
Le périph' sous la neige, Colmenar sous la neige, Soto del Real ensevelie. Rendez-vous au bar du restaurant à l'entrée du bled, comme toujours ou presque. Ici Madrid, pas loin, mars 2010, il neige comme vache qui chierait du coton. Et toutes les dimensions ont changé : le bruit, les distances, la perspective même d'un retour, de la suite du voyage. Il neige et la côte qui mène aux
cercados devient vertigineuse au camion et les
toros hypothétiques. Nous passons tout de même. Les jeunes sont agglutinés, au loin, les vieux éparpillés ici et là, calmes, comme patients. La neige qui tombe colle à tout ce qu'elle trouve, la pierre des murs, les branches, les clôtures, le premier plan de l'autofocus parfois. Tout est blanc, unanimement. Seuls les Veraguas d'Aurelio Hernando résistent encore. Au froid, à la pensée monochrome du jour :
negros,
colorados, et tous les savons sont sales ce jour. Le long poil d'hiver colle en mèches mouillées à la peau des novillos, il fait aussi froid entre les quatre murs de la salle de réception où l'on expose les souvenirs de la
ganadería. C'est insolite mais pas plus pour Aurelio et son fils, viscéralement liés à ce
campo et ces
toros, à leur miracle
"Veragua puro". Un lien sans l'ombre d'un doute, difficile mais obstiné. Les
añojos ne sont pas plus rassurés que leurs aînés dans leur
cercado enneigé, ils hésitent même à courir quand on le leur demande. Nous partons pour la deuxième
finca, celle de Colmenar, plus bas, où nous attendent les vaches. La neige est plus anecdotique, la colline au loin semble simplement givrée et, sous les roues, la boue est familière. Le jour a légèrement bleui, tout va bien. Le poil humide dessine des arabesques sur les vaches, la végétation buissonneuse éclôt toujours çà et là, les branches noircissent les pensées torturées des arbres.