07 septembre 2013

Je préfère les antipasti


Anti-anti ! Ça devient grave.

Déjà que je refusais d’être un anti tout court, un tout petit anti, un minuscule et monoanti, faudrait que je devienne anti-anti ! Pourtant, les tentations étaient nombreuses d’être un anti tout court : j’aurais pu devenir anticonsommateur de lasagnes au bourrin rom, ou antitouriste japonais qui n’en finit jamais de sourire à l’Occidental velu, qui l’accueillerait volontiers à coups de pied au cul son sourire à la con. Un chien aurait pissé dans mon jardin qu’il ne m’aurait pas fallu longtemps, si je m’écoutais, pour créer ma page Facebook anticlébard du voisin et de sa salope de femme qui lui lèche le groin (au chien), mais ça fait un bail que je me méfie de ce que je me raconte ; je serais même devenu antitaurins ! Ouaaais, c’est vrai ! Pas antichose taurine, faut pas pousser, j’ai la passion façon limace ; elle s’accroche, elle bave, elle laisse des traces depuis trop longtemps, et je crèverai avec, ça c’est sûr, y a pas d’autre solution. Antitaurins avec un « s », le « s » de la servitude offerte à la nullité, le « s » de suiveurs, de tous ces inutiles qui copient, commentent, gaspillent des lettres et des mots trop rares aujourd’hui à vouloir nous causer tous les jours de leurs corridas faisandées, ici sur le Net et ailleurs dans les bouquins, les revues, la radio. Oui, j’aurais dû devenir antitaurins, mais il ne tient finalement qu’à moi de ne pas les fréquenter, et la loi fait qu’ils ont le droit d’exister — comme Dieu, l’État de droit exagère tout de même !

J’aurais pu devenir tout ça et j’avais mes raisons, et j’avais raison ! mais je suis resté moi, pas anti pour deux sous ; c’est fatigant d’être anti, c’est con, surtout ! Alors imaginez qu’en n’étant déjà pas anti je sois devenu d’un coup, d’un seul, comme ça, sans préparation, sans entraînement et sans dopage, anti-anti ! Un coup à me coller un infarct à la première manif, et crever d’un infarct pour arriver à être un con au carré, très peu pour moi, au final.

Si Rion-des-Landes a connu cette année un éclairage médiatique plus large que le derrière de la fantasque Maïté, la faute n’en revient pas entièrement aux anticorrida, qui ont profité de la situation que les forces de l’ordre ont laissé s’installer en permettant à quelques mangeurs de courgettes à l’eau — tout en sachant qui ils étaient et d’où ils venaient — de pénétrer dans l’enceinte de ce « cordon sanitaire » de 500 mètres autour des arènes mis en place par nombre de municipalités de villes taurines. Le reste — les agissements des anticorrida — relève de la justice, et point. Que les forces de l’ordre n’aient pas fait correctement leur travail à Rion-des-Landes est plus inquiétant pour la pérennité du calme de l’aficionado que les gesticulations très visuelles de personnes dont la capacité intellectuelle le dispute quotidiennement à leur talent littéraire et orthographique.

La corrida n’est pas du monde qui se construit. Elle ne tient à rien face à l’évolution sociétale actuelle, sclérosée par les grandes théories écologistes. La corrida devrait fermer sa gueule et rester discrète pour vivre mieux et plus longtemps, au lieu de croire se défendre sur des concepts moisis de traditions et d’ériger le triomphalisme comme une norme susceptible de faire d’elle un spectacle acceptable par tous duquel le public sortirait toujours satisfait. La corrida n’est en rien consensuelle et n’a rien à faire au patrimoine immatériel de l’humanité. Mais la connerie n’a pas de camp, et les antitaurins sont obligés de la partager avec nombre d’aficionados qui sont prêts en un clic à s’inscrire sur une page Facebook des anti-antitaurins, nouvellement créée par on ne sait qui pour « montrer au grand jour les pratiques des anticorrida ». Et montrer au grand jour les pratiques du monde taurin, non ? C’est comme l’ONCT, surtout ne pas regarder les affaires internes, ne s’occuper que du crépi ; laissons les fondations au mundillo espagnol, le bâtiment va bien, là-bas !