23 juin 2007

Œillet rouge sur le sable


Contrairement à mes compagnons de Camposyruedos, je n'ai malheureusement pas eu la chance de voir toréer Christian Montcouquiol 'Nimeño II'. Je ne me lasse pourtant pas, tout particulièrement en cette année de célébration et de mémoire, de songer avec admiration au parcours du grand torero, dont la trajectoire en temps que matador de toros, et plus généralement en temps qu'Homme, fait de lui encore aujourd'hui - malgré la percée de Sébastien Castella et d'autres professionnels français - un exemple et un modèle, et pas seulement un précédent qui serait aujourd'hui dépassé.

Bien sûr, les images d'archives seules, même vues à la lumière des témoignages parfois poignants qui lui ont été consacrés*, ne suffisent pas, ne peuvent pas suffire à rendre compte de la réalité profonde du personnage et de sa tauromachie. Mais on aurait tort, cependant, de les ignorer tout à fait ; car au-delà de l'hommage dû à Nimeño II, ces images, ces témoignages, nous aident à mieux appréhender la tauromachie française contemporaine.

Dans un ouvrage publié en 2002, Florence Delay évoquait, à sa manière, le tragique après-midi du 9 septembre 1989 :

"'Pañolero' de Miura qui sortit dans les arènes d'Arles un dimanche de septembre pesait dans sa robe grise 540 kilos et son armure, de pointe à pointe, mesurait cent cinq centimètres. Le long jeune homme en habit bleu et or qui l'accueillit avec panache, après deux passes à genoux fut envoyé au diable. Il retomba lourdement sur la tête, le cou ployé sous la poitrine. Les vertèbres cervicales brisées, la moelle épinière lésée, Christian Montcouquiol, 'Nimeño II' essaya pendant des mois, avec une extraordinaire énergie, de récupérer la motricité de son corps mais le bras gauche, celui de la naturelle, pendait inerte. Alors un jour de novembre, deux ans après le saut provoqué par ce Miura auquel il n'en voulait même pas, le long garçon au triste sourire se pendit dans le garage de sa villa.
Bienheureux ceux qui meurent dans l'après-midi, ceux qui n'ont pas à attendre, car entre la blessure et la mort coule le Styx."**

* Au premier rang de ces témoignages, bien sûr, le bouleversant Recouvre-le de lumière d'Alain Montcouquiol, publié aux éditions Verdier (une nouvelle édition en version de poche a récemment vu le jour). Lesquelles consacrent le 6ème numéro de la revue Faenas à Christian Montcouquiol, dans une livraison intitulée Nimeño II, Ceci n'est pas une statue, avec des textes de plusieurs auteurs, tous très beaux.
** Florence Delay (dessins de Francis Marmande), Œillet rouge sur le sable, Farrago/Editions Léo Scheer, Tours, 2002.