22 février 2008

Le Vent d'Arles souffle sur Valparaiso


Les premiers échos de la sonorité fabuleuse du nom de Valparaiso remontent à un poème de Maurice Carême appris à l'école primaire, depuis lors, ce port résonne pour moi comme le symbole absolu du romantisme pour le voyageur. Etape cap-hornière, porte des mers du Sud rugissantes et hurlantes, Valparaiso évoque les collines, les arbres tropicaux, l'aventure de ses lieux interlopes et la rage d'y voir le soleil sombrer dans l'océan chaque jour perdu à n'avoir pas pris la mer. Ni Palos ni Moguer, pour moi Valparaiso doit certainement être le port des "Conquérants" "ivres d'un rêve héroïque et brutal" de Heredia :

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré

J'imagine aussi qu'arrivant harassé et forcément déçu d'être enfin parvenu à ce bout du monde, Valparaiso devient théâtre du "Port" du "Spleen de Paris"...

Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir.

Mais foin de Baudelaire qui ne croisa qu'en océans Atlantique et Indien ou du Cuba de Heredia, Valparaiso est en fait la ville de Pablo Neruda et n'a pas dû accueillir de corrida depuis quelques lustres. Cependant, la ville célèbre les "toros" jusqu'au 3 mars au moyen d'une curieuse ellipse...

En 1960, la maison d'éditions "Le Vent d'Arles" publia le fruit d'une rencontre qu'elle avait intiée entre Picasso et le poète chilien Pablo Neruda autour du thème du toro. Comme une évidence, la série de 15 estampes, accompagnée d'un long poème de Neruda, sortit sous le titre de Toros. 500 + 20 exemplaires de ce recueil furent dispersés et, aujourd'hui, je dois avouer avoir toute les peines du monde à trouver une transcription des vers de Neruda en version originale. Je ne suis parvenu qu'à trouver la traduction en français par Jean Marcenac qui faisait aussi partie de l'ouvrage.
La Fondation Neruda et la Fondation Itaù, par l'intermédiaire de Manuel Basoalto, entreprirent de retrouver un exemplaire du recueil et après de longues recherches (4 ans !) en Europe, finirent par trouver le graal à... Santiago du Chili chez un collectionneur. Les différents articles trouvés sur le Net ne tarissent pas d'éloges sur la qualité du travail de reproduction, utilisant les mêmes techniques et les mêmes matériaux (coton importé d'Europe) que pour la première édition de 1960. Une exposition vient compléter ce travail minutieux et offrir au public chilien ces lithographies taurines... et la planète taurine s'élargit un peu l'espace de quelques jours.

Et les vents alizés inclinaient leurs antennes aux bords mystérieux du monde
occidental
- Heredia

Et le "Vent d'Arles" vers le Chili !

Hasta el 2 de Marzo, de martes a domingo de 10:30 a 18:50 horas
Centro Cultural La Sebastiana
Ferrari, 692
Valparaiso

La traduction du poème par Jean Marcenac + photos des lithographies. Article sur l'exposition par la Fondation Neruda & la photo de Valparaiso est tirée du blog de mon excellent ami Vincent Mouren.