28 janvier 2013

Estocade grecque


De retour d’un rapide voyage hellène, je vous ai rapporté un souvenir du musée de l’Acropole, authentique merveille datant de juste avant la crise…

Sur la photo jointe, un lécythe du Ve siècle avant J.-C. est illustré par ce dessin d’Héraclès accomplissant l’un de ses travaux. Il semble que le demi-dieu y soit en train de porter une estocade contraire à un toro negro hociblanco, littéralement terrassé par le coup d’épée.

Il ne s’agirait que de l’épisode du taureau blanc de Crète, qu’Héraclès se contenta de capturer et de ramener à la cour d’Eurysthée. Celui-ci le laissa terroriser les populations des alentours de Marathon après qu’Héra eut refusé de se le voir offrir en sacrifice (quelle garce !). Il fallut donc, selon la légende, que Thésée terminât le boulot en tuant le bicho. Le taureau en question n’est autre que le père du Minotaure, autre victime de Thésée.

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Abondance de biens ne nuit pas : pour illustrer pareille pièce, je vous propose un poème de Leconte de Lisle (1818 - 1894) tiré de ses Poèmes antiques (1852).

Hèraklès au Taureau

Le soleil déclinait vers l’écume des flots,
Et les grasses brebis revenaient aux enclos ;
Et les vaches suivaient, semblables aux nuées
Qui roulent sans relâche, à la file entraînées,
Lorsque le vent d’automne, au travers du ciel noir,
Les chasse à grands coups d’aile, et qu’elles vont pleuvoir.
Derrière les brebis, toutes lourdes de laine,
Telles s’amoncelaient les vaches dans la plaine.
La campagne n’était qu’un seul mugissement,
Et les grands chiens d’Élis aboyaient bruyamment.
Puis, succédaient trois cents taureaux aux larges cuisses,
Puis deux cents au poil rouge, inquiets des génisses,
Puis douze, les plus beaux et parfaitement blancs,
Qui de leurs fouets velus rafraîchissaient leurs flancs,
Hauts de taille, vêtus de force et de courage,
Et paissant d’habitude au meilleur pâturage.
Plus noble encor, plus fier, plus brave, plus grand qu’eux,
En avant, isolé comme un chef belliqueux,

Phaétôn les guidait, lui, l’orgueil de l’étable,
Que les anciens bouviers disaient à Zeus semblable,
Quand le Dieu triomphant, ceint d’écume et de fleurs,
Nageait dans la mer glauque avec Europe en pleurs.
Or, dardant ses yeux prompts sur la peau léonine
Dont Hèraklès couvrait son épaule divine,
Irritable, il voulut heurter d’un brusque choc
Contre cet étranger son front dur comme un roc ;
Mais, ferme sur Ses pieds, tel qu’une antique borne,
Le héros d’une main le saisit par la corne,
Et, sans rompre d’un pas, il lui ploya le col,
Meurtrissant ses naseaux furieux dans le sol.
Et les bergers en foule, autour du fils d’Alkmène,
Stupéfaits, admiraient sa vigueur surhumaine,
Tandis que, blancs dompteurs de ce soudain péril,
De grands muscles roidis gonflaient son bras viril.