Suite de « Premier tiers (I) ».
Il serait souhaitable, pour…
révéler, juger la bravoure (instinct offensif et agressif) du toro, ainsi que sa force et sa puissance,
• Qu’un seul picador soit présent en piste et se tienne en face du toril — le picador, cet intrus qui n’était pas là tout à l’heure, ce provocateur qui agresse et « fait mal » (comprenez l’expression dans le sens qu’il vous plaira), cette menace qu’il faut dégommer et bouter hors du cercle.
>>> Ce combat que les hommes proposent au toro, celui-ci l'expérimente, y « prend goût » (ou non) lors du premier tiers.
• Qu’il soit, dans l’idéal, présenté au moins 3 fois au cheval — vous connaissez sans doute le dicton qui vaut ce qu’il vaut et qui dit qu’« à la 1re pique vont tous les toros, à la seconde les braves et les idiots, et à la 3e seulement les braves ».
>>> En aucun cas la présidence (de préférence indépendante de l’organisation et stable sur la durée d’une féria), dont le rôle est ici capital, ne devrait accepter une et une seule pique. En rencontrant les cuadrillas avant la course, le président prendra soin de leur signifier clairement qu’elle ne changera pas le tercio après la re pique — les règlements en imposant d’ailleurs deux — malgré la durée exagérée de celle-ci et/ou la demande insistante du matador.
• Qu’il soit arrêté et chaque fois placé à une distance plus importante (5 ou 6-10 m, 10-15 puis 15-20, etc.). L’unique raie concentrique invitant le picador à s’avancer jusqu’à elle serait tracée à 6 ou 7 mètres de la barrière, peu importe, en face du toril ; serait longue d’une quinzaine de mètres et, s’il devait quand même y en avoir une seconde, celle-ci, de même longueur, serait située à 5 ou 6 mètres de la 1re ;
>>> Encore qu’il vaut mieux un toro non arrêté (au picador de prendre le relais et d’attirer l'attention de la voix et du geste) ayant reçu un faible nombre de capotazos, qu’un qui le serait après de multiples essais.
>>> Tracer une seule et unique raie peut s’avérer intéressant dans la mesure où la présence de la seconde, à la distance aberrante de seulement 3 mètres de la première (comment peut-on dès lors juger un quelconque « instinct offensif » ?), a pour effet regrettable de voir trop fréquemment les toreros être tentés de venir placer les toros à proximité d’elle, comme si cette seconde raie les attirait. De plus, qu’il n’y en ait qu’une laisserait davantage de liberté aux matadors et à leurs picadors qui, par la même, se sentiraient certainement un peu moins « dirigés ».
• Que la première pique soit brève — quite rapide avec actions simultanées du picador « montrant » la sortie au toro et du torero tentant de l’attirer dans sa cape — et les suivantes dosées : seul moyen et d’évaluer la bravoure sans hypothéquer de nouvelles rencontres et de redécouvrir la variété du toreo de cape qui ne se limite pas à la chicuelina.
>>> Ne pas se laisser berner par ceux qui estiment que depuis l’apparition du caparaçon, il n'est plus raisonnable d'escompter juger la bravoure du toro lors du tercio de varas… Il serait plus juste d’imputer la dérive actuelle de ce tercio à un désintérêt croissant des aficionados pour le toro — des aficionados, et non d’un soi-disant « grand public » !
>>> Si d’aventure un toro venait à manifester des signes de faiblesse (affalement sous le cheval, génuflexions répétées) au sortir de cette (courte) 1re pique, nous pourrions solliciter son remplacement auprès de la présidence, celle-ci se contentant en général d’un changement de tercio. On veillera tout de même à prendre en compte la catégorie de l’arène : Nîmes, par exemple, n’est pas Madrid ! Madrid, ses gros moyens et sa colonie de sobreros.
>>> C’est quoi une pique dosée ? Euh, une pique montée et utilisée à l’endroit ; une pique donnée « de face » sans « servir l’étrier » et placée dans le morrillo ; une pique ni pompée ni vrillée, ni d’une durée exagérée, donc sans carioca mais avec des quites résolument efficaces (torero placé afin de pouvoir être vu du toro et picador qui enlève la pique au lieu de la redresser en laissant le fer en place !). Vous m’avez compris, la probabilité de voir une pique dosée est à peu près aussi forte que celle de voir mes cheveux repousser !
>>> Carioca en se plaçant derrière le toro : action de fermer, d’empêcher la sortie naturelle du toro (vers la droite, en fait vers le centre) en faisant pivoter le cheval vers la droite (en direction du centre de l’arène). Le cheval se retrouvant alors positionné entre le toril et le toro (situé entre la barrière et le cheval), provoque chez ce dernier une débauche d’énergie néfaste pour la suite de son combat. Ceci dit, ce scénario devenant par trop voyant, désormais la carioca débute en sens inverse ; le picador positionne son cheval à la perpendiculaire (voire plus, les axes du cheval et du toro formant parfois un angle de plus de 90° !) de la course du toro et laisse « sciemment » celui-ci percuter avec violence l’épaule droite de sa monture qui amorce ainsi, aussi naturellement que soudainement, une rotation vers la gauche en direction de la barrière… Le cheval finissant par se situer entre le toril et le toro ; le tour est joué.
Il serait souhaitable, pour…
régler son port de tête en l’abaissant et en diminuant la mobilité de l’ensemble « tête-encolure », que le fer soit porté DANS le morrillo (siège des muscles extenseurs du cou) et nulle part ailleurs afin de ne pas créer de dégâts dans la région de la croix (où est portée l’estocade !) et de ne pas risquer d’entamer des muscles locomoteurs (aïe !), des vertèbres ou des côtes (ouille !), voire atteindre des organes vitaux tels que les poumons (!!!).
>>> Fer : soit la pyramide en acier (aux arêtes tranchantes) et elle seule ; encore qu’il faudrait pour ce faire repenser le dessin de la pique et revoir les dimensions du fer à la hausse puisque « les cordes » (censées être un butoir !) ne pénétreraient plus ; vu qu’un butoir efficace placé juste après l’acier permettrait au seul fer de pénétrer. Fer dont la taille ne serait pas aussi importante que celle du couple actuel « pyramide + cordes » mesurant un peu plus de 8 cm ! (Cf. « La bonne blague ».)
>>> On peut lire çà et là que piquer dans le morrillo n’est pas possible (ah bon ? je l’ai pourtant déjà vu !), que la région idéale serait la terminaison du morrillo aux environs du garrot — je veux bien, moi, mais pourquoi demander aux picadors de viser une cible de 5 à 10 cm de diamètre alors qu’ils éprouvent toutes les peines du monde à en atteindre une dix fois plus importante ?! Peut-être aussi qu’une pyramide avec des arêtes substantiellement agrandies permettrait aux lanciers (les inciteraient à ?) d’« accrocher » plus sûrement le morrillo…
J’ouvre une parenthèse pour aborder une question…de principe. Au prétexte que la pique actuelle a permis (et permet encore) des premiers tiers de haute tenue ayant nullement empêchés des toros puissants et d’une grande bravoure de poursuivre valeureusement leur combat (c’est un fait incontestable !), le dessin de la pique ne mériterait pas d’être revu et corrigé ! C’est un peu court... On peut, on a même tout à fait le droit de trouver farfelu, sinon absurde, qu’un matériau tel que de la corde puisse pénétrer dans le corps du toro — et ce depuis un sacré bout de temps sans que cela n’ait déclenché beaucoup de réactions dans les rangs des aficionados. En admettant, enfin, que la pique soit non seulement un instrument de « mesure de la bravoure », mais également un instrument de défense (une arme en quelque sorte), il est dans ce cas difficile de bien voir en quoi la corde aurait une quelconque « utilité ». Je referme la parenthèse.
Prochainement, la fin.
Images Excusez cet a priori coupable mais quelque chose me dit que convaincre ce vieux grognard de Dioniso Grilo ne sera pas chose aisée... © Manon • El Picador, aquarelle © Santiago Martínez Delgado (Bogotá 1906 – Hacienda el Molino 1954) • Pablo Gargallo (Maella, Zaragoza 1881 – Reus, Tarragona 1934) / Picador, 1928 / Fer forgé & bois, 24,7 x 34,2 x 20 cm © MoMA New York