28 février 2007

Le toro souffre


Il nous a semblé important sur Camposyruedos d’apporter un éclairage sinon définitif, pour le moins le plus objectif possible sur les recherches du professeur Juan Carlos Illera. Laurent s’est donc penché sur l’article publié par 6Toros6. Il s’agit d’un papier très pertinent, passionnant, et qui mériterait d’être traduit en français pour que les aficionados puissent en prendre connaissance. Il n’est évidemment pas question de le faire ici sans autorisation.
Mais nous reviendrons plus longuement sur le sujet, car, au-delà des polémiques ou de son utilisation démagogique, ce travail de recherche est riche et passionnant. Le professeur Illera fait la distinction entre stress et douleur. Et ses recherches ont porté sur ces deux aspects de la question. On peut y lire des choses très étonnantes sur la notion de douleur, éprouvée par le toro. Pour résumer disons que les betaendorfinas (en espagnol dans le texte !) sont des hormones émises par l’animal justement pour contrecarrer la douleur qui est la sienne pendant la lidia. Ça doit pouvoir se comparer avec ce qui se passe pour les sportifs comme les rugbyman ou boxeurs. Je vous livre simplement cette réflexion étonnante du professeur : "Nous pensons que si le toro n’était pas banderillé ou piqué, il resterait probablement dans la situation de stress très élevée qui est la sienne à sa sortie en piste. La pique provoque un mécanisme double sur le toro : d’un côté elle le stresse, de l’autre lui provoque une douleur qui, par conséquent, de par le fait même du "ressentir" de cette douleur, commence la libération des betaendorfinas qui viennent l’atténuer. " pardon pour la traduction !

Voilà qui est totalement étonnant ! Autrement dit, plus un toro est piqué, plus il libère d’hormones qui le "protègent" de la douleur. Alors évidemment chacun en tirera les conclusions qui lui sont favorables… mais alors que penser du torito moderne à peine piqué et banderillé ?
J’ai, pour ma part, fouiné sur le net. Je n’ai d’ailleurs pas eu à aller chercher bien loin car l’excellentissime blog du journaliste (un vrai celui-la) Pablo G. Mancha nous apporte les éclaircissements nécessaires et utiles pour nous faire une idée objectivement éclairée sur le sujet.
Pablo García Mancha est allé directement à la source puisqu’il a interviewé le désormais fameux professeur Juan Carlos Illera dans le cadre de son émission radio "Sol y Sombra" sur Punto Radio La Rioja. Il a ensuite utilisé cette émission pour faire un article sur son blog. Il ressort de ces échanges la confirmation que le toro produit, plus que la moyenne des autres animaux, ces betaendorfinas qui ont donc pour rôle de bloquer les récepteurs de la douleur. Je vous traduit maintenant littéralement les propres paroles du scientifique quant aux conclusions de cette trouvaille : "Cela ne veut pas dire que le toro ne souffre pas."

A la vérité le scientifique confirme seulement ce que le bon sens populaire des aficionados avait deviné depuis des lustres. Ce n’est pas une révolution, seulement la confirmation de notre ressenti. Et ça n’est déjà pas rien me direz-vous.
Mais oui, le toro souffre, perçoit sans doute la douleur, même si ce doit être de façon plus atténuée que ce que laissent paraître des blessures impressionnantes. Il la perçoit plus ou moins cette douleur, et donc il peut être brave ou manso. Et le manso continuera à souffrir plus que le brave de la douleur que lui causent le harpon des banderilles ou la morsure du fer de la pique.
Nous sommes aficionados a los toros, nous n’avons pas à nous aplatir devant les anti-corrida. Nous devons assumer notre culture, ce qu’elle est, et ne surtout pas essayer de l'"humaniser" pour tenter de se rendre plus modernes vis-à-vis de ces gens à qui nous n’avons pas de comptes à rendre. Utiliser des stratagèmes semblables à ceux des antis, c'est-à-dire ayant pour base la manipulation de l’information et la mauvaise foi serait sans doute pour nous la pire des choses.

Militons plutôt pour une révolution éthique de la fiesta, pour l’intégrité du toro, pour sa sauvagerie et sa force qu’il n’aurait jamais dû perdre. Le pire ennemi de la fiesta ce ne sont pas les antis. Notre pire ennemi, c’est l’ennemi de l’intérieur, ces taurinos qui veulent "humaniser" (sic) la fiesta et la rendre "moderne". Quoi qu’il en soit la question n’a rien de simpliste et mérite d’être approfondie.