
14 avril 2013
Mustapha voulait toréer

03 février 2013
Réminiscence

14 janvier 2012
16 août 2011
Autorovia (II)
Jeudi
09 mai 2011
« Corte Inglés »

28 mars 2011
Tchernobuffalobyl

Photographies Détail de la finca "Los Linarejos", à Moralzarzal, aujourd'hui propriété de Hermanos González Rodríguez, et un machin mutant de Carmen Segovia élevé au radium © Laurent Larrieu
03 mars 2011
Aurelio sous la neige

>>> Retrouvez sur www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS, une galerie consacrée à l'élevage.
18 mars 2009
Le mauvais œil

Vendredi 13 mars 2009. Le mauvais œil. Annonce des carteles aturins. Manque de bol, de chance, malédiction, patte de castor et queue de rat musqué, Vic annonce les siens le lendemain. Le même week-end, il se murmure que le Juli se la jouerait solo en septembre à Bayonne.
Lundi 16 mars 2009. Rue Gambetta. On susurre sans trop oser y croire qu’un camion de pattes de lapin a été commandé en Garenne et que le haras de La Roche-sur-Yon aurait été contacté pour fournir un stock important de fers à cheval. Un mauvais œil peut se crever.
Aire-sur-l’Adour, donc, organise chaque année une novillada piquée pour la fête des Arsouillos le 1er mai et une corrida pour ses fêtes patronales vers la mi-juin. Il fait souvent beau en ce mois de juin à Aire-sur-l’Adour. L’été pointe son nez, le "Coq hardi" existe encore, les "33" sont toujours bloqués au feu place du commerce, le corso fleuri d’enfants est passé tout à l’heure et... les arènes sont vides.
Une malédiction de su puta madre !
Décembre 2005. "Cortijo Wellington", Madrid. Domingo González passe une tête ensommeillée par le peu de jour d’une fenêtre embuée. Il a presque neigé hier. La sierra se tait parfaitement, seuls les toros fanfaronnent dans le froid pour montrer qu’ils sont bien des toros.
Domingo n’aime pas du tout le lot réservé a priori pour Madrid en mai. "Demasiado" y "fuera de tipo". Domingo parle peu. Il fume des clopes deux cancers en un et regarde longuement ses toros. Domingo aime évoquer 'Bastonito'. Il en devient affable, presque causeur. Le souvenir des belles choses.
En quittant la finca, un panneau indique la direction de la "Valle de los Caídos", cette vérue odieuse dont le poil en forme de croix observe le campo alentour. Un mauvais œil pour sûr.
En juin 2009, à Aire-sur-l’Adour, il y aura des toros des héritiers de Don Baltasar Ibán Valdes. C’est un nouvelle sympathique pour les aficionados. Deux mauvais « œils », des pattes de lapin croisées de fers à chevaux pour un retour en France annoncé un vendredi 13...
Pour plus de renseignements sur l'ensemble des carteles aturins (tout ne fait pas rêver) : voir le site du Comité des fêtes.
Photographie Toros de Baltasar Ibán au campo en décembre 2005 © Camposyruedos
15 janvier 2009
Grisaille d'octobre

Carlos Aragón Cancela est un ancien matador de toros des années 1980 (il prit l'alternative le 5 février 1984 à Valdemorillo et tua, entre autres, une corrida de Victorino Martín à Madrid lors de la San isidro en 1987) qui a beaucoup grossi depuis, au même rythme certainement que les zéros sur ses comptes en banque. Et ici, les zéros sont gris, du béton aux toros, enfermés derrière l’inquiétante pesanteur d’un mur d’enceinte qui donne à l’ensemble les allures de plomb de ces villas miradors de capitales en crise où les barbelés servent de paillasson. Bienvenue.
Les derniers utreros sont arrivés la semaine précédente à peine. Ce sont les plus maigres. La tête calée dans le pli de son coude posé sur un gros tube vert, Carlos Aragón Cancela contemple son achat et compte les zéros. Selon lui, une bonne part viendra de France en 2009 car plusieurs arènes auraient déjà retenu des lots (octobre 2008) : Vic, Céret, Mont-de-Marsan et d’autres. Il a l’air sûr de lui. Loin de ses pensées, sous une brume violette qui lèche maintenant le parterre furonculeux de la sierra, les Bucaré de Javier Buendía ont paru s’extraire des noirceurs d'un roman russe du XIX° siècle dans lequel les "âmes mortes" n’attendent plus le jugement dernier.

Dans quelques semaines, les fleurs de Jara vont repousser dans la sierra...
>>> Retrouvez la galerie des Flor de Jara sur le site www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS.
Photographies Futurs novillos de Flor de Jara & la Sierra de Guadarrama © Camposyruedos
03 novembre 2008
Flor de Jara

Il semblerait donc que nous aurons l’occasion de voir chez nous non pas une, non pas deux, non pas trois, mais bien quatre novilladas de Bucaré, sous leur nouveau et romantique nom de « Flor de Jara »*. Il est vrai que les divers lots vus sur le sable ici et là ont dans l’ensemble donné satisfaction, voire apporté beaucoup d’émotions. Mais franchement, quatre, n’est-ce pas un peu beaucoup ? N’y a-t-il donc pas d’autres élevages à faire découvrir aux aficionados ? Pour être tout à fait franc, je serai le premier ravi de revoir les fameux buendías, mais on peut cependant regretter, sans bouder ce plaisir, de ne pas avoir davantage l’occasion de voir combattre de nouveaux élevages.

27 octobre 2008
333

Image Castille © Yannick Olivier
09 juin 2008
La PM

Les Domecq de La Laguna c’était pour s’ouvrir les portes du marché, l’aspect commercial d’une démarche parfaitement assumée. Ce sont eux d’ailleurs qui étaient venus à Nîmes pour la présentation du Juli en novillada non piquée. Pablo Mayoral a donc été son premier apoderado. Mais ça n’est pas pour ce motif, à l’époque, que j’avais souhaité le rencontrer. Tout d’abord j’ignorais encore l’existence du phénomène et, ensuite, j’étais très intrigué par cette multitude de fers inscrits à l’Asociación.
Et c’est ainsi que je fis la connaissance de Pablo Mayoral, le père, aujourd’hui disparu et d’un de ses fils, Pablo, qui le secondait et qui dirige aujourd’hui cet héritage familial.

Une quinzaine d’année plus tard, les novillos de la PM étant annoncés à Parentis et Beaucaire, j’ai repris une fois encore, et avec énormément de plaisir, la direction de "El Escorial". C’est dans cette autre finca, qui appartenait jadis à José María Moreno-Yagüe, que se trouvent les pensionnaires de la PM. Les pelages m’ont semblé moins variés qu’auparavant, le cárdeno ayant pris visiblement le dessus. Le nombre de têtes me semble également bien plus important. Quant au semental que vous verrez en fin de galerie au milieu de ses vaches, il s’agit du toro qui fut gracié à Valdemorillo.
25 avril 2008
Aurelio Hernando

Deux reportages : Camada 2008 & Vacas y añojos ainsi que deux textes dans lesquels il est question d'Aurelio Hernando : ici et là.
28 mars 2008
"... cette corne que nous ne saurions voir..." Campos de Castilla (IV)

Les images qui vont vous être présentées sont susceptibles de heurter votre sensibilité. Il s’agit de photographies choquantes, possible source de traumatismes profonds pour chacun d’entre vous. La rédaction de Camposyruedos a longuement débattu de la pertinence de diffuser de telles scènes à la limite du soutenable, mais nous tenons à aller jusqu’au bout de notre démarche en considérant que si telle est la réalité, elle doit être affichée aux yeux du monde. Evidemment, nous ne pouvons que conseiller aux âmes trop sensibles de détourner le regard. N’écoutant que notre sagesse, nous avons pris le parti de vous aider à surmonter cette épreuve en plaçant sur chacun de ces clichés un petit logo (voir photographie de gauche).
Si vous êtes les heureux parents de mômes qui rêvent de toros et pour lesquels la corne est une merveille de mystères, ayez dès à présent l’obligeance d’accepter nos profondes et sincères excuses car nous avons conscience que nous allons voiler de trouble, et pour longtemps, la vive clarté de leurs yeux grand ouverts.
Car il est question de cornes dans cette triste évocation de la laideur. Et une corne sur un toro, ça compte, fut-elle grande, fine, longue, arrondie, dans la ligne du frontal ou à gratter le derrière des glands sous les aisselles des chênes verts.
Il y a trois ou quatre ans, un producteur andalou élevant du Jandilla de façon industrielle (et avec une certaine réussite) s’est mis en tête de protéger les cornes de la camada de saca avec une sorte de capote en résine (époxy). Depuis, l’idée et la pratique ont fait leur chemin chez nombre de ganaderos et il devient difficile de visiter un élevage vierge de ce que les Espagnols nomment les "fundas". Il existe, pour ce que nous en connaissons, plusieurs types de fundas dans le campo ibérique.
Pour les plus sécuritaires, plongés de toute leur âme dans les mœurs de notre présent, le choix s’est porté plutôt sur une funda intégrale qui recouvre la quasi intégralité du pitón. C’est la funda la plus connue et dont la mode fut en son temps lancée par ce producteur de cornus que nous évoquions quelques lignes plus haut, Ricardo Gallardo (Fuente Ymbro). C’est la funda "capote anglaise" qui protège de tout et ne lâche rien ! Plus au nord en Castille, chez José Escolar Gil, a été élu un modèle printemps-été, plus court vêtu mais aussi plus voyant. C’est la funda "capote landaise" (en référence aux vaches landaises dont les cornes sont emboulées) qui protège le bout et c'est déjà bien. Entre ces deux capotes, notre cœur ne balance pas mais alors pas du tout.
José Escolar Gil est un petit homme d’une soixantaine d’années qui a la chance d’être propriétaire d’un sang passionnant à voir combattre : l’Albaserrada (croisé avec du Santa Coloma-Buendía par Camino). Il a le pelo cárdeno, un 4x4 tout neuf, un gendre matador et un mayoral beaucoup plus typé Murube de 15 ans que Saltillo cuatreño. José Escolar Gil aime bien se moquer "gentiment" de ce mayoral mal aféité et surnommé dans toute l’Ibérie "Matacañas". Face à lui, l’espérance de vie de 33 cl de bière San Miguel s’apparente à celle d’une chanson de Nougaro à la "Star’ac"... Il n’y en a pas !
José Escolar Gil, donc, a une jolie camada cette année, et de manière plus générale, un superbe élevage de bravos. Dans la vallée du Tiétar, à trois bornes de la bourgade de Lanzahíta, tout est propre, bien rangé. A "Valdetiétar", la tôle grise n’est pas de mise, le 4x4 est tout neuf, le Fundi a la classe à cheval et les toros d’origine Albaserrada sont beaux et fins dans les lumières diaphanes qui traversent les humeurs de l’hiver. Un presque paradis taurin... Presque car il y a ces bouts de résine jaunie par l’attente comme autant de taches de sale sur la nappe bien dressée d’un deux étoiles un dimanche à la campagne. Cela n’empêche pas de bien manger, cela fait tache, c’est tout. Elles sont hideuses ces fundas. Pour autant, l’avenir est en marche et nous ne pourrons rien contre cette réalité du "risque zéro" qui prolifère insidieusement sur le campo. "C’est ainsi" diraient les vieux sages, la larme à l’œil. La seule chose que peut faire un simple aficionado, c’est s’interroger sur le bien-fondé de la pratique et surtout sur ses éventuels aboutissants.
Quand les fundas sont apparues (voilà à peu près 2 ou 3 ans), elles ont été présentées à l’Afición comme garantes de l’intégrité des cornes des taureaux de combat. Elles permettaient, soi-disant, d’éviter que ces toros ne s’abîment les pitones au campo. C’est connu, les toros ont cette "désagréable" tendance à se gratter les cornes dans le sol ou contre les arbres. Malgré leur dureté, il s’agit d’un attribut ultrasensible pour l’animal et qui subit les effets du temps et les attaques parasites. Il suffit de relire certains passages du Tío Pepe qui, arguant de cette autoposologie bovine, défendait Eduardo Miura Fernández quand celui-ci était accusé d’aféiter ses toros par certains "méchants" de la critique taurine. Il vous suffira également de feuilleter la fin du livre de Pierre Dupuy, Palha, l’alchimie de la bravoure, pour découvrir la photographie d’un Palha se frottant la corne contre un arbre, photographie légendée par ces mots : "Afeitado : un Palha en plein travail". Bref, il est avéré que les toros peuvent en effet dégrader quelque peu l’enveloppe externe de leur corne ou se faire des astillas. Et ces dommages naturels ont pu parfois être un prétexte pour écarter d’un lot de saca certains bichos. Mais y avait-il autant de dégâts pour que cela nécessite la pose d’une telle protection ? D’autres raisons rentrent évidemment en jeu, bien plus prégnantes celles-là. D’ailleurs, à ce sujet, sachons gré à José Escolar Gil d’avoir été des plus francs avec nous. Les fundas ne servent qu’à éviter que les toros ne se tuent entre eux (par cornada). A rien d’autre. Et c’est logique ! En effet, le ganadero castillan nous a expliqué que les fundas étaient posées pendant l’hiver au cours duquel le novillo devient toro, quelques mois avant la course. Dans le cas, par exemple, du lot de Céret qui sera combattu mi-juillet, les fundas ont été appliquées fin décembre, début janvier. Les astados vont donc achever leur croissance physique (et morale...) affublés de ces protections. Elles seront ôtées, toujours selon l’éleveur, à peu près quinze jours avant la course. D’après lui, c’est le temps nécessaire pour que le toro se remette pleinement de l’opération contraignante que représente le retrait de ces fundas. Cet acte suppose une anesthésie pour la bête et une contention dans un cajón bien peu naturelles. Alors, si la corne a bien été protégée pendant au moins six mois, qu’en est-il pendant les quinze derniers jours ? Ne peut-on pas imaginer que le toro puisse s’abîmer cette corne dans les deux semaines de retour à la normale ? Cela est d’autant plus plausible que c’est dans ce laps de temps qu’il a à subir un embarquement, un débarquement et une phase d’adaptation au séjour dans les corrales. Autant de manipulations que craignent les professionnels au regard des possibilités (grandes) que la bête ne s’esquinte. Et puis ça tape un toro normalement, ça n’hésite pas ! Raisonnement de casse-c... me direz-vous car il existe cette ultime manipulation géniale qui blanchit plus blanc que blanc, l’arreglado. L’arreglado (notion sous laquelle il semble que l’on mette beaucoup de pratiques différentes et qu’il serait bon de surveiller de plus près), qui s’institutionnalise depuis quelques années, est là pour corriger le tir... Alléluia !
La thèse initiale de la protection de l’intégrité des cornes apparaît ainsi comme une supercherie dont l’objectif implicite serait de rassurer l’aficionado un tant soit peu suspicieux devant tant de contraintes imposées à l’animal naturellement peu enclin à être traité comme un toutou à sa mémère. A quand la mise en pli d’avant course, le brushing de star, la manucure des sabots ? La funda n’a qu’une utilité bien réelle : éviter qu’en se bastonnant (ils adorent ça ces cons de toros...), les toros ne se donnent des cornadas mortelles. La raison de leur existence est donc purement économique et n’a de sens que pour le ganadero. Et c’est une raison parfaitement compréhensible. José Escolar Gil « sauve » chaque année un lot de toros des aléas habituels d’une ganadería. Les 6 ou 7 pertes qu’il comptabilisait autrefois ne sont aujourd’hui qu’un souvenir lointain ; il peut vendre un lot de plus ! L’argument comptable dans une entreprise commerciale, fut-elle originale, ne peut être nié ou critiqué. Un ganadero est là aussi et surtout pour vendre ses animaux et beaucoup de moyens sont bons pour y arriver. Au moins José Escolar Gil a-t-il eu l’afición nécessaire pour ne pas sacrifier le sang Albaserrada de son élevage au profit, comme tant d’autres l’ont fait avec d’autres encastes (Coquilla, Veragua, Saltillo...), des très « lucratifs » avortons de Domecq. Néanmoins, et en intégrant ce fait économique difficilement critiquable, l’on peut se demander si cette utilisation des fundas ne va pas creuser un peu plus le fossé entre les ganaderos "d’en haut" et ceux "d’en bas". Le maniement régulier des toros implique une main d’œuvre et des moyens que beaucoup de ganaderías ne peuvent se permettre. Il en sera des fundas comme des maladies qui frappent le campo, seuls les plus forts en tireront profit, vendant plus encore (et si c’est du Domecq encore plus que plus), offrant les "garanties" que les autres ne pourront jamais présenter malgré leur afición. "C'est ainsi" diraient les vieux sages, la larme à l’œil.
Et puis, il y a le côté technique du sujet. Mettre des fundas, on imagine à peu près. Mais les enlever ? Comment enlever facilement une boule de résine collée à une corne ? A cette question innocente, José Escolar a répondu par une grimace. Non une grimace de refus de répondre mais une grimace mimant les efforts que cela demandait d’ôter une funda. Il a expliqué le plus naturellement du monde que c’était très difficile d’enlever une funda, qu’il fallait utiliser un couteau et qu’il convenait de gratter fort... Personne n’a bronché dans la voiture, le bruit de la pluie a suffi. Il est là le souci, ailleurs aussi mais surtout là. Malgré toute la bonne volonté qu’ils mettent à élever leurs toros, ces ganaderos capotés ne pourront empêcher d’imaginer que le maniement répété des toros peut multiplier les occasions, pour certains, d’être tentés de gratter, gratter, gratter... Et quand on gratte trop, ça saigne...
Les "toros con fundas" ont l’air con. Mais vraiment con... Et personnellement, mais ça n’engage que moi, s’il y a un qualificatif que jamais je n’aurais eu l’idée d’appliquer à un taureau de combat, c’est bien celui-là. Et pourtant, oui, ils ont l’air con. Et ils n’y sont pour rien, eux, qui atteignent l’âge adulte avec un gros bout de résine sur leur fierté bafouée. Je me demande si leurs réflexes sont les mêmes après ça, si l’appréciation des distances... mais je m’égare, quoique...
Alors, comme ils ont l’air con les pôvres, nous avons décidé d’en rire et d’inaugurer avec les Escolar Gil sous fundas une série de dessins humoristiques signés El Batacazo. La série, comme vous le constaterez s’intitule "Rire & tampons !" et nous sommes au "regret" de vous dire qu’elle risque de durer...
>>> Retrouvez les galeries (camada 2008 et vaches) de la ganadería de José Escolar Gil sur www.camposyruedos.com & la fiche technique et historique de l'élevage sur Terre de toros.
Photographie Toro de José Escolar Gil con fundas, février 2008 © Camposyruedos Dessin © Jérôme 'El Batacazo' Pradet
16 mars 2008
"Même les clébards..." Campos de Castilla (III)

Si vous allez traîner votre carcasse du côté de Ciempozuelos dans le proche sud de Madrid, c’est que vous devez aimer les taureaux de combat ou tout simplement que vous désirez vous rendre à Chinchón et, dans ce cas, vous n’avez que faire de Ciempozuelos... C’est logique. Il n’y a pas grand-chose à visiter ou à voir à Ciempozuelos, pas même un petit paysage sympa au détour d’une colline... Faut aimer les toros pour aller à Ciempozuelos ou simplement vouloir se rendre à Chinchón et, dans ce cas, vous n’avez que faire de Ciempozuelos, c’est logique.
C’était écrit sur le portail d’entrée de la finca. Les chiens sont dangereux, parfaitement énervés. De derrière le mur blanc, on se sent protégé, loin des crocs. Erreur, ces chiens-là ont l’air pec et objectivement fumés du bulbe. Ils le sont. Quand le portail s’est ouvert, courageux, nous sommes restés dans la voiture comme sur une île verte encerclée de squales bleus à la diète depuis trois mois. Nous venions voir des toros gris...
Elle nous a juste dit qu’ils étaient « fous » mais pas dangereux, que nous pouvions descendre du coche. J’ai regardé les autres, rapidement, comme un voleur... avouons-le, je voulais qu’ils descendent avant moi ; pas tous, seulement un pour faire diversion... On a dû les faire rire tous ces gens de "Soto Gutiérrez" parce que, finalement, ils n’étaient pas si terribles que ça ces cabots sans pedigree. On les a même caressés, du bout des doigts seulement, au cas où et pour l’odeur...
Il y a un chemin de terre qui court devant la placita de "Soto Gutiérrez" et qui part vers nulle part, plus loin. C’est bucolique, l’herbe colore la terre et des chats noir et blanc sautent au pied de grands arbres. Derrière le mur blanc, lentement les crocs deviennent ombres aigues sur le sol gris. Malgré le vent léger, l’herbe du chemin beige a cessé de tanguer. Le portail va s’ouvrir, un chat noir et blanc a oublié d’écouter le silence. Le petit chemin qui passe devant la finca est devenu ruedo ; un ruedo tout en long comme les ombres des crocs. On les a vus exploser, la langue calée sous le poitrail, les yeux rouges injectés de rage, les crocs traçaient des sillons, les griffes creusaient des cratères. L’herbe s’est cachée sous la terre, les arbres ont fermé leurs branches pour ne pas voir, les piafs, s’ils avaient eu des mains, se seraient bouché les oreilles pour ne pas entendre. Ça allait saigner, sin puntilla ! Le portail était ouvert, Serafín allait nous montrait les toros gris, un chat allait se faire déchirer grave par des chiens sévèrement toqués. Devant nous, à deux mètres peut-être, il a couru plus vite que ses courtes pattes ne pouvaient le porter, c’est un trou de souris qui l’a sauvé et un coup de rein muy torero pour esquiver l’embestida furieuse des cabots aux longs crocs. Nous venions voir des toros gris... Si vous allez un jour traîner du côté de Ciempozuelos, ne vous focalisez pas sur les toros gris au bord du chemin beige ; écoutez le silence, il annonce bruyamment qu’en ce lieu vivent des êtres fous, fumés du bulbe et qui chargent tout ce qui bouge...
Nous avons finalement vu les toros gris, lentement, comme dans un apaisement. Ils sont beaux, ils ont des cornes longues et effilées, ils en imposent, c’est certain. D’après les livres généalogiques, les Hernández Pla descendent des Buendía, c’est-à-dire des Santa Coloma croisés de Saltillo et volontairement élevés en petit format par Monsieur Buendía. Chez les Pla, ce petit format n’est plus de mise et il semble que la sélection soit clairement dirigée vers le costaud et le très armé. Un lot d’ailleurs a été retenu par les organisateurs cérétans... Logique a-t-on envie d’écrire. Finalement, il y a très peu à dire de cet élevage d’Hernández Pla. C’est affreusement moche car à "Soto Gutiérrez", il semble que M. Ignacio Huelva ait surtout investi dans la tôle. Cette tôle hideuse qui sert à séparer les minuscules cercados pelés dans lesquels paraissent s’ennuyer d’énormes bestioles grises. C’est donc laid. Il y aurait juste à supputer sur le rajout de sang Saltillo dans cette ganadería tant certains spécimens s’approchent plus du type effilé des toros du Marquis que des rondeurs des Buendía. Seulement des hypothèses...
Pour le reste, il n’y a pas beaucoup à écrire sur tout cela. Le toro d’Hernández Pla est un toro à part entière, aujourd’hui clairement sorti du concept moyen du toro de Buendía. Ça paraît hors type à première vue. Mais y a-t-il réellement un type Santa Coloma-Buendía ? A l’affirmation que les Hernández Pla sont hors type car trop costauds et trop armés en comparaison avec les Buendía, certains pourraient nous répondre qu’après tout, avant la vente à Buendía (1932), ces toros étaient plus grands car c’est Buendía qui a eu la volonté de réduire le volume de ses bêtes. C’est vrai et tout à fait défendable. Cependant, et je relaye là une réflexion d’un de mes amis, ce qui est inquiétant dans le cas d'Hernández Pla, c’est qu’ils ont fait du gros avec du petit... et aujourd’hui, le toro d’Hernández Pla est loin des canons de ses origines Buendía. Pour autant, cela plaît à beaucoup et conviendra certainement à tous ceux qui se rendront à Céret en juillet... 6 balaises dans le type Hernández Pla mais hors du type Buendía.
Et en juillet, il ne serait pas étonnant d’entendre des chats noir et blanc miauler sur l’herbe jaune du chemin qui passe devant le mur tout blanc...

>>> Retrouvez les photographies des Hernández Pla (dont ceux de Céret) sur le site à la rubrique CAMPOS.
Photographies Pelea de deux toros d'Hernández Pla à "Soto Gutiérrez", février 2008 & un des monstres atigrados de "Soto Gutiérrez" © Camposyruedos
21 février 2008
"Aleas, ni los veas"… Campos de Castilla (II)

Et pourtant, nous allions au devant de l’un de ces après-midis commencés de façon anodine et qui se transforment, sans que l’on s’en rende vraiment compte dans l’instant, trop accaparés par un présent intense et profond, en une histoire marquée au fer rouge, de celles dans le délice desquelles on peut replonger tout à loisir, une fois le recul suffisant acquis.
Lui, la gora de tweed vissée sur le cap, bottes d’équitation cirées de près, cinglé dans un pardessus que ne renierait pas un lord anglais à feue la chasse au renard ; elle, les traits fins, les yeux bleus, les cheveux délicatement retenus en arrière, vêtue d’une tenue à mi-chemin entre le vestido campero de bon aloi et l’habit de week-end de la gentry « OxBridge ». Rien là de désagréable, bien sûr, bien sûr. Seulement voilà, lorsque l’on vient de parcourir un nombre de kilomètres dont on a perdu depuis longtemps le compte, à la recherche d’élevages oubliés aux origines certes prestigieuses mais considérées aujourd’hui comme rustiques, il y a de quoi être surpris. Et pourtant...
Et pourtant, avec sa dégaine de madrilène upper class de passage sur ses terres avant le retour dans les bureaux feutrés d’un immeuble cossu que l’on croit pouvoir deviner, là, à quelques kilomètres à vol d’oiseau, il nous conduit, l’air enchanté, vers sont petit élevage composé d’une quarantaine de vaches de ventre. Des vaches donnant naissance à ces taureaux vazqueños dont la seule origine suffit à faire fuir les novilleros les plus modestes. Car notre éleveur, malgré les apparences décidément trompeuses, n’a pas le profil du señorito qui a voulu s’offrir sa danseuse, comme d’autres, vivant à Paris, se payeraient un haras. Non, c’est bien un homme du campo qui nous reçoit, et il suffit pour s’en convaincre de quelques paroles échangées, d’un peu de confiance mutuelle gagnée.
Aurelio Hernando ne vit pas de l’élevage de ses taureaux de combat. Il possède et dirige un centre d’équitation à Soto del Real, fait commerce d’étalons, et ne semble pas avoir à se plaindre de son activité. Il ne s’en plaint pas d’ailleurs. Seulement voilà, au lieu de se contenter de cette passion dévorante, il a fallu qu’il en contracte une autre. Aurelio Hernando est aficionado, aime passionnément l’élevage et le campo, et dispose de quelques liquidités. C’est donc tout naturellement, et néanmoins en toute irrationalité, qu’il décide d’élever ces jaboneros dont personne ne veut plus, et ce depuis belle lurette quand il se lance dans l’aventure. Mais Aurelio s’en fout ; c’est la passion qui le guide. Et passion et raison... Bref, il s’en fout. Et pourtant...
Et pourtant, il verrait bien ses Veragua fouler le sable de toutes les plazas, et ne snoberait pas celles d’outre-monts. C’est la première fois que des Français (autant dire des extraterrestres) lui rendaient visite. Alors, face au spectacle fascinant de ses taureaux blancs, il nous conte les heurs de son trésor historique, faits davantage de tentaderos encourageants que de lidias intégrales dans la glorieuse plaza de toros. Mais la ganadería est récente, et tous les espoirs sont donc encore permis malgré le caractère pour le moins hasardeux du pari. Aurelio Hernando fait sa présentation en 2004, à Soto del Real, à l’occasion d’une novillada sans picadors ; en 2007, on coupe la queue de l’un de ses protégés. Aurelio veut y croire. La simple contemplation de ses estampes, le matin, avant de rejoindre le centre équestre, pourrait suffire à son bonheur. Mais tout de même, quand on élève des toros, et que l’on croit deviner en eux la bravoure et la puissance qui font les grands tercios de piques, comment ne pas espérer ? Comment ne pas vouloir y croire ? Et pourtant...
Et pourtant, une fois passée l’exaltation de la découverte, une fois bues avec délectation les paroles du ganadero, une fois imaginés en rêve les combats épiques que ces torrents de caste pourraient, peut-être, déverser dans le ruedo, il faut revenir à la triste et morne réalité. Nous ne verrons sans doute jamais s’élancer fièrement face à la cavalerie les trésors que Don Hernando et sa jolie épouse couvent encore de leurs yeux, rieurs et plein d’espoir, au moment où nous les quittons. Malgré les promesses que leur gardien nous répète comme une litanie sans fin, ses taureaux et les chevaux, Aurelio pourra continuer de les admirer, mais peut-être pas tout de suite dans leur rencontre. A moins que...
A moins qu’un organisateur un peu romantique, dont la passion dépasserait pour une fois la raison, décide de les faire se rejoindre dans ses arènes. Pour que les taureaux d’Aurelio Hernando ne soient pas seulement ces images presque irréelles que seuls quelques aficionados un peu fous peuvent admirer dans la placidité champêtre d’un cercado castillan, avant qu’ils n’aillent finir leur vie « al matadero ». Abandonnés là, morts, froids et roides, dans l’ombre sordide et anonyme.
Avant de reprendre la route de Castille, nous jetons un dernier coup d’œil en direction de la placita de tienta, celle-là même qu’avait érigée José Aleas, à une autre époque, dans un autre monde. « Aleas, ni los veas ».
Ne jamais oublier, l’odeur des endroits où nous irons.
>>> Retrouvez les galeries de photos consacrées à l’élevage d’Aurelio Hernando sur Campos y Ruedos & la fiche de l’élevage sur Terre de toros.
14 février 2008
"Sugar baby"... Campos de Castilla (I)
Il a goûté de tout mais du bout des papilles, seulement, comme de loin.
-"Allez-y, resservez-vous" lui a-t-on dit, voyant qu'il apréciait ce qui s'offrait sur cette table de plaisirs simples plantée à deux pas de l'embarcadero. Il nous a confié être diabétique, qu'il devait faire attention même s'il adorait ce que nous avions apporté. Il aimait, il ne pouvait pas.
Clin d'oeil ou masochisme, Javier Gallego García élève des toros sucre de canne. Et l'Afición, diabétique à ses heures, en use avec parcimonie, du bout des papilles, seulement, comme de loin. Ça colle le diabète ces vieux machins de Veragua et les taurinos, après la chuleta d'un kilomètre "que viene con patatas" et le Bacardi-Limón, n'ont pas besoin de ça, en plus.
Juan Pedro Domecq de Villavicencio, délicatement, très délicatement, en déposa de fines gouttelettes dans son café La Corte puis détourna le ruisseau loin de lui comme effrayé d'une peste assassine pour un sang "bleu" aujourd'hui vendu "sin azúcar". Putain d'aspartame !
Le papy de Javier Gallego, Enrique García González, aimait le sucre et méprisait ses artères. Un suicidé au long cours pour ainsi dire. Quoique, acheter du Veragua de José Enrique Calderón via le Duc de Gandía y Osuna en 1951 n'avait pas un caractère aussi désespéré qu'il n'y paraît actuellement. Les toros jaboneros, petit-fillots de ceux de la lignée des Cristobal Colón, étaient encore des friandises pour certaines figuras qui s'en remuaient les globules rouges de devoir affronter ce sucre en cannes.
Javier Gallego, sérieux provocateur, a tout gardé du papy, instinct de survie et surtout d'afición. Il en faut un montón par litre de sang pour tenter de conserver en pureza le bétail de la casa. A croire qu'en lui se joue un combat gigantesque entre afición et glucose pour sauver ses toros sucre de canne. Tant qu'il sera en vie, eux seront là et le campo de Colmenar Viejo abritera de ses rocailles rondes et grises les cousins des musculeux Prieto. Javier Gallego était sûr de lui, aussi sûr qu'il savait qu'il ne reprendrait pas de rillettes. Nous l'avons cru, ses enfants également semblaient le croire...
En quittant l'anodin chemin de terre qui mène à la finca, on prend à gauche vers Soto del Real. Immédiatement sur la droite surgissent, peut-être du passé, les formes lourdes et anguleuses de chars d'assaut de l'armée espagnole. Ils sont exposés là, dans ce cimetière de ferraille bruyante, et, autour, pousse la vie d'une laide urbanización dans laquelle même des murs coulent les larmes de la monotonie d'une époque. Dans le creux des collines, deux traits noirs se débattent dans les volutes rosées d'un ciel urbain... Madrid est là, après, déjà ici.
Mais tant qu'il sera en vie, eux seront là, aussi... Il nous l'a dit.
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