30 janvier 2009

Ida y vuelta, correspondance flamenca (II)


Diego Carrasco

Bonsoir Ludo,

Je te "maile" les premières photos du concert de Diego Carrasco, un grand moment, de guitare, mais, pour le néophyte que je suis, surtout de chant. Sur l’une d’entre elles on le voit toréer de salon. J’étais trop proche de la scène et n’ai pu en faire qu’une seule d’acceptable. Mais il a donné trois ou quatre passes, vraiment bien tu sais, cargando la suerte, corriendo la mano et avec un vrai empaque ! D'ailleurs ça m’a fait penser que j'avais été très surpris par Juan Andrés Maya à la Casa Patas. Il avait toréé de salon également… Pero muy mal ! Malísimo !
Diego Carrasco, lui, a beaucoup plus de planta torera que Juan Andrés. Déjà il s'appuie sur la bonne jambe. Alors forcément ça prend immédiatement une toute autre dimension.
Au cours du concert il y a eu une autre génialité. Le maestro a demandé à boire, mais pas une vulgaire bouteille d'eau minérale. Il a demandé un verre de rouge figures toi. Un tinto qu'il a partagé avec son fils qui l'accompagnait. Nous avons tous adoré cet instant. Et le public a applaudi, ravi. C'était bien de le voir boire un verre de rouge, comme ça, juste pour le plaisir, sur scène. Il s'en est presque excusé en disant que normalement ça ne se faisait pas de boire du vin ainsi, mais que là, on était en famille, alors il se le permettait. Il a bien fait ! Tu connais mes sentiments sur la période hygiéniste que nous traversons.
Diego Carrasco en a profité pour nous présenter son fils et nous a dit son bonheur de pouvoir se produire avec lui. On le comprend. Et sur scène, leur complicité saute aux yeux.
Le fils Carrasco, il a des airs de José Tomás, avec des cheveux longs, et en plus il sourit. Je ne sais pas trop si les gens s'en sont rendu compte. Lui, il n'a pas toréé de salon et c’est bien dommage. J’aurai été curieux de voir jusqu’où pouvait aller la ressemblance avec Tomás. Pour la soirée avec la Rubia et Luis de Almería sur laquelle je vais revenir je te disais que la lumière était la pire que je n’avais jamais eu. Il faut vraiment que j'arrête d'écrire des choses pareilles, car aujourd'hui c'était... pire. Je ne sais pas jusqu'où on va aller comme ça. D’ici qu’ils nous finissent à la bougie…

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François,

Bon, tu sais, l'autre soir, après ta reseña de la soirée où Diego Carrasco fit fumer dans sa guitare un revuelto de duendes asados sur la scène du théâtre il m'est revenu quelque chose, comme une rétro-olfaction. Je m'explique. Tu me dis que Diego est sorti sur scène avec un verre de vin à la main, pour honorer son autoconsécration :
"Me llamo Diego Carrasco de Nîmes de la Frontera" (tu corriges si je me trompe). C'est drôle mais il y a de cela quelques années le cantaor Paco el Lobo, parrain de la peña Jeune Afición de St-Sever, flamenco au verbe de titi parigot et homme de bien, nous racontait qu'il voulait concourir à la lampara minera de la unión (ancienne ville minière de la province d'Almería qui accueille chaque année un concours national de cante, un des plus prisés) mais qu'il n'était pas question qu'il monte sur scène avec un vasito de fino ou de "güiski" et qu'il avait l'intention de "brindar" au public un joli ballon de pomerol. L'histoire ne s'écrivit pas comme cela mais finalement c'est un hommage inconscient que Carrasco fit au Lobo. En tout cas c'est comme cela qu'il m'a touché.