13 septembre 2012

G10 Juli dans mon étable


Avis au lecteur : cette histoire mêlant El Juli, G10 et gros sous ne nous concernerait pas, et l'on pourrait même s’en contreficher, si, malheureusement, cela ne touchait pas aussi la tauromachie que nous aimons.

Depuis quelques lunes, quand vous demandez le montant du cachet de telle ou telle figura à un décideur ès corridas, celui-ci vous envoie gentiment promener comme s'il s'agissait de ses sous, et au prétexte qu’il n’entre pas dans les bonnes pratiques commerciales, et ce pour des raisons de concurrence, de dévoiler ce mystère. Cette pratique installée a ses limites ; il est bien connu qu’à force de cachotteries on finit par se prendre les pieds dans le tapis.

Supposons que tous les organisateurs sachent exactement ce qu’ils payent quand un prestataire fournissant un plateau complet présente une facture qu’il rédigera avec flexibilité. Aujourd’hui l'on nous dit que le G7 a imposé un rabais de 20 % au G10… Oui, peut-être… C’est invérifiable. Le seul chiffre connu est zéro information — quant à la pseudo-péréquation qui profiterait aux toreros plus modestes : idem, évidemment.

Si les exigences financières sont si extravagantes, et si El Juli impose et dispose des toros à sa guise, pourquoi ne pas en informer le grand public de manière précise et concrète ? La régulation ne serait-elle pas plus immédiate avec un public dès lors plus exigeant ? Quelle serait alors l’attente de gradins réellement informés ? Et de quel droit cette information est-elle confisquée puisqu’il s’agit de notre argent ? Enfin, n’y aurait-t-il pas aussi, et en fait, un gros risque de mécontentement bien plus général à annoncer la réalité de ces cachets dans une période riquiqui ?

Dans le programme de la Féria de l’Atlantique à Bayonne, fer de lance de l’opposition au G10, on trouve, accrochez-vous : « El Juli : la suprématie […] Il règne aujourd’hui sans partage sur la tauromachie, fascinant par sa domination technique, mais surtout par la profondeur de son inspiration. Dans un véritable ensorcellement du toro, qui se retrouve aimanté au leurre, l'on suit, subjugués par les stratégies toujours adaptées à son adversaire et pleines de créativité […] Sa muleta est d’une puissance inouïe, main basse, et d’un temple languide […] » Etc. Souvenez-vous sur France Bleu Gascogne de cette phrase, peu sibylline et plusieurs fois répétée, du très peu journaliste Pierre-Albert Blain, qui aimait provoquer les filles à l’antenne : « Le Juli pratique une tauromachie éjaculatoire… » Et ça, madame, ça n’a pas de prix.

Mais, d’après le même programme, Miguel Ángel Perera peut prétendre à une augmentation : « Personne ne torée comme lui à la muleta. Avec autant de temple, de cadence, on dirait que les passes s’enchaînent, qu’elles sont cousues, ininterrompues : la rondeur du toreo dans son expression la plus absolue. (Je vous avais prévenu, c’est cucul.) Avec un placement sidérant, tout en douceur, sans que le leurre ne soit jamais effleuré, ses naturelles et derechazos sont les plus longs (c’est vrai, c’est trop long) et profonds que l’on puisse voir aujourd’hui. » Etc.

Hélas, ce machin dégoulinant n’est pas signé. Ces figuras-là sont le produit d’un système qui aujourd’hui se retourne contre elles, parce qu’elles vont un peu plus loin que leurs prédécesseurs qui en ont largement profité. Quant aux toros du Juli, on peut lire dans Sud Ouest du 11 septembre : « On se souvient de la corrida des Jandilla du 11 août, pendant la Féria de Dax, où tout le monde avait pu admirer un superbe toro jabonero dans les corrales. Sauf que ce toro couleur savon n'a jamais pu pénétrer dans l'arène. Problème aux yeux avaient indiqué les vétérinaires. Choix du Juli pour les autres. » Là encore, ça ne sent pas la rose et la sérénité. La vérité toute nue, c'est si compliqué !

Donc, pour conclure : peut-on, sans donner de chiffres, à la fois reprocher aux phénomènes d’être trop cher et expliquer au public qu’ils sont des phénomènes à ne manquer sous aucun prétexte ? Pas facile et… pas crédible.
Mario Tisné


Photographie Pleureuses en bas-reliefs à Saint-Bertrand-de-Comminges (Haute-Garonne).