
Les week-ends ont des frontières mouvantes, le temps étudiant flotte et semble ne pas avancer. Le rythme... Tâche d'en profiter, idiot ! Les filles nous rendent fiévreux, Odéon est vierge de rendez-vous passés, les ponts de la Seine encore froids de souvenirs brûlants.
Autour de Salamanque serpentent des murs de pierres. Pierres sèches et murs fatigués. Le soleil blême nous plisse les yeux, aussi, et les champs brillent d'humidité dans l'atmosphère gazeuse. Le Portugal n'est qu'à une heure. Autour de Cabeza de Diego Gómez paissent les toros de Zaballos, sauvages comme le Mexique de Peckinpah. Devant l'église, autour de nous, les chiens rôdent. Diego doit dormir tranquille, sa tête est bien gardée : les Saltillo sont noirs, cornes bien en équerre. Dimanche est encore matin, l'église n'ouvrira pas je crois. Ici, personne, ou presque.
"Si vous rentrez par Gredos, vous verrez la neige" nous dit Miguel. La campagne défile, au diable le Portugal et la poésie des gens et des bateaux qui partent. Cap sur Cáceres, comme l'Estrémadure déserte doit être jolie pour nous. Une prochaine fois. Lou Reed, Berlin, la route ondule dans la sierra, estomac noué. Berlin ? Dimanche ? Malgré tout, nous sommes déja en train de rentrer, n'est-ce pas, Hélène ? Navire échoué, calfeutré avant la montagne, El Barco de Ávila, ville sans port. Nous passons devant les arènes, sans pouvoir entrer. Les gradins semblent de pierres, anguleuses et sombres. Etrange plaza figée, ignorée. Miguel avait raison, la neige recouvre l'ubac, passent les heures et paissent les mansos, le parador est irréel, inquiétant Overlook dans la sierra. ¿Talavera o Ávila? Vamos pa'izquierda.
Madrid n'est plus une fête, tout juste un sordide lieu de transit, pire : un aéroport et une horloge. Une horloge à rebours. Qu'espérais-tu donc ? Un répit, un avis ? Un appel ! Pas ce soir, pas cette fois.
Tic, tac, tic, tac — te voilà accablé de fatigue, étourdi par ce week-end rempli de visites, de kilomètres et d'émotions. 8 ans après, le temps a pris son rythme et tu l'as découpé consciencieusement. Sur l'intervalle espagnol que tu t'es octroyé, tu vas te cognant aux murs, sur la montagne russe de l'illusion et de la fuite. Face à toi, la tâche noire du lendemain grandit à vue d'oeil, comme l'encre sur le buvard. Pepina, Ugo, Hélène sont là et t'ouvrent doucement l'esprit. "Non, ce dimanche n'a rien d'un tracas, nous sommes là, tu vois." Fotos, ilusión y Calvados. Quite a corazón limpio.
"Me voy ahora... Dame otro abrazo, sabes cuanto lo necesito."