On la croyait éteinte, moribonde sa revue. Comme beaucoup d’autres. C’est dans l’air du temps.
En France, ce qu’il est convenu de nommer la "presse taurine" ou "presse spécialisée" subit les affres d’un mal qui semble irréductible - malheureusement a-t-on envie d’écrire.
La Toile dévore lentement mais sûrement les derniers papelards qui causent de corridas. Les sites d’information taurine se multiplient en même temps que les blogs connaissent une croissance exponentielle. Chacun s’exprime et pique un peu de place à ceux qui traditionnellement donnaient le "la" de la temporada. C’est ainsi, la rapidité, voire l’instantanéité, de l’un rend presque dérisoire la parution d’une revue quinze jours ou plus après une course. Les deux médias marchent sur un même terrain, l’un a tout simplement les jambes plus longues et chausse bien plus grand. Si l’on fait rapidement le compte, il ne reste que bien peu de revues dites tauromachiques en France ayant cette vocation de "reseñer" les courses et d’annoncer celles qui viendront. Plaza, Planète corridas, Le courrier de Céret, Semana Grande, Toros et Toros, sol y moscas, qui vient donc de renaître en ce mois de juin 2007 après 10 mois de coma. A y regarder de plus près, c’est le Sud-Ouest qui pâtit le plus de cette mort annoncée. Pendant 10 mois, notre région a été orpheline de toros sur papier glacé. Tendido (Mont-de-Marsan puis Dax) a, semble-t-il, rendu définitivement les armes alors que Toros, sol y moscas (Ahetze) paraissait s’asphyxier dans le silence. Ne restait que Semana Grande (Pau), petit feuillet jaune sale dont la vocation est la diffusion hebdomadaire d’une information large, quasi exhaustive même, pour partie empruntée à un gros site Internet espagnol mené par la casa Domecq, Mundotoro pour ne pas le citer. Le Sud-Ouest était donc orphelin, je le maintiens !
Oui, le Net est une des causes de cette disparition à pas comptés. Il est d’ailleurs aisé de comprendre qu’un accès gratuit (pas toujours cependant) à l’information, en temps réel, attire plus l’amateur que le fait de devoir sortir du portefeuille 4, 5 ou 6 euros pour obtenir une noticia semblant identique, et, donnée avec un inévitable retard. C’est humain et les temps ne concourent pas aux dépenses superflues ni surtout à la patience dans une société tout entière vouée au culte du vite, dans laquelle tout doit être facile à comprendre et bien-sûr à consommer. Le Net est donc plus facile d’approche et d’accroche et en ce qui concerne les "grands sites" d’information taurine, il suit assez bien la tendance actuelle du public de corridas, ne parlant de toros que de loin, vantant les mérites de la véronique de tel génie ou s’ingéniant souvent à ne promouvoir la tauromachie que sous l’aspect d’un spectacle où le triomphe est la règle et où l’émotion est sans cesse aux quatre coins du ruedo, un peu comme dans ces émissions à la mode pondues par la télévision dans lesquelles il faut pleurer, être ému et surtout ne pas se prendre la tête. Ça ne mange pas de pain, ça plaît aux visiteurs et tout le monde il est content.
Mais Internet a d’autres avantages et d’autres ressources qui demandent que l’on fouille, que l’on s’y perde, que l’on bataille. On lit chez quelques-uns que les blogs ne sont que de vulgaires objets d’amusement orchestrés par des types qui voudraient être à la place du vizir ou qui n’ont pas les connaissances techniques pour créer un vrai site digne de ce nom. Sans vouloir défendre une chapelle dans laquelle j’officie de temps en temps, j’ai le sentiment que certains blogs permettent aussi à de vrais aficionados de s’exprimer et de dire ce qu’est leur afición, comment il la vivent et comment ils la ressentent. De partager en somme ! Ça prend du temps, ça oblige à écrire, à réfléchir sur sa passion, à s’interroger. Ce n’est donc pas tant misérable que certains nullards voudraient le faire croire aux personnes qui visitent soi-disant leur "vrai" site Internet. De toute façon, il en est des blogs comme des sites et comme des revues. Il y a de tout, à chacun de faire son tri et à chacun aussi de remettre les choses à leur juste place. Comment en vouloir à un jeune aficionado mordu de toros de vouloir créer un petit espace dédié à sa passion ? Il ne fait de mal à personne et n’empêche personne de vivre. Je ne crois pas à cette thèse du danger (pour la vraie presse taurine - celle qui fait encore des critiques et qui traite de toros) des blogs taurins qui fleurissent actuellement. Même les meilleurs n’ont pas un écho suffisant pour espérer avoir un poids réel sur le public. Les blogs les plus sérieux tournent souvent en vase clos (il suffit de regarder les liens de certains blogs "toristas" espagnols). Leurs animateurs sont des passionnés défenseurs de la Fiesta et de toute façon certainement peu enclins à lire les revues spécialisées proposées sur le marché. Ce n’est pas ce lectorat qui manque aujourd’hui à la vraie presse taurine agonisante, ce lectorat écrit seulement ce qu’il voudrait lire et qu’il ne trouve quasiment nulle part tant les revues taurines version papier sont affligeantes de lieux communs, d’antiennes stéréotypées et d’odieuse sujétion. C’est peut-être là aussi que meurt la vraie presse taurine. Dans la concurrence d’autres revues se disant taurines et qui ont pour ligne de conduite un abandon volontaire de leur rôle critique, se muant de manière certaine en une série de titres placardant trois photos de la nouvelle star de la tauromachie (montée par eux au pinacle), deux textes de journalistes à la parole divine, qui multiplient leurs interventions comme Jésus les petits pains. Cette "presse taurine"-là, qui se nomme critique, vit aussi en vase clos dans lequel on retrouve toujours les mêmes donneurs de leçons ; ils sont souvent le dos collés à un mur de callejón. Ce vase clos a pourtant plus d’écho du fait même de cette omniprésence incessante de ces zozos que l’on relit dans la presse régionale, que l’on doit écouter dans les radios locales ou dans les tertulias modernes. Ce sont les "pointures" de la critique taurine qui ont abandonné bien de leurs convictions sur l’autel du copinage et de l’autosatisfaction matinée de mépris pour certains secteurs (trop exigeants) de l’afición. L’aficionado a los toros lambda est le dernier à lire la vraie presse taurine mais combien sont-ils en tout ces aficionados-là ? Bien peu il faut l’avouer. L’amateur lambda, celui qui va aux courses une fois par an pour voir à quoi ressemble une oreille de toro ou tout simplement pour passer un bon moment (et il a raison), ne lit pas cette presse car il s’en fout.
Et l’entre-deux, que lit-il ? Il lit l’autre, la soi-disant parole officielle qui est nulle et qui ne sert à rien, sauf peut-être à organiser des soirées de fin de temporada au cours desquelles on s’ébahit de remettre un prix à une star de l’escalafón pour la faena dont on "se souviendra dans 500 ans". Ils courent les férias et les cartelazos, se moquent de savoir d’où débarquent les toros en piste, viennent parce qu’ils ont lu sur le plus grand site Internet du monde et de l’univers que tel torero était énorme et qu’il allait triompher toute la saison si les toros ne l’en empêchaient pas. Salauds de toros ! Ils viennent aussi pour passer un bon moment (et ils ont raison) et parce que cela leur plaît... et c’est bien. Ce sont eux surtout qui lisent ces torchons sur papier glacé qui ne leur diront que ce qu’ils veulent entendre : les parfums débouchés par un génie gitan, la mort sin puntilla d’un toro collaborateur (oh le vilain mot), l’ambiance géniale de la féria, bref, que des choses sympas et qui disent que les toros vont bien et qu’ils ont vu un truc extra-ordinaire.
Elle vient de là, aussi, la mort de la vraie presse taurine et elle semble inéluctable tant le pendant Internet des nullités à la mode prend le même chemin.
Quand Tendido a disparu l’an dernier, j’ai été déçu et triste de ne plus pouvoir lire les éditos de Dubos. Quand Toros, sol y moscas a plongé dans le noir, j’ai été déçu et triste de ne plus pouvoir lire les textes de Régis. J’ai été déçu en allant chez le marchand de journaux de n’y voir que les survivants, Plaza, Planète corridas ; j’ai été déçu et triste car la tauromachie se vit aussi dans d’intelligentes et impertinentes lectures. Il ne restait plus que Toros, section Sud-Est. C’était bien maigre, vous en conviendrez. Il a fallu s’en contenter.
Aujourd’hui, je suis content de revoir Toros, sol y moscas collé aux fesses des autres. Merchan, on en pense ce qu’on veut, certains le haïssent, d’autres s’en moquent, mais il est là, il persiste, difficilement j’imagine, il continue sa petite aventure, de mots piquants et coups de gueule, il parle encore de toros, ça irrite beaucoup et c’est tant mieux comme ça. Le reste, on ne lit pas !
En France, ce qu’il est convenu de nommer la "presse taurine" ou "presse spécialisée" subit les affres d’un mal qui semble irréductible - malheureusement a-t-on envie d’écrire.
La Toile dévore lentement mais sûrement les derniers papelards qui causent de corridas. Les sites d’information taurine se multiplient en même temps que les blogs connaissent une croissance exponentielle. Chacun s’exprime et pique un peu de place à ceux qui traditionnellement donnaient le "la" de la temporada. C’est ainsi, la rapidité, voire l’instantanéité, de l’un rend presque dérisoire la parution d’une revue quinze jours ou plus après une course. Les deux médias marchent sur un même terrain, l’un a tout simplement les jambes plus longues et chausse bien plus grand. Si l’on fait rapidement le compte, il ne reste que bien peu de revues dites tauromachiques en France ayant cette vocation de "reseñer" les courses et d’annoncer celles qui viendront. Plaza, Planète corridas, Le courrier de Céret, Semana Grande, Toros et Toros, sol y moscas, qui vient donc de renaître en ce mois de juin 2007 après 10 mois de coma. A y regarder de plus près, c’est le Sud-Ouest qui pâtit le plus de cette mort annoncée. Pendant 10 mois, notre région a été orpheline de toros sur papier glacé. Tendido (Mont-de-Marsan puis Dax) a, semble-t-il, rendu définitivement les armes alors que Toros, sol y moscas (Ahetze) paraissait s’asphyxier dans le silence. Ne restait que Semana Grande (Pau), petit feuillet jaune sale dont la vocation est la diffusion hebdomadaire d’une information large, quasi exhaustive même, pour partie empruntée à un gros site Internet espagnol mené par la casa Domecq, Mundotoro pour ne pas le citer. Le Sud-Ouest était donc orphelin, je le maintiens !
Oui, le Net est une des causes de cette disparition à pas comptés. Il est d’ailleurs aisé de comprendre qu’un accès gratuit (pas toujours cependant) à l’information, en temps réel, attire plus l’amateur que le fait de devoir sortir du portefeuille 4, 5 ou 6 euros pour obtenir une noticia semblant identique, et, donnée avec un inévitable retard. C’est humain et les temps ne concourent pas aux dépenses superflues ni surtout à la patience dans une société tout entière vouée au culte du vite, dans laquelle tout doit être facile à comprendre et bien-sûr à consommer. Le Net est donc plus facile d’approche et d’accroche et en ce qui concerne les "grands sites" d’information taurine, il suit assez bien la tendance actuelle du public de corridas, ne parlant de toros que de loin, vantant les mérites de la véronique de tel génie ou s’ingéniant souvent à ne promouvoir la tauromachie que sous l’aspect d’un spectacle où le triomphe est la règle et où l’émotion est sans cesse aux quatre coins du ruedo, un peu comme dans ces émissions à la mode pondues par la télévision dans lesquelles il faut pleurer, être ému et surtout ne pas se prendre la tête. Ça ne mange pas de pain, ça plaît aux visiteurs et tout le monde il est content.
Mais Internet a d’autres avantages et d’autres ressources qui demandent que l’on fouille, que l’on s’y perde, que l’on bataille. On lit chez quelques-uns que les blogs ne sont que de vulgaires objets d’amusement orchestrés par des types qui voudraient être à la place du vizir ou qui n’ont pas les connaissances techniques pour créer un vrai site digne de ce nom. Sans vouloir défendre une chapelle dans laquelle j’officie de temps en temps, j’ai le sentiment que certains blogs permettent aussi à de vrais aficionados de s’exprimer et de dire ce qu’est leur afición, comment il la vivent et comment ils la ressentent. De partager en somme ! Ça prend du temps, ça oblige à écrire, à réfléchir sur sa passion, à s’interroger. Ce n’est donc pas tant misérable que certains nullards voudraient le faire croire aux personnes qui visitent soi-disant leur "vrai" site Internet. De toute façon, il en est des blogs comme des sites et comme des revues. Il y a de tout, à chacun de faire son tri et à chacun aussi de remettre les choses à leur juste place. Comment en vouloir à un jeune aficionado mordu de toros de vouloir créer un petit espace dédié à sa passion ? Il ne fait de mal à personne et n’empêche personne de vivre. Je ne crois pas à cette thèse du danger (pour la vraie presse taurine - celle qui fait encore des critiques et qui traite de toros) des blogs taurins qui fleurissent actuellement. Même les meilleurs n’ont pas un écho suffisant pour espérer avoir un poids réel sur le public. Les blogs les plus sérieux tournent souvent en vase clos (il suffit de regarder les liens de certains blogs "toristas" espagnols). Leurs animateurs sont des passionnés défenseurs de la Fiesta et de toute façon certainement peu enclins à lire les revues spécialisées proposées sur le marché. Ce n’est pas ce lectorat qui manque aujourd’hui à la vraie presse taurine agonisante, ce lectorat écrit seulement ce qu’il voudrait lire et qu’il ne trouve quasiment nulle part tant les revues taurines version papier sont affligeantes de lieux communs, d’antiennes stéréotypées et d’odieuse sujétion. C’est peut-être là aussi que meurt la vraie presse taurine. Dans la concurrence d’autres revues se disant taurines et qui ont pour ligne de conduite un abandon volontaire de leur rôle critique, se muant de manière certaine en une série de titres placardant trois photos de la nouvelle star de la tauromachie (montée par eux au pinacle), deux textes de journalistes à la parole divine, qui multiplient leurs interventions comme Jésus les petits pains. Cette "presse taurine"-là, qui se nomme critique, vit aussi en vase clos dans lequel on retrouve toujours les mêmes donneurs de leçons ; ils sont souvent le dos collés à un mur de callejón. Ce vase clos a pourtant plus d’écho du fait même de cette omniprésence incessante de ces zozos que l’on relit dans la presse régionale, que l’on doit écouter dans les radios locales ou dans les tertulias modernes. Ce sont les "pointures" de la critique taurine qui ont abandonné bien de leurs convictions sur l’autel du copinage et de l’autosatisfaction matinée de mépris pour certains secteurs (trop exigeants) de l’afición. L’aficionado a los toros lambda est le dernier à lire la vraie presse taurine mais combien sont-ils en tout ces aficionados-là ? Bien peu il faut l’avouer. L’amateur lambda, celui qui va aux courses une fois par an pour voir à quoi ressemble une oreille de toro ou tout simplement pour passer un bon moment (et il a raison), ne lit pas cette presse car il s’en fout.
Et l’entre-deux, que lit-il ? Il lit l’autre, la soi-disant parole officielle qui est nulle et qui ne sert à rien, sauf peut-être à organiser des soirées de fin de temporada au cours desquelles on s’ébahit de remettre un prix à une star de l’escalafón pour la faena dont on "se souviendra dans 500 ans". Ils courent les férias et les cartelazos, se moquent de savoir d’où débarquent les toros en piste, viennent parce qu’ils ont lu sur le plus grand site Internet du monde et de l’univers que tel torero était énorme et qu’il allait triompher toute la saison si les toros ne l’en empêchaient pas. Salauds de toros ! Ils viennent aussi pour passer un bon moment (et ils ont raison) et parce que cela leur plaît... et c’est bien. Ce sont eux surtout qui lisent ces torchons sur papier glacé qui ne leur diront que ce qu’ils veulent entendre : les parfums débouchés par un génie gitan, la mort sin puntilla d’un toro collaborateur (oh le vilain mot), l’ambiance géniale de la féria, bref, que des choses sympas et qui disent que les toros vont bien et qu’ils ont vu un truc extra-ordinaire.
Elle vient de là, aussi, la mort de la vraie presse taurine et elle semble inéluctable tant le pendant Internet des nullités à la mode prend le même chemin.
Quand Tendido a disparu l’an dernier, j’ai été déçu et triste de ne plus pouvoir lire les éditos de Dubos. Quand Toros, sol y moscas a plongé dans le noir, j’ai été déçu et triste de ne plus pouvoir lire les textes de Régis. J’ai été déçu en allant chez le marchand de journaux de n’y voir que les survivants, Plaza, Planète corridas ; j’ai été déçu et triste car la tauromachie se vit aussi dans d’intelligentes et impertinentes lectures. Il ne restait plus que Toros, section Sud-Est. C’était bien maigre, vous en conviendrez. Il a fallu s’en contenter.
Aujourd’hui, je suis content de revoir Toros, sol y moscas collé aux fesses des autres. Merchan, on en pense ce qu’on veut, certains le haïssent, d’autres s’en moquent, mais il est là, il persiste, difficilement j’imagine, il continue sa petite aventure, de mots piquants et coups de gueule, il parle encore de toros, ça irrite beaucoup et c’est tant mieux comme ça. Le reste, on ne lit pas !