01 janvier 2012

Le vent l'emportera


Un jour les hommes fatigués lèveront la tête, et bientôt ils tendront le poing haut. Usés d'avoir seulement appris à reluquer leurs arpions pour laisser passer un plus beau, un plus riche, un plus arrogant. Méfiance ! La voix des peuples cherche encore son passage mais pètera bientôt au blaire du monde. Il est encore temps d'en rire, alors profitez, rigolez grassement, esclaffez-vous, tapez-vous fortement sur le bide, la terre ne tournera à l'envers que quand les hommes l'auront décidé. Mais ce jour-là, amigos, faudra pas rester devant !!! Rien de plus piquant qu'une frustration qui se libère. Je l'ai toujours dit : « On reverra des têtes au bout des piques. » Compte à rebours…

Pour l'instant, ceux qui savent ce qui est bon pour le petit peuple sans jamais l'avoir touché du doigt, trop haut sur leur Olympe social, ne se lassent pas de tchatcher fort, palabrer goulu et décider encore et toujours en n'oubliant jamais de mépriser, car le mépris, oui, c'est l'incontournable marque des grands de ce monde… Enfin, tant qu'on leur permettra d'en user et d'en abuser, car, un jour, tout ça finira. Les fatigués d'être laids, d'être petits, d'être cons, les épuisés de se laisser bouffer les toasts sur la caboche pour se réjouir quand même de baffrer la couenne du jambon prendront enfin les clés du camion… à coups de semelles dans les plombages, c'est certain, mais après tout c'est peut-être le moyen le plus sûr de se faire entendre… ou de ne plus se faire emmerder, c'est selon.

Accroche-toi, bonhomme, ce sera pas joli à voir mais fallait pas pousser mémé dans les orties ! Qu'on se le dise, rien ni personne ne résiste aux peuples en colère. Les dictateurs lybiens ont oublié d'y croire. Dommage. Les bourreaux de Damas ou de Bruxelles feraient bien de déposer les Nike pas trop loin de l'issue de secours parce qu'on sait bien qu'un salaud aux mains du peuple ça finit vilain comme une longe de porc transpirant au soleil. Et quand les petits vendeurs de rue commencent à se prendre pour des barbecues, c'est jamais bon signe. Alors les portes des grands salons aux tentures de velours où se prélassent les généraux ne résistent jamais bien longtemps aux coups de godillots boueux des petits soldats de tranchée. Patience… Regarde, ça ne devrait plus tarder, à tous les étages la marmite frémit et le ciel noircit… Les grandes bourrasques ont au moins un avantage : elles ne viennent jamais par hasard, mais préviennent toujours de leur arrivée. Libre à chacun de ne pas vouloir voir venir…

Bref, vomitif spectacle du grand monde qui s'offre sans vergogne quotidiennement aux yeux du petit. Même dans la tourmente, sans honte ni remords, bite en avant et chaîne en or qui brille, tous s'obstinent et persistent à appuyer sur la tête bientôt immergée du populo suffoquant ; jouissent pleinement à le piétiner toujours et à le mépriser encore pour s'assurer d'être toujours pleins aux as tout en continuant de se gaver outrageusement à grands coups de privilèges qu'on s'octroie poliment entre salauds mondains. Ils se chieraient dessus en public si ça leur garantissait de s'en mettre toujours plus dans leurs poches jamais assez pleines. On a passé tant de temps à regarder la haute futaille se prélasser lamentablement, s'agiter pathétiquement, se persuader que cette maudite planète est la sienne, qu'on ne songe même plus qu'il se passe des choses en bas, ou simplement ailleurs… Alors, perdus dans ce marasme étouffant ou plus rien n'a de valeur à l'exception du CAC40, les G7, G10 ou G20 se flattent, s'autoflattent et se re-flattent encore et toujours, et c'est désormais un spectacle ahurissant de chaises musicales dorées que l'on se prête, se rend et s'offre entre gens du grand monde qui le valent bien. Et si je vous parle de ça, messieurs dames, c'est parce que le mundillo, infime petite goutte d'eau acide dans cet océan nauséabond, représente une ridicule copie de ce qui se fait de mieux en matière de grossièreté mégalibérale. Faut dire qu'après avoir tellement pressé la poule aux oeufs d'or, on nous promettait un retour à la raison, un retour aux valeurs… un regard vers le bas plus simple et authentique, que dis-je ! Un peu d'austérité bienveillante dans ce Disneyland kitsch et pompeux pour stopper une hémorragie triomphalement virale qui propulsait une corrida de toros bien mal en point jusqu'à son calvaire final. On attendait un regard plus pragmatique, une sorte de retour aux sources qui aurait eu le bon goût de saluer les vaillants, les braves, les courageux, les besogneux, les couillus, mais peut-être aussi les moins « bankable » des héros de l'escalafón, et de refaire, pourquoi pas, exploser quelques petos à coups de bois d'encastes ressuscités. L'Afición avait des choses à dire, à proposer, à suggérer ou à soumettre depuis tant d'années de désastres retentissants ou anodins, et il semblait à cet instant que l'on daignait enfin lui accorder crédit. Et puis, et puis, le naturel s'en revint aussi sec, et l'on revit surgir, après un été indien de pâle espérance, la cavalerie vulgaire (et son cortège de cynisme) du mundillo et de la politique qui nous balançait les mêmes larons aussi incompétents que calculateurs à la tête des projets taurins municipaux, tendant de ce fait un majeur bien droit au pauvre con de contribuable aficionado et caution financière des amusements trop onéreux de ces messieurs dont on imagine bien le souci de la « bien-portance » de l'Afición, voire même du monsieur tout le monde qui a la mauvaise idée d'aimer les corridas. Imaginez-vous si en plus l'envie lui prenait de vouloir voir des toros dignes de ce nom ! Au final, vous l'aurez compris, en lieu et place des mesures restrictives qu'on nous avait promises, ce sont bien les mêmes trognes bronzées et gominées qui nous concocteront à nouveau les pompeuses férias sans but ni limites tant qu'on a l'ivresse et les oreilles, de l'infâme Quito jusqu'aux collines gersoises, désormais, que le virus de la gloriole niaiseuse et facile a fini par véroler. Au-delà de la traîtrise collective et de l'hypocrisie malhonnête de ces pitoyables figuras — que l'on a surprises, derrière les monts andins, culs nus et taleguilla sur les chevilles afin de pouvoir ramasser toujours plus de billets verts jamais assez verts —, j'apprends de la part de « nos prix Nobel qui s'ignorent » qu'ils s'émeuvent en réalité du sort de ce malheureux animal qu'on les oblige à occire. Et puis je ne vous parle même pas de la mixture puante qui frémit dans les couloirs sombres du « Saint des Saints » madrilène où il sera difficile de se faire caresser la joue par la plus petite effluve de dignité.

Bref, bref, bref, viendra le jour du « G-ce-que-vous-voulez » où les miséreux « matacamions » borgnes ou balafrés parleront à la place des belles gueules millionnaires endormeuses de Domecq du G10, authentique vulgarité de ce monde gerbo-libéral sin vergüenza, parce que la loi des affamés, des mal-payés, des pas payés du tout, des mal nés, des mal foutus, des ras du front, des boîteux, des bossus, des grossiers, des maladroits, des incultes, qu'on impose généralement à coups de pompes dans le derche, finit toujours un peu par ressembler à de la vengeance. Et nous, de CyR ou d'ailleurs, croyons que toutes les oreilles d'or n'auront jamais la valeur d'un seul oeil de verre. Non pas que nous souhaitions que les beaux deviennent laids ou que les riches ne le soient plus, mais seulement que cette société soit un peu juste et que s'affiche enfin chez les nantis de ce monde l'illusion d'un semblant de dignité, avant que n'éclate la grande bourrasque sociale, et par conséquent taurine.

Et moi, je souffle, je souffle, je souffle pour que le vent se lève…