14 septembre 2012

J'irai marcher sur l'eau avec vous


Nous vivons à Nîchmes une période, comment dire ? Troublée ? Non, délirante, totalement délirante. 
Faut voir ça. C'est fou. Il faut absolument en rajouter, dans tous les sens, des couches et des couches.
Il y en a certains j'ai l'impression que ça les rend encore plus dingues que le mistral.
Mais il faut être sur place pour vraiment toucher du doigt l’ampleur du phénomène.
Mon charcutier, qui s'y est pris trop tard, est au bord de la crise de nerfs. Mon poissonnier exhibe fièrement ses deux sésames. Je crois qu’il préférerait se faire braquer la caisse que ses places. Et mon poissonnier, en faisant vraiment les fonds de tiroirs, s'il a vu dix corridas dans sa vie…

Il y a chez nous trois sortes de types. 
D’abord il y a ceux qui ont leur place et puis il y a les autres. Ça fait deux. 
Et puis il y a le troisième type, celui qui connaît un type qui en connaît un autre qui a un ami à la mairie qui peut avoir des places… trois jours avant le « truc ». 
Et puis il y a moi, qui ne devait pas y aller et qui pourtant va y aller. Ben ouais. 

Et pourtant je ne connais aucun type qui en connaît un autre qui a un ami à la mairie. Moi je ne connais personne. Moi c’est une femme, juste une femme. Vraie de vraie. 
Le jeudi 13 septembre, une femme m’envoie un SMS : « J’ai une place pour José Tomás. Ça t’intéresse ? Bises. » Et en plus elle m’embrasse. Le truc totalement improbable. 
Vous, ça vous émeut peut-être pas, mais vu d’ici, je vous assure que c’est de la science-fiction. 
Une femme vous propose une place, numérotée, pour le solo de José Tomás trois jours avant la course et vous embrasse. C’est de la science-fiction. 
Je joue au loto, ce soir ! Grattage ET tirage. 

Alors, pour le coup, c’eût été indécent de dire non, obscène même. 
Un peu comme les chiffonniers d’Emmaüs qui refusent de faire bouffer les pauvres sous prétexte que le fric vient de la tauromachie. Donc j’accepte, forcément.

Vous devez me trouver excessif. C’est que vous n’imaginez pas l’ambiance. Il faut y être je vous dis. On annonce même des stars.
La radio locale s’en fait l’écho, l'annonce, le claironne, le répète à satiété et s’en gargarise. On informe le peuple. 
Rendez-vous compte : Thierry Ardisson, oui, Thierry Ardisson sera là, et, en dernière minute, vous savez qui ? Non ? Eddy Mitchell. Thierry Ardisson et Eddy Mitchell dans les arènes, en même temps. Même moi qui n'écoute pas la radio je l'ai entendu à la radio.
Ils feraient ressusciter Yves Mourousi que ça n'étonnerait personne. 
Ça y est ? Vous réalisez un peu ? Il paraît même que les hôtels sont complets à 150 km à la ronde — 150 km d’hôtels complets, en temps de crise, avec Eddy Mitchell, Ardisson et le fantôme de Mourousi…

Et moi, comme un con que je suis, je ne me suis même pas préoccupé d’acheter une place. Et trois jours avant, une femme, oui, une femme me donne accès au « truc ». Franchement, je ne pouvais pas dire non. 
Alors je me rends, et je la joue à fond. Je rattrape le retard. 

Je me jette sur Booking.com et je cherche un hôtel. Bon, pas à Nîmes évidemment, mais à 160 km minimum, histoire de bien être dans le trip. Un truc à la Kerouac même, soyons fous.

— Chérie ! Samedi soir on dort à l’hôtel ! Je te paye le voyage. Au moins, pff… 160 km.

Et là, déception… Les hôtels ne sont pas pleins, ni à Arles, ni à Avignon, ni à Montpellier. Il reste des chambres partout.
Trente bornes. Si je dis à ma femme que je l’amène en voyage à Arles, c’est sûr, elle va me faire la gueule. 
Pourtant, le mec de la radio il a bien dit que les hôtels étaient pleins à 150 km à la ronde. Bizarre.
D’un autre côté, ça m’évitera de conduire bourré. Je crois que c’est mieux.