17 mai 2009

Dans la tête d'Hervé Galtier (II)


Vous le savez maintenant. La semaine il est prof de sport. Le week-end, il est susceptible de s’envoyer une paire de toros, comme moi je peux m’envoyer une demie douzaine de gambas de Roses, énormes.
Ce n’est pas rationnel. Réfléchissez trois minutes, et vous verrez que ce n’est pas rationnel.
Ce qui est étonnant chez Hervé Galtier, c’est cette manière de ne pas y toucher, cette façon de faire, simple, naturelle, sans chichi, et sans rouler des mécaniques.
Ce matin il s’est habillé, chez lui. Et lorsque Hélène, encore à moitié endormie, l’a aidé à ajuster une bretelle rebelle, il lui a lâché, sans même desserrer les dents : « faut être con pour aller tuer six toros»
C’est à peu près tout ce que vous saurez de l’intimité d’Hervé Galtier.
Dans la voiture qui nous conduit de Nîmes à Franquevaux je me sens obligé de lui demander s’il n’est pas trop stressé. Il répond que oui, que la pression est là. On a presque du mal à le croire, à le voir un peu perdu dans des pensées et un ailleurs qui n’appartiennent qu’à lui. L’ailleurs forcément mystérieux d’une sorte d’anti-héros.
Alors, nous parlons de tout, et de rien, mais surtout de campo, de vaches et de ces toros qu’il achetait les plus gros possible, pour revendre un maximum de viande. Les temps ont changé.

— Tu te souviens de Châteaurenard ?
— Si je me souviens… Oui bien sûr. C'était la première fois que je te voyais toréer.

Châteaurenard, c’était il y a 15 ou 20 ans. J’étais un photographe débutant, venu photographier un aficionado qui tuait des toros en privé m’avait-on dit. Nous étions loin des débuts de la photographie numérique. C’était l’époque où l’on grillait de la pellicule. Je ne connaissais pas Hervé et je ne savais pas où je mettais les pieds. Et puis j’ai vu débouler ce toraco, énorme, puissant. Et Hervé s’y est mis devant, sans appréhension apparente, avec déjà cette simplicité comme une évidence.

Aujourd’hui Hervé s’est envoyé ses six toros, sans hésitation, sans temps mort, sans chichi et sans rouler des mécaniques, naturellement. Un mystère je vous dis.
A la fin de cette encerrona Hervé a fait une vuelta. Ce n’était franchement pas déplacé, peut-être libératoire. Arrivé à notre hauteur il est venu donner un énorme abrazo à Edouard. Faut dire qu’ils avaient deux trois trucs à se chuchoter ces deux-là. Et c’était le moment.
Nos regards se sont trop furtivement croisés pour que j’aie simplement le temps de lui faire un clin d’œil et éventuellement lui lâcher le seul mot qui m’est alors venu à l’esprit : Respect.

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