07 septembre 2009

Comment est mort ‘Desgarbado’


Une dizaine de jours avant « sa » Madeleine, la peña Escalier 6 me proposa de réfléchir à un court texte pour son Petit journal du Plumaçon du 18 juillet. Ce jour, certains d’entre vous l’ont peut-être eu entre leurs mains...

Il me fallait respecter deux contraintes : 1/ Causer de Victoriano del Río et de sa lubie pour le clonage ; 2/ Ne pas dépasser 2 000 caractères, espaces compris ! Sympas, les Montois…

Prisonnier de ma profonde vanité, j’ai pensé que ce petit papier pouvait être partagé avec d’autres… le jour même du premier anniversaire de l’indulto de ‘Desgarbado’.


L’élevage de Victoriano del Río est un laboratoire. L’objectif est clair : reproduire à l’infini le même toro. Deux piques et quatre-vingts passes. Une mentalité de becerro. Un cauchemar pour l’aficionado.

La menace Victoriano

Le plan était cousu de fil blanc. Emballé dans ce même tissu immaculé nécessaire à la confection des mouchoirs qu’on agite pour faire tomber les trophées, accéder à la gloire. Du jour où une incroyable ferveur populaire promit à ‘Desgarbado’ le repos éternel, Don Victoriano del Río, le proprio, se promit une fois encore et à grand renfort de billets verts de tout mettre en œuvre pour profiter de cette poule aux œufs d’or. Si trop belle fut l’occasion, irrépressible sera la folle tentation de cloner la bestiole1.

Cinq ans plus tard.

Dès sa sortie du
toril, ‘Desgarbado II’ impressionna l’assistance par son exceptionnelle présence — un frisson d’effroi parcourut les travées à la vue de cette forte tête finement armée. Sans jamais fléchir, il livra au cheval une fantastique bataille en cinq actes et fit mordre la poussière à une cuadrilla pourtant héroïque. Vendant chèrement sa peau tout au long du combat — quel manque de classe ! —, il s’appliqua sans relâche à casser autant le moral de son adversaire que l’ambiance avant de recevoir... une épée dans le cou.

Dépité, déshonoré par l’improbable prestation de son clone triste
2, c’est avec la queue entre les jambes et la nette sensation d’avoir été floué que Don Victoriano quitta précocement son tendido. Trahi par la Science, notre « Victorien de la Rivière » en voulait à la terre entière et plus particulièrement à quelques Amerloques et des milliers de Dacsois. Rien de moins qu’une tenace envie de meurtre lui chatouillait les doigts.

Sierra de Guadarrama (Madrid).

L’aube attendrait. On enfile bottes et veste en silence. On se saisit du canon et des munitions ainsi que de la casquette, sans quoi tout ne serait qu’opérette. Un grincement de porte. Les membres gourds, on sort comme dans un rêve. Pleine est la lune. Souffle court et fumée blanche, on s’avance lentement sur le sol gelé. Là, le 67. PAN !!!

Il allait sur ses dix ans.


1 En 2008, la société texane ViaGen assura le processus de clonage du semental ‘Alcalde’ de VDR.
2 © Laurent Larrieu.


Image tirée de la galerie consacrée au Marqués de Albaserrada, rubrique « Campos » du site. © Campos y Ruedos