25 juillet 2008

Tercio de varas : à débattre ou à défendre ?


C’est bien volontiers que j’ai mis en ligne les emails qui nous ont été adressés par Roger Merlin, président de la Fédérations des Sociétés Taurines de France (FSTF).
Loin de moi l’idée de remettre en cause les nobles dessins de cette vénérable institution, mais qu’il me soit permis de considérer, a priori, qu’une étude de l'évolution du tercio de pique, au regard des dimensions de la puya, ne me semble pouvoir déboucher que sur une vaste fumisterie. Mais je suis évidemment susceptible de changer d’avis.
Plus que la grandeur de la pique, le problème majeur me semble venir de l'évolution du toro tel qu’il est sélectionné par les ganaderos et souhaité par les taurins.
Il est là le problème : l’affaiblissement voulu du toro, son affaiblissement organisé, sélectionné, prémédité. Les aficionados ont-il en mains les pouvoirs de faire infléchir cette évolution ? Nous savons bien que non. Nous ne sommes pas décisionnaires. Mais ce pessimisme ne doit pas pour autant nous pousser à accréditer, appuyer et accompagner les idées de ceux qui veulent la diminution de la taille de la pique pour aller dans le sens d'une histoire qui nous est imposée. Aujourd’hui, la pique andalouse, demain la pique de tienta de macho et, pour finir, n’en doutons pas, la pique de tienta de vache, avant plus de pique du tout.
Ajoutons à tout cela le je-m'en-foutisme de la torería pour ce tercio, et arrêtons de nous masturber sur les millimètres de la pique qui ne sont qu'un prétexte pour aller dans le sens des exigences du taurinisme et affaiblir un peu plus encore le toro par une sélection faite en conscience et à dessein.
Quand on a vu lidier les Palha de Madrid, ou les Escolar de Céret, il n'y a pas besoin de se gratter le crâne pour savoir s'il faut ajouter ou supprimer un millimètre de fer ou de cordelettes. Ces corridas ont été bien réelles, elles n’ont rien de fantasmagoriques. Les nier, c’est nier l’histoire, c’est nier la Fiesta elle-même, son essence. Rappelez-vous 'Bastonito', rappelez-vous 'Gañanito', rappelez-vous 'Mulillero', rappelez-vous 'Bombito', rappelez-vous 'Clavelino', rappelez-vous 'Guarapito', rappelez-vous... Va-t-il falloir réécrire l’histoire ? Va-t-il falloir réviser tout ceci ?
Quant à celui qui donne de l'écho à cette diminution de la pique, André Viard, puisque c'est de lui qu'il s'agit, n’oublions pas qu'il a lui-même proposé à notre Président de la République d’interdire la corrida aux mineurs de moins de 16 ans non accompagnés.
A l’époque, Camposyruedos, très poliment, l’avait contacté pour tenter de lui faire prendre conscience de son erreur. Et c’est nous qui avions pris alors conscience du côté particulièrement calculé et assumé de cette démarche, puisqu’il nous avait répondu ce qui suit. Morceaux choisis :

"... combien d'enfants de moins de seize ans se rendent-ils aux arènes chaque année sans y être accompagnés par leurs parents ? Aucune statistique ne nous le dira, mais je puis vous assurer que le nombre est dérisoire...

... il ne s'agit donc pas comme vous le craignez d'un renoncement à ce qui est une des conditions primordiales de la pérennité de notre culture, mais d'un choix tactique dicté par les circonstances : face à l'intransigeance des abolitionnistes, nous devons opposer un discours responsable, l'important étant de passer ce cap difficile... Dans cet ordre d'idée, je pense d'ailleurs que le projet de règlement basque conforte notre position même si certains médias ont titré de manière négative faisant croire à une interdiction : il dit textuellement le contraire...

... Le rapport de force nous est pour l'instant défavorable dans la mesure où les thèses développées par les anti-taurins ont trouvé dans les médias une écoute bienveillante dont nous ne pouvons nous prévaloir, sauf quelques notables exceptions.
Aujourd'hui, si Sarkozy doit prendre une décision en arbitrant le rapport de force qui est remonté jusqu'à lui, ce sera, n'en doutez pas, en notre défaveur ou, au mieux, en coupant la poire en deux...

... Pour l'instant, nous devons gagner du temps dans l'espoir de voir aboutir le projet d'Observatoire régional des cultures taurines que nous essayons ensemble de mettre en place. Quand ce sera le cas, celui-ci deviendra en vertu du principe de subsidiarité l'autorité de tutelle compétente en matière taurine, et pourra notamment s'il y a lieu rétablir le droit des mineurs à entrer aux arènes...

... L'accompagnement par les parents que nous préconisons va dans le sens de toutes les opinions émises par les psychiatres, psychologues et psychanalystes dont nous avons sollicité l'avis sur le sujet afin de l'opposer au "dossier" de la SPA. Selon eux, la violence n'est traumatisante que si elle n'est pas expliquée. Qui peut mieux le faire pour un adolescent, et plus encore pour un enfant plus jeune, que ses propres parents ?"

Sans doute vous souvenez-vous également de la revue Toros qui avait mis alors tout son poids dans cette bataille en dénonçant ce renoncement. Alors je vous le dit, très calmement, très sereinement, sans aucune haine, ni pensée d’arrière-boutique, à Camposyruedos nous n’accordons pas la moindre confiance à celui qui, hier, était disposé, en catimini, à faire des concessions aux antis, pour aujourd’hui défendre l’Afición contre les excès et les dérives du système, que ce soit en matière de piques ou d'autres choses. Avant d’être journaliste, photographe ou président de l’OCT, c’est un taurin. Et les taurins ne se mangent pas entre eux. Nous n'avons pas renoncé aux mineurs, nous ne renoncerons pas plus au premier tercio.