos de Castilla (III)


"Même les mémés aiment la castagne [...]" à Toulouse, dans le swing rocailleux du poète Nougarrrro. A Ciempozuelos, au lieu-dit « Soto Gutiérrez », c'est pareil que dans la chanson mais ce sont les clébards qui aiment la castagne... et pour de vrai, les crocs en étendard.
Si vous allez traîner votre carcasse du côté de Ciempozuelos dans le proche sud de Madrid, c’est que vous devez aimer les taureaux de combat ou tout simplement que vous désirez vous rendre à Chinchón et, dans ce cas, vous n’avez que faire de Ciempozuelos... C’est logique. Il n’y a pas grand-chose à visiter ou à voir à Ciempozuelos, pas même un petit paysage sympa au détour d’une colline... Faut aimer les toros pour aller à Ciempozuelos ou simplement vouloir se rendre à Chinchón et, dans ce cas, vous n’avez que faire de Ciempozuelos, c’est logique.
C’était écrit sur le portail d’entrée de la finca. Les chiens sont dangereux, parfaitement énervés. De derrière le mur blanc, on se sent protégé, loin des crocs. Erreur, ces chiens-là ont l’air pec et objectivement fumés du bulbe. Ils le sont. Quand le portail s’est ouvert, courageux, nous sommes restés dans la voiture comme sur une île verte encerclée de squales bleus à la diète depuis trois mois. Nous venions voir des toros gris...
Elle nous a juste dit qu’ils étaient « fous » mais pas dangereux, que nous pouvions descendre du coche. J’ai regardé les autres, rapidement, comme un voleur... avouons-le, je voulais qu’ils descendent avant moi ; pas tous, seulement un pour faire diversion... On a dû les faire rire tous ces gens de "Soto Gutiérrez" parce que, finalement, ils n’étaient pas si terribles que ça ces cabots sans pedigree. On les a même caressés, du bout des doigts seulement, au cas où et pour l’odeur...
Il y a un chemin de terre qui court devant la placita de "Soto Gutiérrez" et qui part vers nulle part, plus loin. C’est bucolique, l’herbe colore la terre et des chats noir et blanc sautent au pied de grands arbres. Derrière le mur blanc, lentement les crocs deviennent ombres aigues sur le sol gris. Malgré le vent léger, l’herbe du chemin beige a cessé de tanguer. Le portail va s’ouvrir, un chat noir et blanc a oublié d’écouter le silence. Le petit chemin qui passe devant la finca est devenu ruedo ; un ruedo tout en long comme les ombres des crocs. On les a vus exploser, la langue calée sous le poitrail, les yeux rouges injectés de rage, les crocs traçaient des sillons, les griffes creusaient des cratères. L’herbe s’est cachée sous la terre, les arbres ont fermé leurs branches pour ne pas voir, les piafs, s’ils avaient eu des mains, se seraient bouché les oreilles pour ne pas entendre. Ça allait saigner, sin puntilla ! Le portail était ouvert, Serafín allait nous montrait les toros gris, un chat allait se faire déchirer grave par des chiens sévèrement toqués. Devant nous, à deux mètres peut-être, il a couru plus vite que ses courtes pattes ne pouvaient le porter, c’est un trou de souris qui l’a sauvé et un coup de rein muy torero pour esquiver l’embestida furieuse des cabots aux longs crocs. Nous venions voir des toros gris... Si vous allez un jour traîner du côté de Ciempozuelos, ne vous focalisez pas sur les toros gris au bord du chemin beige ; écoutez le silence, il annonce bruyamment qu’en ce lieu vivent des êtres fous, fumés du bulbe et qui chargent tout ce qui bouge...
Nous avons finalement vu les toros gris, lentement, comme dans un apaisement. Ils sont beaux, ils ont des cornes longues et effilées, ils en imposent, c’est certain. D’après les livres généalogiques, les Hernández Pla descendent des Buendía, c’est-à-dire des Santa Coloma croisés de Saltillo et volontairement élevés en petit format par Monsieur Buendía. Chez les Pla, ce petit format n’est plus de mise et il semble que la sélection soit clairement dirigée vers le costaud et le très armé. Un lot d’ailleurs a été retenu par les organisateurs cérétans... Logique a-t-on envie d’écrire. Finalement, il y a très peu à dire de cet élevage d’Hernández Pla. C’est affreusement moche car à "Soto Gutiérrez", il semble que M. Ignacio Huelva ait surtout investi dans la tôle. Cette tôle hideuse qui sert à séparer les minuscules cercados pelés dans lesquels paraissent s’ennuyer d’énormes bestioles grises. C’est donc laid. Il y aurait juste à supputer sur le rajout de sang Saltillo dans cette ganadería tant certains spécimens s’approchent plus du type effilé des toros du Marquis que des rondeurs des Buendía. Seulement des hypothèses...
Pour le reste, il n’y a pas beaucoup à écrire sur tout cela. Le toro d’Hernández Pla est un toro à part entière, aujourd’hui clairement sorti du concept moyen du toro de Buendía. Ça paraît hors type à première vue. Mais y a-t-il réellement un type Santa Coloma-Buendía ? A l’affirmation que les Hernández Pla sont hors type car trop costauds et trop armés en comparaison avec les Buendía, certains pourraient nous répondre qu’après tout, avant la vente à Buendía (1932), ces toros étaient plus grands car c’est Buendía qui a eu la volonté de réduire le volume de ses bêtes. C’est vrai et tout à fait défendable. Cependant, et je relaye là une réflexion d’un de mes amis, ce qui est inquiétant dans le cas d'Hernández Pla, c’est qu’ils ont fait du gros avec du petit... et aujourd’hui, le toro d’Hernández Pla est loin des canons de ses origines Buendía. Pour autant, cela plaît à beaucoup et conviendra certainement à tous ceux qui se rendront à Céret en juillet... 6 balaises dans le type Hernández Pla mais hors du type Buendía.
Et en juillet, il ne serait pas étonnant d’entendre des chats noir et blanc miauler sur l’herbe jaune du chemin qui passe devant le mur tout blanc...


>>> Retrouvez les photographies des Hernández Pla (dont ceux de Céret) sur le site à la rubrique CAMPOS.

Photographies Pelea de deux toros d'Hernández Pla à "Soto Gutiérrez", février 2008 & un des monstres atigrados de "Soto Gutiérrez" © Camposyruedos