06 juin 2012

25 000 imbéciles


Vous ne trouverez pas de bafouille acide concernant la vie de « Comeuñas » sur ce site. Mauvaise foi ? Peut-être, mais on s'en fout, parce que tout nous inspire l'afición rêche et solide dans cette bourgade de Huelva : les gens, la terre, les toros et la maniere dont tout cela s'agite naturellement pour, nous le croyons fermement, le plus grand bonheur de l'aficionado. 
N'allez pas croire pour autant que nous avons été dupes toutes ces longues années où Fernando et ses bestiaux partageaient un ciel bas et lourd comme un édito de Zemmour sur des horizons brumeux et inquiétants comme un édito de Zemmour. C'est la vie des toros, le bache, comme on dit. Et chez Cuadri, il dura.
Mais, malgré cela, on persistait à arroser le pienso à coups d'afición, et l'on en versait aussi quelques gouttes dans chaque abreuvoir, car Fernando croyait, et José Escobar aussi. Voilà pourquoi l'Afición doit se réjouir de voir le toro de Cuadri flamber comme il le fait ces jours-ci.
Un tonton lourd, puissant, fort et ras du front comme une bavaroise, exigeant comme un nouveau riche, spectaculaire comme un 14-Juillet, un ténor du patac, un orphèvre du coup de tronche, un genre d'Inspecteur Harry qui, pour un coup de pétoire envoyé vous en rendra cent. Les imagineriez-vous plutôt façon Comtesse de Sévigné, vous ? À partir de là, il va de soi que les toreros chics ne pensent pas aux toros de Trigueros dans leurs rêves de gloire...

Ainsi donc, vendredi, jour de poisson, le wagon pesait et ça rayait le plafond, car, de tout temps à jamais, un Cuadri fin et poli c'est comme un oranger sur le sol irlandais...
Pour autant, c'est vrai qu'il n'y eut ni de 'Aviador' ni de frangin du genre de celui qui descendit à la station Ventas. C'est ma manière à moi d'abonder dans le sens de ceux qui auraient vu la course comme on assiste à un Paris-Roubaix depuis Chiberta, mais ça s'arrête là car il fallait être sacrément endormi pour ne pas avoir craint, le cul serré sur les tendidos de Madrid, cette fijeza qui jaillissait du moindre regard de conquistadors de ces bestiaux fous dingues. De la rage plein l'entre deux cornes, prête à tempêter au moindre vol de poussière. Un toque et badaboum ! 300 000 megatonnes de fureur qui déboulent plein fer sur votre cloison nasale. Des courses tête au ras du sable, oui, plein ! Des retours de tigre du Bengale, autant que tu en voulais ! Du pet et des pums, comme dans la Somme ! Voyez le pauvre Castaño qui regardait passer la mouche...
Assurément, on en connut de plus braves, de plus nobles, de plus souriants, de plus éduqués, ou simplement de meilleurs... Pardi ! Mais de plus fiers d'être toros, de plus orgueilleux d'être guerriers racés, soldats insatiables et rugueux, des plus soucieux de laisser brûler dans les yeux et la chair de l'adversaire le diabolique blason de leur clan, je ne crois pas.
Sans aucun doute, ce furent bien les toros de Don Fernando et Don José que l'on vît semer le trouble Plaza de Toros de Las Ventas del Espíritu Santo, vendredi, jour de poisson. Voilà pourquoi 25 000 imbéciles ignorants sortirent de là avec l'envie de faire péter les montagnes à coups de tromblon, pendant que les autres regrettaient que l'on ne puisse pas tourner joliment en rond avec tous les toros.


>>> Retrouvez une galerie de la course de Cuadri sous la rubrique « Ruedos » du site.