04 décembre 2010

Alain


Nîmes un matin de novembre, les halles, un bar, les va-et-vient des clients, les livreurs. La tranquillité toute relative d’un jour de semaine. L’odeur des cafés serrés se mélange presque à celle de la poissonnerie voisine. J’y ai rendez-vous avec Alain Montcouquiol et Serge Velay.
Serge, comme à chaque fois, peste contre la petite porte ouverte et le courant d’air qui lui interdit le coin du comptoir.
Lorsqu’Alain apparaît, on pense forcément à Christian, et à Manolete.
Enfin moi, quand je le vois, je pense chaque fois à Manolete. Je ne dois pas être le seul.
Avec Alain nous avions déjà échangé des coups de fil, mais nous ne nous étions jamais rencontrés. Bien sûr, je le croise en ville, comme tout le monde, souvent même, mais sans avoir envie de l’aborder. Ne pas l'ennuyer, ne pas le sortir de son monde. C’est l’impression qu’il donne, celle d’un type dans un autre monde, dans une autre époque. D’ailleurs, il n’a ni portable ni permis de conduire, et son mail, c’est plutôt sa femme qui le gère si j’ai bien compris. Il n’en est pas fier. C’est juste que les choses sont ainsi. Il ne s'en porte pas plus mal.
Il ne donne d’ailleurs pas la sensation d’être quelqu’un d’inabordable ou de compliqué. Juste quelqu’un d’ailleurs que l'on n’a pas envie d’emmerder avec des histoires trop d’ici.
Ce matin au bar des halles nous discutons de choses diverses : d’un imprimeur qui va bientôt prendre sa retraite ; des travaux que le père Velay veut lui confier avant le baisser de rideau ; de Sarkozy que personne n’a écouté l’autre soir, et un peu de toros aussi, pas énormément.
Je passe au mode spectateur. Je laisse filer la conversation entre Alain et Serge, pour photographier. Cet Alain a une tête à être photographié. En arrière-plan, une affiche de corrida reproduite à même le mur. Sous l’affiche un billet de la course, un vrai billet de la course. C’était le dimanche 14 mai 1989. L’affiche annonce 6 Guardiola pour un mano a mano entre Victor Mendes et Nimeño II.
Je photographie Alain Montcouquiol avec en arrière-plan le souvenir collé au mur de ce jour historique, réellement historique. C'était étrange, comme si le souvenir de son frère et de cet après-midi devait absolument flotter, là, juste au-dessus de nous. Je n’ai évidemment pas relevé.