Pour Richard,
Il n’y a pas de campo bravo. Il y a des campos bravos. Le pluriel est essentiel. La Navarre est brava mais en marge. Elle est un campo bravo parmi d’autres plus communs, plus connus, plus propices aux rêveries. Le campo navarrais ressemble aux vaches qui lui trottent dessus. Il est couleur terre, il est âpre et il ne s’embarrasse pas de détails superflus. Ici, point d’encinas centenaires, le violet n’est pas inscrit dans le cahier des charges des lieux et Monet n’est qu’un peintre de livre d’art.
Miguel Reta vit dans ce campo et de ce campo. Il élève des vaches d’origine navarraise dans un pueblecito (Grocin) embrassé par la culture du blé. Au loin les contreforts pyrénéens tracent une douce ligne bleue.
Miguel Reta s’est servi un tinto de verano et s’est assis face à nous. Dehors il fait chaud, dedans les mouches s’activent. Miguel Reta a quelque chose de doux dans le visage et dans le verbe. Les mots sont pesés et les phrases distillées avec la même lenteur qu’il met à avaler les gorgées rafraîchissantes de son verre. Oui, il est en train de tienter une partie de ses vaches navarraises dans l’espoir de redonner à cette caste une place dans la tauromachie à pied. Donner un masculin à ce féminin qui ne connaît que le tumulte des rues et le pavé. Il se tait et se tourne vers la porte d’entrée ouverte sur le paysage de blé. Il y arrivera. Il mettra le temps car tout cela demande beaucoup de temps. Alors il tiente. Il essaye. Il sélectionne. Il boit une nouvelle gorgée du bout des lèvres. Il nous regarde à nouveau. Il pique. Il envoie au matadero. Victorino Martín hijo lui donne des conseils. Ça l’aide bien, avoue-t-il. Il construit un futur sur cette terre sans fioriture.
En attendant, pour un millier d’euros, une dizaine de vaches attendent d’aller battre le pavé dans un pueblecito égaré sur un rocher de la Navarre. Ce sont elles qui nourrissent le rêve au masculin et qui permettent de perdre son regard dans le paysage de blé derrière la porte d’entrée entrouverte. La Navarre est une fête.
>>> Retrouvez une galerie consacrée à la ganadería (désormais inscrite à l'UCTL) de Miguel Reta sur www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS.
Photographie Détail d'une vache de Miguel Reta © Laurent Larrieu
Photographie Détail d'une vache de Miguel Reta © Laurent Larrieu