C'est aujourd'hui avéré, Julián López
ne lit pas Campos y Ruedos. Comment expliquer sinon qu'il n'ait rien
reproché à la multitude de bloggeurs indépendants qui lui refont le portrait
depuis quelques années maintenant (eh oui, le temps passe). En
effet, pour la plupart des aficionados espagnols et français, et
pour la gente taurine en particulier, la presse taurine autorisée
s'est toujours résumée à peau de zob. À partir de là, comment
donc s'étonner que ceux-là, et a fortiori ceux encore plus
nombreux qui survolent la vie taurine seulement quand les beaux
jours reviennent, n'aient eu vent jusqu'ici que des saintes
écritures boucalaises et des interlignes fleuris zocatistes ?
D'ailleurs, en toute honnêteté, ces derniers ne sauraient démentir, et reconnaîtraient tout haut (mais sous la torture) que ça
les arrangeait un peu aussi, que l'archimonopole de la parole de
l'Afición dont ils jouissaient abusivement était un privilège qui ne
pouvait déplaire ni à eux-mêmes ni à leurs employeurs — fameux vendeurs
de papier… Me trompe-je ?
Il est juste troublant de constater que lorsque la vie était belle pour les figuras du G10, que tous
chantaient les louanges de la géniale « modernitude » et que le public
se brisait les phalanges à battre des paluches pour saluer redondos
inversés, « julipiés » et autres faenas médicales
poncistes face à des édredons monopiqués, aucune des ces vedettes
du toreo ne trouvait à redire du traitement que la fameuse
presse française autorisée leur réservait. D'ailleurs, à ce
moment-là aucune empresa ne s'émouvait du comportement chagrin du
public, pas même au moment de gracier des toros abrutis et sans
classe !
Alors, de deux choses l'une, soit
Julián López vient à l'instant de découvrir l'acharnement que met
André Viard dans sa quête pour l'authenticité d'une féria intègre
et sincère axée sur le toro et sa lidia, soit André Viard n'a pas
toujours tenu ce discours révolutionnaire et frais qu'il propage
désormais depuis qu'il est urgent pour lui de surfer sur ce nouvel
élan populaire, sans quoi il risquerait de creuser une irréversible
faille entre les nouvelles exigences d'hypothétiques clients des
opus boucalais, qui fréquentent les arènes sans avoir forcément
perçu qu'on les avait floués bien des fois, et le
discours fleuri en totale osmose avec le mundillo que l'homme à la
toison d'argent entretenait habilement depuis si longtemps ?
Nous avons tous une claire idée de la
réponse. Même si un pavé a ouvertement été lancé à la gueule du G10 par l'incontournable Dédé
et sa lettre ouverte au Juli, l'on ne pourra s'empêcher
de voir, au-delà là du geste désinteressé et chevaleresque en
faveur d'une tauromachie forte et vraie trop longtemps bafouée, un
énième calcul boucalais dont nous fûmes si souvent témoins,
parfois victimes. C'est que l'on a appris à connaître
l'animal !
Ainsi, il fut un temps où André Viard
avait une vision plus complaisante envers ses cibles actuelles… Jugez-en par vous-même après lecture de ces quelques morceaux choisis (citations reprises telles quelles, seul le gras est à porter à notre crédit, ndlr) :
• « La corrida d'hier à Dax est un parfait exemple de ce qui précède : le Juli, face au cinquième toro, a respecté à la lettre les unités d'action (sa faena ne fut en fait qu'un long muletazo tellement elle fut parfaite de ligazon), de temps (il n'y eut aucun temps mort et la progression qui menait vers le terme fut parfaitement gérée, alternant temps forts et temps faibles pour laisser le toro récupérer) et de lieu (les séries étant données dans un mouchoir de poche).
• « Mal présentée, faible, décastée, sosa, molle… La corrida de Daniel Ruiz fut habillée pour quelques hivers, et certains allèrent même jusqu'à dire que les meilleurs moments de la journée furent à mettre au crédit des banderilleros. Merci pour Ponce et surtout le Juli… »
• « La corrida d'hier à Dax est un parfait exemple de ce qui précède : le Juli, face au cinquième toro, a respecté à la lettre les unités d'action (sa faena ne fut en fait qu'un long muletazo tellement elle fut parfaite de ligazon), de temps (il n'y eut aucun temps mort et la progression qui menait vers le terme fut parfaitement gérée, alternant temps forts et temps faibles pour laisser le toro récupérer) et de lieu (les séries étant données dans un mouchoir de poche).
Que manqua-t-il pour que le final soit triomphal
dans la mesure où la progression dramatique avait elle aussi été
respectée à la lettre au travers de la domination croissante du
torero sur son adversaire ? La mort. Ou du moins, la mort donnée à
la mesure de la faena, c'est à dire foudroyante et spectaculaire,
digne conclusion que méritait ce long acte d'amour envers sa
profession et son adversaire auquel le Juli venait de se livrer
devant un public de voyeurs ravis. Public dont le OOOOh de
désapointement à la vue des estocades médiocres en dit long sur le
plaisir qu'il venait d'éprouver et dont ce final raté en forme de
coïtus interuptus le privait par surprise, en même temps qu'il
privait aussi cette corrida de son final grandiose caressé le temps
de la faena : le Juli en triomphe traversant le parc Théodore
Denis… »
• « Mal présentée, faible, décastée, sosa, molle… La corrida de Daniel Ruiz fut habillée pour quelques hivers, et certains allèrent même jusqu'à dire que les meilleurs moments de la journée furent à mettre au crédit des banderilleros. Merci pour Ponce et surtout le Juli… »
• « Le
label "Feria de Dax" est une marque qui fonctionne. 90 % des
entrées se vendent sur abonnement et jusqu'à cette année les
clients renouvelaient leurs abonos sans même lire l'affiche,
persuadés qu'ils étaient de trouver une programmation conforme à
leurs goûts : Dax, depuis trente ans, c'est la feria Champagne, la
cour de récréation des figuras, la scène d'Aquitaine où l'on a
plus que partout ailleurs collectionné les succès. »
• « Sera-ce
toujours le cas l'an prochain ? Cela dépendra en grande partie du
résultat des deux corridas qui restent : El Pilar avec Castella
attendu comme le Messie, et Hoyo de la Gitana, sans le Fundi. Que ces
deux tardes soient triomphales - qui ne le souhaiterait ? - et l'on
oubliera le ratage inquiétant du premier jour - celui des toros de
la neige - et celui moins surprenant d'hier. Faible, décastée, sans
fond, ni caste ni bravoure à l'exception du quatrième qu'Ivan
Vicente a laissé passer, le lot de Los Bayones, très inégalement
présenté et plus léger que celui de Daniel Ruiz, n'aurait jamais
du arriver à Dax. Pourquoi prendre un tel risque avec une ganaderia
aussi irrégulière face à laquelle on est obligé d'aligner trois
toreros individuellement respectables mais qui ensemble composent un
cartel très éloigné de ce que le client attend ici ? »
• « Que
dire au client ? Que l'on a cédé à la pression des prédicateurs
de tertulias au risque de perdre le label de qualité ? Lorsque l'on
monte une feria, l'offre doit être conforme à la demande et vouloir
changer ce qui fonctionne équivaut à prendre un risque
inconsidéré. »
• « Lisez l'affiche : sur sept corridas, trois
seulement sont du goût des figuras. Résultat, qu'on le veuille ou
pas, les autres jours ils ne viennent pas. Et s'ils ne veulent pas de
Banuelos ou de Los Bayones, par exemple, c'est qu'ils savent qu'avec
ces toros ils ne peuvent s'exprimer et donner au public ce qu'il
attend d'eux. N'est-ce pas là, au fond, faire preuve d'un grand sens
des responsabilités et la meilleure preuve du respect qu'ils portent
à leur clientèle ? »
• « Toutes les formes de tauromachies sont
légitimes, mais on ne peut, au risque de casser le jouet, proposer à
Dax des cartels de seconde zone. Qu'une affiche prestigieuse
aboutisse à un fracaso, cela fait partie du jeu. Mais les corridas
d'art et d'essai, il faut les laisser aux arènes qui n'ont ni les
moyens ni la clientèle pour en organiser d'autres. Et il ne faut
surtout pas oublier qu'il a toujours été moins facile de remplir
les arènes que de les vider. »
• « Dans
les corrales dacquois, disais-je en ouverture de cette feria, la
morphologie, malgré un excès de poids, de la corrida de Daniel Ruiz
laissait augurer des qualités optimales que l'on est en droit
d'attendre du toro brave moderne. Ce fut le cas. »
• « J'imagine
pourtant que ces toros-là sont pour certains aficionados ce que
l'antéchrist est aux croyants, mais je les invite à réfléchir sur
le sens du spectacle moderne : que veut le public d'aujourd'hui ?
Voir triompher les vedettes. Que veullent les vedettes d'aujourd'hui
? Comme celles de toutes les époques dans tous les domaines, se
produire dans les confitions optimales pour elles afin de donner à
leur public ce qu'il attend d'elles. »
• « Le toro "moderne",
tant décrié, doit donc être compris comme étant l'instrument
parfait qui autorise le succès de la corrida contemporaine, hormis
dans le cas où, au lieu de permettre aux toreros d'exprimer leur
art, il est sensé présenter les pires difficultés. »
• « De la
caste antique, qui est l'agressivité à l'état pur, on est parvenu
à la noblesse moderne grâce au filtre de la bravoure. Celle-ci
n'est autre que l'agressivité constante, voire croissante, fruit
d'un patient travail de sélection qui a eu pour but, à partir des
toros porteurs de la caste, de faire évoluer l'espèce dans le sens
voulu par le spectateur. »
• « La caste sans la bravoure, c'est le
genio, lequel se traduit par une attitude défensive contraire à la
nature du combat. La bravoure sans la caste, c'est la noblesse trop
suave, laquelle est préjudiciable à son authenticité. Entre les
deux, l'équilibre est difficile et Daniel Ruiz y est parvenu hier
dans chacun de ses six toros. Et contrairement à ce que l'on
pourrait croire, ce toro "moderne" n'est pas facile à
toréer. Sinon, comment expliquer que Manzanares n'y soit pas arrivé
? »
Et patati ! et patata ! Attention, vous ne remonterez pas non plus très loin dans l'archivage du site Terres taurines puisque, passée la date du 31 mai 2009, l'on vous affichera un surprenant : « Internal Server Error »…
Ainsi,
vous noterez qu'en ces temps fastes l'on était loin de l'indignation
collective. El Juli était un bon petit gars bien mignon, une sorte
de gendre idéal dont les facéties clownesques amusaient les
perchoirs. On prenait tout du petit Julián, tant dans les gradins que
dans les colonnes des opus, et même que l'on trouvait ça bien puisque le
public en redemandait… Alors, pourquoi se priver ? L'on
remarquera qu'il n'était alors nullement question de toro de
respect qu'il serait temps d'opposer au Fenómeno. Quant aux juteux et vomitifs contrats de ce dernier, ils ne posaient alors problème à
personne… Surtout pas à André Viard !
Alors,
que nous vaut ce soudain et énième revirement d'opinion, monsieur Viard ???
Un penchant pour le talibanisme ? Un besoin urgent de
conquérir une frange de l'Afición qui buvarderait de plus en plus sur votre
auditoire en pleine prise de conscience ? Une opportunité
inespérée pour redorer un blason un peu terni ces derniers
temps ? Une soif de sincérité et d'amour propre quant à la
came que l'on distribue quotidiennement ? Ou, et ne m'en veuillez
pas pour tant de suspicion, un nouveau subterfuge populiste ?
Allez,
dites-nous tout…