23 juin 2007

Il faut sauver les crevettes espagnoles...

Aficionadas, aficionados,
On vous a menti !
Vous êtes les victimes d’un complot obscur et tentaculaire, clairement fomenté par le gouvernement espagnol, les syndicats de pêche et de restauration espagnols ainsi que par une partie de ce mundillo de bedaines bien rondes chez qui le coup de fourchette fait plus d’effet qu’une verónica de Morante de la Puebla sur un chroniqueur taurin français bien connu, c’est dire.
On vous a menti !
J’imagine que ces mots sont difficiles à lire à cette heure d’euphorie collective entamée le 17 juin 2007 sous les regards des gros lézards multicolores du parc Güell à Barcelona. José Tomás ne revient pas pour toréer ou pour caresser de son hallucinante main gauche une afición en pleine déprime. Cela est faux, complètement et définitivement faux.
José Tomás revient pour sauver l’industrie de la pêche et des fruits de mer espagnols ! Et oui, elle est là la vérité. Vous êtes les "pôvres" larrons d’enjeux économiques capitaux pour l’Espagne. En observant de près les méandres actuels de l’économie espagnole, il n’a échappé à personne, j’en suis persuadé, que les ventes de mariscos y pescados subissent en ce moment une crise effroyable. La pollution industrielle ou agricole, la concurrence de pays émergents, le pipi des mamies allemandes dans le bleu de l’eau calme, le vomi des jeunes anglo-saxons au sortir de sombres clubs de débauches ont mis en péril la production de moules, coques, palourdes, dorades, sardines, crevettes et pulpos qui faisaient en tapas (et font toujours mais pour combien de temps encore ?) la fête des papilles et qui donnaient à ces millions de paellas sortis des gigantesques murs de laideur de la côte méditerranéenne un aspect presque normal. La crise est là donc et le gouvernement espagnol, évidemment très inquiet à l’aube du grand rush des tatanes et parasols de juillet-août, a préféré prendre les devants et tenter, avec la beauté du désespoir, il faut en convenir, de relancer la consommation. Pour cela, il a fait appel à Monsieur José Tomás Román, l’anachorète hiératique de Galapagar, que l’Afición jamais n’avait oublié. Après moult hésitations, le reclus volontaire a accepté cette mission tel un nouveau messie des ruedos. Vous comprenez maintenant pour quelle raison vous ne verrez pas José Tomás à Madrid, à Saragosse, à Bilbao (quoique là il aurait pu faire un effort car l’océan n’est pas loin) à Séville ou à Pamplona. Ce choix de ne pas se présenter dans les grandes plazas de catégorie n’est aucunement imputable au maestro. Les lieux de son retour ont été dictés par cette impérieuse nécessité de sauver les crevettes ( et les autres bestioles sorties de l’eau). Ainsi, José Tomás se produira tout au long de l’été à Alicante, Algeciras, Pontevedra, El Puerto de Santa María, San Sebastián, Málaga, Almería, Murcia et Barcelona pour finir. Selon des sources proches du milieu syndical de la crevette espagnole, cette annonce de la tournée du "beach boy" des ruedos a redonné une certaine confiance au secteur et les éphémérides estivales concernant oursins et autres pieuvres s’annoncent sous les meilleurs auspices. Le gouvernement compte sur l’effet attractif de la star et sur le scoop de son retour pour attirer à la fois les férus de fruits de mer mais aussi, ça ne fera pas de mal aux caisses, les zozos de toros ; les deux pouvant bien-sûr se combiner. Certains malotrus ont sous-entendu que le Señor Tomás avaient délibérément choisi ces arènes pour limiter les risques d’échec de sa réapparition. Il paraîtrait que les toros n’y sont pas présentés aussi bien qu’à Pamplona ou à Madrid et que le choix des ganaderías serait plus volontiers dicté par des critères triomphalistes que sérieux et aficionados. Personnellement, je n’ose croire cette version car tout de même, aficionadas, aficionados, n’est-ce pas à Murcia que l’on grâcie des toros chaque été, n’est-ce pas dans ces arènes du sud du Sud de la vieille Europe que des génies comme Javier Conde transcendent l’art tauromachique ? Je vous le demande ! Je crois que cette polémique n’a pas lieu d’être, et, de toute façon, ce qui importe est bien que José draine un maximum de fidèles aux arènes et dans les restaurants côtiers pour redonner espoir aux crevettes espagnoles. Les toros... C’est secondaire finalement !
Certains petits malins auront remarqué tout de même que cette tournée du retour passe aussi par des terres plus continentales comme le sont Burgos, Ávila, Salamanca, Palencia et Linares (hommage à l'autre "triste figure"). Je les entends déjà me dire que ce n’est pas en ces lieux que se joue l’avenir de la crevette espagnole et je serai d’accord avec eux, c’est évident. Selon des sources proches de l’élu et toutes concordantes, il semblerait que le ténébreux ermite se soit pris d’une passion soudaine pour le boudin. Là-bas, on appelle ça la morcilla et il est de notoriété publique que les meilleures morcillas viennent de la région localisée entre Burgos et Salamanque. Pourtant vivement freiné par ses plus proches amis (encore nos sources sûres et concordantes), le maestro serait devenu une sorte de serial killer de la morcilla, jamais rassasié, toujours en manque de boudin. On comprend que le fort battage médiatique entourant son come-back taise ce genre d’information mais c’est dans cette boulimie de cochonnailles qu’il faut trouver la raison de son passage dans ces importantissimes arènes de Castilla y León. Dans le contrat de sauvegarde de la crevette qui le lie aujourd’hui au gouvernement espagnol, José Tomás a imposé ces localités terriennes malgré les pressions de son entourage et des syndicats de producteurs de figues de Carmonita (Extrémadure) qui poussaient pour recevoir la star et redonner ainsi un élan économique à un produit tombant lentement dans l’oubli.
Enfin, et nous allons rentrer là dans un domaine beaucoup plus taurin, le gouvernement espagnol ne s’est pas opposé à sa venue en France ; venue que José tenait à honorer pour des raisons de gloriole personnelle et de défi lancé à soi-même. En effet, ses seules apparitions en terres gauloises se feront à Dax en août et à Nîmes en septembre. Il faut comprendre ce choix à l’aune de raisons politiques et tauromachiques.
Il est aisé de saisir que le gouvernement espagnol a vu dans l’éventualité de sa présence à Dax l’opportunité de se rapprocher un peu plus du nouveau gouvernement français car il est connu de tous les aficionados que la nouvelle ministre de la jeunesse et des sports, Madame Roselyne Bachelot (surnommée à cause de ses tuniques roses « le Mon Chérie » dans les arcanes du monde politique), honore de sa présence les spectacles dacquois, comme d'ailleurs son 1er Ministre, M. Fillon (surnommé, à cause de sa mèche bien droite, « le Sillon de la Sarthe »). Dans le cas de Nîmes, c’est José lui seul qui a tenu à toréer dans la cité romaine. Cette décision était de toute façon évidente et c’est d’ailleurs la seule tauromachique de tout son road-movie. Nîmes est la capitale du monde des toros, de l’univers, du cosmos. Nîmes, la Madrid française, la Mexico du Gard, la Séville en pierres antiques. C’est à Nîmes que le cours de la queue de toro est au plus haut, c’est à Nîmes que règne la CTEM la plus intransigeante de toute la terre (si ! de toute la terre !), c’est à Nîmes que trône le poète imprésario ancien animateur de télé Simon Casas. Nîmes est l’apogée de la tauromachie et de son génie ! José Tomás ne pouvait que venir à Nîmes, le seul lieu de la terre où toréer est un défi, une épopée antique, un combat contre... des crevettes.
La boucle est bouclée !