06 octobre 2011

36


En Catalogne ça s'appelle correbus, dans le Levante bous al carrer.
Le Levante n'est pas la Catalogne, même si vu de loin ça peut y ressembler.
Et lorsque je fais remarquer que le valencien et le catalan, eh bien ma foi, c'est un peu du pareil au même, Florent m'arrête tout net.
— Ça, François, ici, tu as le droit de le penser, mais certainement pas de le dire.

Il paraît que la Catalogne voudrait bien annexer le Levante, si j'ai bien tout pigé. Mais comme je m'en fous un peu...
Albert de Juan en rigole et le prend très à son aise. Il s'en moque Albert de ces considérations.
Albert est ici incontournable. Albert est une sorte de clef, qui peut vous ouvrir l’univers du bous al carrer. Car même si le bous al carrer est quelque chose de totalement gratuit et libre, mieux vaut débarquer ici avec quelques clefs.
Mais, sinon, c’est libre, totalement libre. Vous pouvez y venir le plus tranquillement du monde vous y jouer la vie, gratuitement.

— Albert, il y a des élevages qui ont plus la cote que d’autres pour la rue ?
— Oui, bien sûr. Cuadri par exemple est très coté.
— Ah bon... Cuadri ?
— Oui, les Cuadri. Ils sortent très braves, agressifs, infatigables.
— Braves dans la rue ? La bravoure dans la rue, tu m’excuseras, mais...
— Oui, oui, braves ! Tu verras vite les toros qui sont bons et les autres. Et tu comprendras.

Hector acquiesce. Cuadri, oui, Cuadri.
Hector, c’est Hector Orobal Martín, dix-sept ans à peine, élève de l’école taurine de Valencia et fondu de bous al carrer. Je demande à Hector de me confirmer qu’il adore bien Cuadri, et je m’étonne de tant d’enthousiasme pour les toracos de Fernando — un élève d’une école taurine qui adore Cuadri, ce n’est pas commun. Éclat de rire général : c’est qu’il ne s’y est pas encore mis devant !

Albert me regarde dubitativement changer de film, étonné.
— Tu fais combien de photos avec ça ?
— 36. Ce sont des pellicules de 36.
— 36 ! Moi, je fais ça en une minute. Et ça n’existe pas des pellicules de plus de 36 pauses ?
Albert est loin d’être idiot. Il va prochainement intégrer une école prestigieuse pour devenir photographe. Albert a juste vingt ans de moins que moi.