14 février 2008

"Sugar baby"... Campos de Castilla (I)

Il a goûté de tout mais du bout des papilles, seulement, comme de loin.
-"Allez-y, resservez-vous" lui a-t-on dit, voyant qu'il apréciait ce qui s'offrait sur cette table de plaisirs simples plantée à deux pas de l'embarcadero. Il nous a confié être diabétique, qu'il devait faire attention même s'il adorait ce que nous avions apporté. Il aimait, il ne pouvait pas.
Clin d'oeil ou masochisme, Javier Gallego García élève des toros sucre de canne. Et l'Afición, diabétique à ses heures, en use avec parcimonie, du bout des papilles, seulement, comme de loin. Ça colle le diabète ces vieux machins de Veragua et les taurinos, après la chuleta d'un kilomètre "que viene con patatas" et le Bacardi-Limón, n'ont pas besoin de ça, en plus.
Juan Pedro Domecq de Villavicencio, délicatement, très délicatement, en déposa de fines gouttelettes dans son café La Corte puis détourna le ruisseau loin de lui comme effrayé d'une peste assassine pour un sang "bleu" aujourd'hui vendu "sin azúcar". Putain d'aspartame !
Le papy de Javier Gallego, Enrique García González, aimait le sucre et méprisait ses artères. Un suicidé au long cours pour ainsi dire. Quoique, acheter du Veragua de José Enrique Calderón via le Duc de Gandía y Osuna en 1951 n'avait pas un caractère aussi désespéré qu'il n'y paraît actuellement. Les toros jaboneros, petit-fillots de ceux de la lignée des Cristobal Colón, étaient encore des friandises pour certaines figuras qui s'en remuaient les globules rouges de devoir affronter ce sucre en cannes.
Javier Gallego, sérieux provocateur, a tout gardé du papy, instinct de survie et surtout d'afición. Il en faut un montón par litre de sang pour tenter de conserver en pureza le bétail de la casa. A croire qu'en lui se joue un combat gigantesque entre afición et glucose pour sauver ses toros sucre de canne. Tant qu'il sera en vie, eux seront là et le campo de Colmenar Viejo abritera de ses rocailles rondes et grises les cousins des musculeux Prieto. Javier Gallego était sûr de lui, aussi sûr qu'il savait qu'il ne reprendrait pas de rillettes. Nous l'avons cru, ses enfants également semblaient le croire...
En quittant l'anodin chemin de terre qui mène à la finca, on prend à gauche vers Soto del Real. Immédiatement sur la droite surgissent, peut-être du passé, les formes lourdes et anguleuses de chars d'assaut de l'armée espagnole. Ils sont exposés là, dans ce cimetière de ferraille bruyante, et, autour, pousse la vie d'une laide urbanización dans laquelle même des murs coulent les larmes de la monotonie d'une époque. Dans le creux des collines, deux traits noirs se débattent dans les volutes rosées d'un ciel urbain... Madrid est là, après, déjà ici.
Mais tant qu'il sera en vie, eux seront là, aussi... Il nous l'a dit.

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