24 septembre 2013

La mort de « Toros »


Savoir mourir est un art quand on a le choix. La revue Toros vient d’annoncer sa mort pour le 31 décembre 2013. J’ai appris la nouvelle avec cette tristesse qui ne tire pas les larmes, mais qui enlève encore un peu plus de cette jeunesse qui fout le camp dans le sens inverse de la marche. Toros meurt pour des raisons multiples clairement évoquées par Joël Bartolotti dans le dernier numéro de la revue (n° 1961), et, à bien y regarder, mise à part cette tristesse silencieuse, l’annonce de la mort d’une vieille de 88 ans n’a rien pour susciter l’étonnement. D’autant plus quand la vieille a du mal à marcher, à parler, à respirer.

Toros meurt de son âge (de celui de ses collaborateurs, peut-être, un peu aussi), de sa lassitude de corridas toujours plus décevantes et de décisions — au demeurant respectables — qui l’empêchèrent, ces dernières années, de faire entendre sa voix dans le concert cacophonique de médias taurins de plus en plus médiocres et exponentiels… sur le Net, en particulier. Avoir refusé de prendre le virage du monde 2.0 au début des années 2000 condamnait la bisaïeule à la solitude et à l’effacement, et lui interdisait la visite fréquente des arrière-petits-enfants. Car les jeunes générations d’aficionados ne connaissent que de loin la revue, quand ils n’ignorent pas tout simplement son existence.

Après l’ANDA, il y a quelques années, qui n’avait su ni s’ouvrir ni se renouveler ; après une pluie épaisse et désespérante qui a emporté trop d’élevages de légende et/ou historiques ; après la disparition de grandes plumes dont on mesure désormais l’absence abyssale, vient le tour de Toros, organe autoproclamé torista, noir et blanc et austère. Ce n’était pas la littérature ni les bons mots que le lecteur venait chercher dans Toros, mais bien ce « parler toro » qui manque aujourd’hui si cruellement. Les revues de campo de Pierre Dupuy (ses articles historiques aussi), ainsi que les prises de position toujours intéressantes et argumentées de Joël Bartolotti, furent, ces dernières années, les branches solides sur lesquelles tenait un arbre décati et dont la mise en page subissait l’étonnant manque de goût en matière photographique (une photo bien choisie vaut mieux que dix mauvaises en mosaïque) d’une équipe de « savants » de la chose taurine. Las, certains des collaborateurs de la revue (un, en vérité) témoignaient ces dernières semaines (réseaux sociaux) de l’évolution de leurs goûts en matière taurine ; évolution qui ne pouvait qu’inquiéter sur l’évolution de la ligne éditoriale de la revue. 

Avant de mourir, Toros tire sa révérence avec dignité et sobriété, et espère peut-être un plan B pour survivre… À suivre, donc.