Dans le n° 1795 (2 février 2007) de la revue Toros, Richard Roigt présentait un ouvrage espagnol resté à ce jour introuvable dans nos librairies françaises et le qualifiait même de "livre extraordinaire". La lecture de ces quelques 300 pages illustrées de dessins est passionnante, indispensable même pour tous ceux qui veulent comprendre ce qu’est un toro de combat. Ce livre est publié par l’Ilustre Colegio Oficial de Veterinarios de Valladolid et sa réalisation a été confiée à Luis Alberto Calvo Sáez. Sans vouloir plagier la relation qu’en fait M. Roigt dans Toros, je ne peux qu’aller dans son sens sur tous les points qu’il évoque dans son article. Il s’agit en effet d’un livre intelligent, extrêmement réfléchi et surtout, vertu essentielle à mon goût, particulièrement pédagogique.
En début d’ouvrage, on retrouve, classiquement, des dessins représentant les différentes robes des toros de combat ainsi que les diverses "encornaduras" possibles. M. Calvo Sáez n’a pas oublié de mentionner les cas de cornes défectueuses, telles les astillées ou escobillées, en spécifiant pour ces dernières que "este defecto de sustancia es bastante improbable que se produzca si no esta previamente lesionada la punta del pitón".
La suite du livre est moins courante car le vétérinaire dessinateur présente avec force détails la musculature générale et détaillée des toros. Chaque partie du corps fait l’objet d’une planche, chaque muscle ainsi que chaque organe essentiel est peint avec précision. Pour autant, malgré cette exhaustivité toute scientifique, les légendes qui accompagnent chaque dessin sont extrêmement claires et simples, à la portée de toute personne non spécialiste en biologie animale.
La partie centrale de ce trésor est consacrée aux différents encastes modernes et chaque toro type est peint et légendé, simplement, lumineusement. Je ne peux que reprendre le commentaire de Richard Roigt quand il écrit que "les arbres généalogiques ne sont pas pour autant oubliés, mais, là encore, L.A. Calvo Sáez bouscule les stéréotypes en simplifiant au maximum les dérivations jusqu’à obtenir un canevas lisible et facilement mémorisable, ou en les agrémentant des portraits des principaux ganaderos". Pour qui veut comprendre à quoi ressemble un Saltillo, un Lisardo Sánchez ou un Contreras, il convient d’ouvrir ce livre d’urgence. A propos de la série sur les encastes, j’ajouterai cependant un léger bémol (très léger) sur le choix de certains toros type. Ainsi, le représentant peint de l’encaste Gamero Cívico est clairement marqué Samuel Flores avec un frontal très développé et cornalón. Samuel Flores élève un Gamero Cívico géant et très agressif de tête qui s’éloigne du Gamero Cívico "originel" encore élevé par Clairac, par exemple, et qui présente des défenses beaucoup plus civilisées. Il en est de même avec le Pablo Romero car le bicho choisi est également un cornalón corniabierto, cas présent dans l’élevage mais qui ne représente pas la "moyenne" caractéristique de la ganadería plutôt marquée par des pitones de formes arrondies et légèrement rentrantes. Ce ne sont que des détails qui sont vite oubliés au regard des commentaires passionnants qui légendent la morphologie remarquablement peinte de ces encastes.
La fin du livre s’intéresse aux divers tiers de la lidia et aux lésions que ceux-ci peuvent occasionner sur le physique du toro. C’est la partie la plus courte et c’est pourtant celle qui suscite les interrogations les plus fondamentales. Saluons le militantisme du vétérinaire qui donne une place centrale au tercio de varas et qui ose même intituler une planche "Justificación de la suerte de varas" ! Au regard des dessins de cette ultime partie, le lecteur ne peut que se poser des questions sur l’évolution néfaste que subit la lidia des toros dans l’actualité. Les lésions décrites imposent un réflexion sur la manière de lidier un toro dans une arène mais aussi sur les critères de sélection de certains ganaderos. La pédagogie est aussi là, dans cette capacité à susciter un questionnement ainsi que les prémices d’un raisonnement.
En parcourant ces pages et ces dessins, vous aurez envie d’en savoir plus, de vous documenter encore et de comprendre mieux. L’afición est là aussi ! Je vous invite dans ce cas à parcourir les dernières fiches concoctées par le site Terre de toros, fiches concernant l’encaste Coquilla encore assez bien préservé dans les élevages de Sánchez-Fabrés et de Coquilla de Sánchez-Arjona... mais pour combien de temps... Vous trouverez, associés à ces fiches, des dessins de Charlie Couralet représentant les caractéristiques de ces encastes. Comme pour le livre Escuela gráfica del toro de lidia, l’esprit est le même, dominé par l’amour du toro et de sa diversité.
Bonnes lectures !
Escuela gráfica del toro de lidia, Luis Alberto Calvo Sáez, Ilustre Colegio Oficial de Veterinarios de Valladolid, 2005 (50 euros). Valladolid@colvet.es : adresse électronique de l'Ilustre Colegio Oficial de Veterinarios de Valladolid.