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04 juillet 2011

Aidons les jeunes (pub)


« De postre, tenemos... flan, cuajada, arroz con leche, frutas del tiempo, nata, sorbete, etc. » Et puis, plus tard, sur les gradins : « Hay cerveza, Coca-cola, Fanta lemón, etc. » Litanies rythmant la journée du voyageur taurin, mais litanies modernes.

Théophile Gautier se plaignait de ne manger toujours que le même « ragoût » à base de poids chiches agrémenté de lard, et Alexandre Dumas dut se satisfaire d’une tasse de chocolat à Tolosa après une journée de carriole impossible. « L’auberge espagnole », pendant longtemps, s’était un foyer et un trou dans le toit pour évacuer la fumée. Le voyageur arrivant là se mettait aussitôt en quête de nourriture et ramenait un bout de viande dont il fallait attendre qu'on voulût bien lui cuire. Plus tard, Hemingway faisait saliver le lecteur en glissant avec astuce qu’à tel endroit il était tombé sur le meilleur jambon du monde, et qu’à tel autre le vin fabuleux ne coûtait rien. Même le cognac espagnol suscitait des enthousiasmes disproportionnés chez l’alcoolique barbu.

Comme n’importe quel aficionado, j’ai avalé des centaines de menu du jour et autres platos combinados. Il y en eut des pittoresques, des ordinaires, parfois indigestes, mais souvent sympathiques, bruyants et drôles. Un jour, à Almorox, le serveur se souvint de ce que nous avions commandé (alcachofas con jamón y ternera) lors de notre passage un an avant, pas mal...

Je me souviens d’un menu du jour, à Madrid, au Restaurant des Artistes à Latina. Il coûta six euros cinquante avec les deux plats, le dessert, le pain, le café, la IVA et le vin glacé pas bon. Et au célèbre Malacatin, Calle Ruda, on manqua de me perdre après un cocido indécemment copieux. J’ai conservé le parte facultativo délivré par les ambulanciers.

Mais si un jour vous passez dans le Haut Aragón, regagnez un pueblo à l’écart qui se nomme Siétamo... non loin de Huesca, garez-vous au soleil sur la place car vous êtes dans l'un de ces villages où l’ombre n’existe pas, sauf la nuit. Faites 100 m, ABADÍA, vous entrez dans la posada de pierre : il y fait frais, c’est joli, sombre, propre, calme (donc sans la télé, le percolateur et la machine à sous). Puis, dans le menu du jour, vous choisissez les alcegas (blettes) qui viennent du potager que vous apercevez par la fenêtre. Puis le porc rôti au four et tout croustillant de partout, avec des pommes sautées, un poivron grillé et, surtout, le petit pot d’aïoli de leche qui devient cerise sur le gâteau. Vous avez un vrai verre à vin, une nappe en tissu, un vrai flan de la maison élaboré avec subtilité, du vrai vin pas glacé et qui n’a peut-être même pas connu la cuve en aluminium au soleil, le tout servi par un serveur attentif, discret, sympa et calme. Coût de la prestation : 11 euros. L’établissement est tenu par des jeunes proposant des chambres et des formules week-end. Ils ont pour nom Olga et Ismael et ont obtenu le Prix du meilleur ensemble de tapas de la province de Huesca. Ils ambitionnent de combiner cuisine traditionnelle et touche d'avant-garde... Ils proposent des gîtes, bref, ils se démènent au milieu de nulle part puisqu’ils sont, à eux seuls, une vraie destination. C’est par là : http://www.abadiasietamo.es/.

Alors, chose inimaginable il y a encore trois jours... j’ai fait le Japonais. Une photo... avec mon portable... de mon assiette... Oui, je sais ! Et si vous continuez vers l’est, vous arriverez à Barbastro où vous constaterez que la porte sombra des arènes est située à exactement 7,70 mètres du musée du vin et de son restaurant. Et dans le restaurant du musée, devinez "quoi qu'y a" ? Du somontano, et donc Enate, Laus, Osca... Premier menu à 15 euros, sans le vin bien sûr... Les toros ? Bientôt.
Mario Tisné

22 janvier 2011

Les toros d’Éole


On est peut-être cons, mais pas au point de voyager pour le plaisir. Samuel Beckett

Toro d'Éole
Bientôt, nous reprendrons la route. L’hiver ne dure qu’une nuit, hachée par un tempo glacé, un battement d’aile qui effleure nos rêves. Plusieurs tours, une seule nuit. Les pales de l’hélice tournent en découpant des tranches invisibles dans le silence pâle et lisse du temps, lentement. Plusieurs tours, une seule nuit. La roue tourne et bientôt, nous reprendrons la route qui nous mène aux toros.
Semés aux quatre vents, postés aux bords des routes, ils veillent. Silhouettes massives tranchant le paysage de leur ombre géante. Ils découpent le ciel comme un emporte-pièce et balisent la nuit, dressés comme des phares, sentinelles d’un monde aux frontières de l’absurde ; ils veillent sur les rêves où vivent, irréels, la lune et les toros.
L’hiver ne dure qu’une nuit et chacun suit ses rêves. Bientôt, nous reprendrons la route, jalonnée çà et là de souvenirs lointains, de repères familiers, de détours inconnus, d’aventures nouvelles, de rites singuliers sans cesse répétés comme des jeux d’enfants. Il y a mille chemins et chacun suit sa route. Mille jeux, mille rêves, mille toros de fer, mille autres encore de chair ou de feu. Il y a mille chemins mais il n’y a sur ma route qu’un toro de métal qui veille sur le temps.
Il était une fois, suspendu dans les airs comme un grand cerf-volant. Il était une fois, dominant le lointain, sur un rocher tout blanc, un grand toro tout noir comme de la réglisse. Planté sur son caillou, entre les voies rapides, à un jet de calot, pas loin de Saragosse, chaque fois, je l’attends, les billes grandes ouvertes, comme un gosse. J’attends Alfajarín, pour m’en remplir les yeux, pour m’en remplir la bouche et je le fais durer comme une friandise, glisser entre les dents, en répétant le mot, Alfajarín, Alfajarín ! C’est le cri d’un muezzin qui traverse les siècles pour réveiller nos rêves dans un mugissement.
Alfajarín ! J’ai traversé ta porte en l’effleurant, comme le vent. J’ai traversé le temps.
Les voies se multiplient, se divisent, s’entrelacent, les voitures s'agglutinent, la grande ville approche, droite sur son pilier, Saragosse. S’arrêter ou poursuivre ? Les toros sont ici, ils sont aussi là-bas, où nous pousse le vent. Il y a mille chemins, les rêvent sont tenaces, se multiplient, se divisent et s’entrelacent. La route est droite. Elle tournera bientôt, lentement, jusqu’au toro d’acier qui couronne la dent, La Muela.
Souffle gamin, souffle ! La Muela, mille jeux, mille géants, un seul toro tout noir, mille moulins à vent, blancs. La roue tourne et bientôt... Là-bas, Calatayud, plus loin Medinaceli, passé Guadalajara, Madrid. Les toros sont d’ici...
Bientôt, nous reprendrons la route, à l’aube, la lune fuit, l’hiver ne dure qu’une nuit.

>>> Pour ceux, friands de l’encaste des toros à ossature galvanisée, un lien particulier.

Image Toro d'Éole, La Muela, Zaragoza, printemps 2010 © JotaC

28 décembre 2008

Goya en Aragón


Il semblerait que la formule soit en vogue : présenter les tableaux d’un très grand peintre, trouver le thème prétexte à rassembler et confronter plein d’œuvres de plein de (très) grands peintres de plein d’époques (et de styles différents) pour assurer... le plein d’entrées ?

Ici, à Saragosse, le très grand peintre c’est Francisco de Goya y Lucientes (Fuendetodos 1746 – Bordeaux 1828), le thème c’est « le monde moderne », et les grands peintres convoqués pour l’occasion (principalement du 20ème siècle) sont entre autres : Eugène Delacroix, Édouard Manet, Paul Klee, André Masson, Alberto Giacometti, Anselm Kiefer ou... Pablo Picasso.
Justement, là-bas, à Paris, le très grand peintre c’est Picasso, le thème c’est « les maîtres », et les grands peintres convoqués pour l’occasion (principalement du 19ème siècle) sont : Nicolas Poussin, J. A. Dominique Ingres, les « inséparables » Eugène Delacroix et Édouard Manet, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh ou... Francisco de Goya (tiens, tiens), entre autres.

Alors voilà, si d’ici le 8 mars prochain vous deviez passer par Saragosse, tâchez donc de prendre le temps de visiter Goya y el mundo moderno, « exposition événement » riche de 345 pièces (!), organisée dans le cadre du programme Goya 2008 et voulue par le Gobierno de Aragón comme préfiguration officieuse d’un improbable Espacio Goya — celui-là véritable arlésienne de la vie culturelle locale —, maintes fois évoqué depuis près de 10 ans, sur le point d’aboutir récemment puis repoussé. Définitivement enterré ?

Bon, en admettant que votre route vous conduise à l’ombre d’« El Pilar » sur les rives de l’Èbre, poussez voir une quarantaine de kilomètres au sud jusqu’au village natal de Goya ; vous pourrez y admirer les gravures du maître, et notamment sa série La Tauromaquia. Avouez que le détour en vaut la chandelle ! Fuendetodos le pueblo qui, soit dit en passant, paraît beaucoup mieux parti que Saragosse la capitale pour faire sortir de terre dans l’année qui vient son bel et fol projet de « Nuevo Museo Goya ». À suivre...

Goya y el mundo moderno au Museo de Zaragoza, du 18 décembre 2008 au 8 mars 2009.

En plus Et en guise de rappel, Saragosse accueille actuellement, et ce jusqu’au 8 février 2009, une rétrospective Juan Barjola. Une raison supplémentaire pour franchir les Pyrénées...

Image non visible dans les lieux cités dans ce post... Sur l’étonnant site La Tribune de l’Art, Michel de Piles écrivait le 8 février 2007 : « Un mois et demi après l’acquisition du Taureau papillon (voir brève du 8/12/2006), le Musée du Prado a obtenu un autre dessin de Goya à la vente de Sotheby’s New York du 24 janvier dernier pour 1.048.000 dollars (819 000 €). » Francisco de Goya y Lucientes / Jeune femme arrangeant sa coiffure près d’un lit (recto) & Femme balayant dans une auberge (verso), vers 1796 / Pinceau, lavis d’encre de chine et lavis de gris – 17,2 x 10,1 cm / Madrid, Museo Nacional del Prado. Photo © Sotheby’s New York