03 juin 2011

Rendre à César


Réaction d'El Batacazo à un article de Christian Seguin paru dans le quotidien Sud Ouest. A lire ici.

Au fond, j'aurais pu m'en foutre, après tout. Jolie plume et verbe alerte, j'ai même trouvé ça plutôt bien, en fait... et intéressant, aussi. C'est un texte beau, et si l'on devait faire mon éloge, j'apprécierais qu'on le fasse avec l'élégance de Christian Seguin. D'évidence, il fait beau dans la tête d'André Viard, ce matin. Alors oui, c'est vrai, j'aurais pu m'en foutre. Un hommage à André Viard, sa vie, son oeuvre, quand c'est écrit comme ça, ça serait presque du plaisir, mais voilà, alors que j'aurais pu m'en foutre, j'ai décidé de ne pas m'en foutre.

Il faut du talent pour être André Viard. Artiste, écrivain, orateur, philosophe, torero, boxeur, rugbyman, beau gosse, père aimant et assurément amant hors normes, le tout ficelé dans 1m70 ou 75 de barbaque, je n'en connais pas d'autre. De tout cela, Christian Seguin en parle merveilleusement dans son hymne à la mauvaise foi, pour mieux souligner le panache que met le Boucalais à la toison d'argent à mettre le nez là où Mamouka Gorgodze ne mettrait pas son 52 cramponné 18 de colosse caucasien, car cela ne peut plus échapper à personne, André Viard est sur tous les fronts, parce qu'André Viard est de tous les combats. « Incontournable », disait Seguin... assurément. Fin de l'article. L'émotion, la douce clarinette et les sanglots.
Retour sur terre. Ici, les gens sont normaux, la vie banale et, parfois même, notre voisin de palier s'appelle Gérard. Les guerriers sont silencieux : banquiers, facteurs, profs ou chômeurs, mais pas de héros dans les placards. Les luttes se font dans l'ombre, sur la Toile ou tôt les matins chez "Ramountcho", dans les plazas de bois du nord des Landes, ou au bord du Gave, et, dans cet hymne au toro sans gloire ni fortune, il n'y a pas d'« incontournable ». Et pourtant, pourtant, combien de douloureuses campagnes menées par de solides capitaines, vaillants lieutenants et braves soldats. Loin, très loin des salons cossus de la Real Maestranza, et rarement sur le papier glacé au grammage lisse d'opus quelconque, l'on aura ô combien palabré goulûment sur le sort du taureau de combat faible et décasté, dont le potentiel glissait dangereusement sur le seul 3ème tiers, sur celui, aussi inquiétant, de ces encastes peu reluisants d'avoir si peu aidés au triomphe virevoltant, sur l'arrivée de ces fundas grotesques gerbées par les aficionados mais aimées des ganaderos qui, nous le savons désormais, sont parfois les mêmes !...
Pourtant, que tout cela fût drôle et dérisoire en son temps, quand les filles étaient belles et que la foule chantait son bonheur des dimanches ensoleillés, en moquant au passage tous ces farfelus casse-couilles que l'on nommait « ayatollahs » d'avoir trop brisé les élans enthousiastes de ce nouveau peuple du toro acquis à la « modernitude » des terres taurines. Victoriano del Río était alors un « génie visionnaire », la pique andalouse allait nous remettre le toro sur pattes, et nous, pauvre de nous !, étions de tristes cons incultes n'ayant foi que dans le démesurément grand, démesurément pointu, démesurément sanglant, le démesurément intoréable, et on ne bandait alors que pour ça.
Où vais-je en venir ? Oh, pas bien loin, en vérité... Juste besoin de redresser un peu le viseur, histoire de rendre aux vaillants petits soldats sans prétention de feue l'ANDA, de Toros, de l'ADAC, de Parentis, d'Orthez, de tant d'autres encore, et oserais-je le dire, vos serviteurs « cyriens », ce qui n'appartient à André Viard que depuis 3 pauvres lunes... Et si l'envie vous venait, cher Monsieur Seguin, de gratter le vernis avec sérieux, vous apprendriez que ces combats fraîchement labellisés « André Viard », ne se menaient jusque-là pas avec des « incontournables », mais de préférence avec des « indispensables ».