15 octobre 2006

François Simon


Les taurinos ou plutôt leurs porte-cotons plus ou moins avoués nous bassinent souvent en nous traitant d’aigris, pisse-froid etc., etc., jusqu’à l’inéluctable "ayatollah", sentence suprême, fatwa définitive destinée à marginaliser une fois pour toute le cochon de payant.
Il est clair que la chair est faible, très faible. Et il est difficile pour ceux qui ont leurs petits privilèges d’y renoncer en échange de la liberté de pensée. Il suffit de les observer faire pour s’en convaincre.
C’est vrai en matière taurine et ça l’est aussi en d’autres disciplines. On imagine mal le critique gastronomique invité et choyé avoir la dent dure envers son hôte. C’est pour cela que François Simon, l’excellentissime et incontournable critique du Figaro ne montre pas son visage et réserve sous de faux noms avec diverses vraies fausses cartes de crédit. Ça s’appelle de la déontologie journalistique. François Simon est, en quelque sorte le Joaquín Vidal de la critique gastronomique.
A titre d’exemple voici ce qu’il a écrit il y peu sur Hélène Darroze, chef landais parisien…

Chère Hélène DarrozePar François Simon. Le Figaro.

Voici une adresse où je rêve de bien manger : Hélène Darroze. C'est un restaurant 2 étoiles adoré des guides. Mais pas toujours des clients. Ça arrive. Dans ces mêmes colonnes, à chaque fois qu'on évoque nos malheurs à cette table, il y a soudainement un petit cortège solidaire qui se forme dans la journée sur le répondeur et la boîte électronique. C'est assez rare dans le genre. D'habitude, lorsqu'on égratigne un grand chef, il y a immédiatement son négociant, son dentiste qui envoient une bordée lyrique de témoignages indignés.
La dernière fois - vous souvenez-vous ? -, l'expérience fut un vrai « patatras », avec un accueil d'acier. On nous réclama le numéro de carte de crédit, avec captation de 120 euros à la clé si on ne trouvait pas une « excuse valable » en cas de désistement. Depuis ce papier, c'est fini. On a dû se rendre compte que la pratique était un peu fort de café (et gentiment illégale). Du coup, lorsqu'on nous a annoncé la création d'un Boudoir à la même adresse (4, rue d'Assas, 75006 Paris, 01 42 22 00 11), inutile de dire que réservation fut prise un petit mois plus tard, le temps que les magazines se pâment et que les places se libèrent. Ne pensez pas pour autant que nous y sommes allés avec la tondeuse à gazon. Non, rien n'est plus réussi dans ces configurations que de faire un papier très positif. Tout le monde est pris à revers, la goélette vire soudainement de bord, et les mauvais esprits se prennent la baume en pleine poire.
A 21 h 30, nous étions donc debout devant le pupitre de réservation, notre table était libre dans un petit boudoir un peu sommaire, très chaud, éclairé durement, avec une bonne programmation musicale (mais un son digne d'un jouet pour enfant). A 22 h 20, se pointaient enfin, sur une assiette de créateur, ces fameuses bouchées « gourmandes et sensuelles » à prendre avec les doigts seulement (les couverts sont bien entendu refusés). A cette heure-là, l'appétit dévale. Pas évident avec ces bouchées allusives, ces onomatopées soudaines (si courtes), un lancinant coïtus interruptus pas inintéressant, voire désarmant avec ses contresens : la truffe noire - hors saison -, alors qu'on chante sur la carte le contraire : la « patience ». Tout cela laisse le dîneur (voire le soupeur) sur sa faim, vaguement écœuré (ce qui n'est pas si grave), insatisfait (non plus). Ce serait resté anecdotique, vaguement parisien. Il enthousiasma ma compagnie, une lolita que tout enchanta. Aux innocents la bouche pleine. S'il n'y avait eu l'addition à prendre également du bout des doigts : 220,50 euros ou, si vous préférez, 1 446 francs pour les malentendants. On devrait l'apporter avec un gant à four.