Charlie (23 juillet 1936 - 23 juillet 2012),
Je te tenais la main au milieu de cette foule calme qui attend les toros. Nous déambulions lentement dans les allées toutes vertes qui courent à la plaza de toros de Dax. J’étais minot, bien habillé par maman ; tu lui avais dit qu’il fallait toujours être bien habillé pour une corrida. Nous devions penser aux mêmes choses, j’en suis certain, et elles se résumaient en quatre lettres : t, o, r, o.
Devant les arènes, il y avait des étalages de
bouquins, de revues, d’affiches. Tu t’arrêtais bien devant et tu cherchais, tu
fouillais. Tu savais ce que tu voulais. Je savais ce que tu voulais. Nous
voulions la même chose. Des toros ! Des toros en couverture,
des toros en photos à l’intérieur, des toros au campo.
Des toros ! Notre revue préférée, c’était Aplausos, avec cette
cabeza en haut à droite et ses clichés pris dans le violet du
printemps andalou et… Miura. Les premiers que j’ai vus, c’était là, dans Aplausos
avec ma
main dans ta main. Tu me montrais comment ils étaient faits, tu
m’expliquais que leur morrillo il était foutu comme ça, pas comme chez
les autres, et que la papada, ben il n’y en avait pas. J’étais à la
messe, j’en avais plein les yeux des miuras.
Après, on devient grand.
Après, on ne tient plus la
main de personne quand on va aux toros.
Après, je vous ai regardés me rejoindre à Vic, à
Bayonne, à Bilbao, à Pamplona. Tous les deux, toujours, ensemble. Quelqu’un m’a dit il y
a peu que votre présence était rassurante, ou comme une évidence. Je n’aurais
pas dit mieux et c’était plus pour moi : deux mains qui ont fait de moi un
homme, à votre image, à lui et à toi — je le souhaite de tout mon cœur peiné.
Aujourd’hui, San Fermín console sainte Madeleine et,
chez Miura, à « Zahariche », j’entends que les toros hurlent au vent, aux pierres
et aux lézards qu’ils sont un peu plus orphelins.
Adichat’s Charlie…