03 septembre 2012

Ta bourse, et ta gueule !


À propos de ses penchants taurins, un éminent penseur déclarait dernièrement, dans une relative intimité : « Moi, je n'aime pas les corridas toristas, alors je n'y vais pas. » Façon de dire aux empêcheurs de Juli de tourner en rond que, plutôt que de déranger la masse et l'artiste, mieux vaut pour les goujats qu'ils restent à l'abreuvoir, car chacun sait désormais qu'une corrida « torerista » se supporte, s'accepte et se cautionne dans les excès, fantaisies et autres défauts auxquels elle invite habituellement.
Hé ! hé ! hé !… Pardi, fastoche !!!
D'ordinaire, je m'inclinerais devant tant de sagesse, mais il se trouve que ce personnage oublie de préciser qu'il est surtout à la tête d'une CTEM qui se targue depuis des années de remplir grassement ses arènes et de boucler sa temporada quasi exclusivement grâce la vente d'abonos, laquelle limite voire interdit la possibilité d'acheter des billets isolés, excluant de ce fait le libre choix éthique et financier aux aficionados et autres amateurs de tous bords d'aller aux corridas qui les concernent tout en évitant l'achat superflu de places pour les spectacles qui ne les intéressent pas.

La philosophie de comptoir me fait généralement marrer, mais quand on la destine à donner des leçons au con de payeur qui n'a d'autres choix que de s'asseoir sur sa propre liberté de consommation à une époque où une place de corrida est plus que jamais un luxe dans le budget quotidien du consommateur moyen, alors là je ne me marre plus du tout. Et si en plus on m'explique dédaigneusement que cela oblige à fermer sa gueule devant l'indéfendable, alors là j'explose !

L'éminent penseur aurait dû demander aux huit mille et quelques couillons qui remplissent habituellement sa plaza uniquement par abonos ce qu'ils pensent du fait que le bonhomme ne sait plus depuis longtemps ce que coûte réellement un abono d'un cycle de six ou sept corridas, tellement il est figé depuis perpette dans le béton des privilèges.

Chère ou pas, une place de corrida se trouve affublée d'un petit chiffre très anodin, en bas au coin du papier, qui fait pourtant toute la différence entre l'imbécile pas toujours heureux détenteur du Graal et celui qui le regarde de façon menaçante ou méprisante, du coin de l'œil, là-bas, dans l'obscurité de son callejón.

Ainsi, le jour où le spectacle que vous proposez sera gratuit, libre d'accès et ouvert à tous les vents, l'on comprendra que vous vous offusquiez des larmoiements du public, mais en attendant, messieurs les organisateurs, veuillez en prendre compte un peu plus dignement. Voilà pourquoi, quand les reproches fusent du haut des tendidos, c'est bien à vous de vous remettre en cause et non pas à celui qui s'est délesté de quelques euros pour assister au spectacle dont vous détenez l'entière et totale responsabilité, tant dans les succès que les échecs. Que cela vous plaise ou non, c'est la loi universelle du marché, qui marque la différence entre celui qui propose et celui qui dispose, et l'on sait tout le mal que certains se sont donnés pour s'asseoir sur l'honorable siège de celui qui propose, sans parler de ceux qui tueraient père et mère pour y rester accrochés encore longtemps.