25 août 2011

Rions


Quand j’ai commencé à écrire ce petit texte, j’ai commis une erreur, d’aucuns parleraient de lapsus révélateur, j’ai écrit "Rions-des-Landes" au lieu de Rion-des-Landes. Une lettre change le monde. Car si le petit village landais n’offre à rire qu’avec parcimonie en temps normal (il est cependant certain que Maïté a pu prêter à sourire parfois), dès que s’approchent l’heure et la date de sa traditionnelle novillada non piquée, force est de constater que le ridicule et la bêtise demeurent encore des ressorts plus qu’efficaces dans le monde impitoyable de la clownerie.
Je n’étais pas à Rion-des-Landes le dimanche 21 août 2011 et je ne donnerai donc évidemment aucun avis ni commentaire sur la novillada sans chevaux qui s’y est déroulée. J’eusse été le clone de l’animateur du site taurin Toros2000, j’aurais osé en écrire la reseña sur les seuls dires des "professionnels" ou d’un quelconque péon. Mais je ne suis pas lui et, de toute façon, à le lire (c’est difficile j’en conviens) je constate que mon niveau d’espagnol eut été bien trop chiche comparé au sien pour pouvoir ponctuer chaque bout de mes phrases de "digo yo", "puessss quelque chose", "vaya autre chose" et "joder mes dos cojones de la Santa Virgen de Lima de su raza". N’étant donc pas lui, je n’écrirai rien sur le déroulement de cette becerrada et de toute façon cela ne m’intéresse pas. Je dois avouer que le concept de la novillada non piquée m’attire assez peu même si je sais que depuis quelques années c’est là que l'on indulte sans se faire prier des becerros que l’on gratifie des qualités de toros adultes. La notion de bravoure étant même parfois évoquée. J’en hennis non d’un cheval.
Mais je ris franchement, d’où le "Rions-des-Landes" (oui c’était facile), quand je lis sur un autre site taurin que deux novillos dépassent les 500 kilogrammes pour cette course et que cela donne de la catégorie à cette placita landaise. Depuis quelques années d’ailleurs, le ridicule se recycle bien semble-t-il, Rion-des-Landes étant surnommée la "Bilbao des sans chevaux"... Des novillos non piqués de plus de 500 kilogrammes, c’est de l’empathie offerte par le public aux jeunes futures figuras de la tauromachie, c’est de l’émotion dès la sortie en piste du bicho. Non content de l’écrire sur son site, le clown de service en remet une couche à la radio deux ou trois jours avant la course lors de la promotion par le président de l’organisation de Rion de la novillada.
— Y sont gros vos novillos ! Y sont énoooooormes !
— Oui, c’est vrai, les gens vont avoir peur et ils prendront donc fait et cause pour les jeunes qui se mettent devant.
— C’est normal, vous êtes la Bilbao des sans chevaux, vous êtes géniaux !
— Oui... Agur !
Non, la présentation des novillos non piqués de Rion n’était pas "démagogique" (les clowns comme lui ont la mémoire courte), elle était normale et faisait même partie de l’argument de vente de l’organisation. Dans le service après-vente, ils pourront ajouter une vuelta al ruedo pour une bestiole non piquée.
Bref.
Je ris. Tu ris. Il rit. Nous rions. Vous rillettes. Ils rincent.
C’est l’éternel dilemme de la confusion entre trapío et poids. Vendre une course sur le poids des bêtes combattues est une ânerie... de poids pour le coup. Les kilogrammes n’ont jamais fait le trapío mais certains ne s’en souviennent que quand cela les arrange, ou arrange les copains de sous les pins. En allant plus loin, peut-on décemment évoquer la notion de trapío pour un animal de deux ans ? On peut certes deviner plus ou moins ce qu’il deviendra physiquement mais sa croissance n’en étant qu’à la moitié d’une vie de toro, on peut douter que le mot trapío convienne à cet endroit.
Dernière petite réflexion pour finir plus légèrement (je file la métaphore...) : l’intérêt des novilladas sans picadors devrait également résider dans la possibilité de présenter à l’Afición des élevages ou des encastes n’ayant pas les moyens ou la possibilité de sortir en novillada piquée voire en corrida. L’exemple de Saint-Sever est à cet égard un modèle chaque année pour le 11 novembre. Je veux bien croire que la fidélité à un ganadero est une démarche louable mais Rion-des-Landes propose des Valdefresno (tiens le ganadero est très ami avec le clown de service) depuis le jour où Eve a fait du gringue à Adam. J’imagine qu’un novillo sans piqué de Coquilla ne pèse pas 500 kilogrammes.

Photographie Un becerro Santa Coloma d'Adolfo Rodríguez Montesinos © Laurent Larrieu / Camposyruedos.com