26 juillet 2012

A tourada branca


À Charlie...

Tu l'avais pourtant dit, José : « Un toro, c'est noir. » Mais ceux-là, ils étaient blancs. Blancs comme des tarbais. Blancs comme un Hollandais à Seignosse avant que n'arrive juillet, blancs comme cette page avant que je n'y gratte ces conneries que vous lisez. Un peu pitchouns, c'est vrai, avec leurs petits culs de crevettes, et leurs yeux de Bambi grands ouverts sur ce ruedo magnifiquement ensoleillé entre le Gave et les Pyrénées. On aurait dit des gosses qui avaient fait un caprice d'une semaine pour ne pas avoir à bouffer ce que maman leur mettait dans la gamelle. Mais les petits toros de Don Fernando Palha sont blancs, qu'on se le dise, et c'est bien pour cela qu'on les aime. Car ils sont de sang Veragua, sang d'autrefois mais sang de roi.
Je vous l'avoue, nous éprouvions tout de même quelques craintes à l'idée de les voir tempêter dans cette matinée béarnaise. Toujours pareil avec les paris fous, les défis incertains. Mais les sangs royaux le sont à jamais, et nous avons dû admettre la supériorité du mental sur la forme. Les petits toros blancs de Don Fernando Palha venus de Lusitanie et de sang Veragua nous ont ravis. Superbes de robes et de caste, tous offrirent leur rigueur personnelle, leur enthousiasme non civilisé à se jeter dans les petos, leurs charges franches dans tous les tiers, leur faim jamais rassasiée de muleta, et, au final, on finit par craindre même pour les deux courageux bipèdes, Imanol Sánchez et Iván Abasolo, qui, n'abdiquant toutefois jamais, devaient également renoncer à leurs rêves les plus fous de toreo velouté et enchanteur. Pour ce rendez-vous-là, il était bien question de se cramponner fort et de ne jamais perdre le regard des novillos lusitaniens, quitte à perdre de vue le sitio et les placements arrogants sur des terrains qui ne sont pas les vôtres. Griller la politesse ou poser un pied sur l'ombre d'un jabonero et c'était un aller simple aux enfers. Un peu de pico, un peu le cul de biais, la muleta douteuse, et les démarrages à faire pâlir Usain Bolt à la moindre allusion du cornu, mais on ne pourra pas nier qu'ils donnèrent le peu qu'ils avaient, et si c'étaient seulement ça, c'était déjà ça. On notera par exemple qu'Imanol Sánchez se faisait soulever sur chaque épée, à force de tout offrir à son adversaire. Il n'y a qu'à voir les photos. À ce jeu-là, pourtant, c'est Iván Abasolo qui obtint le douteux privilège, dont il se serait bien passé, je pense, et qui, à Orthez, est pourtant bel et bien offert comme une reconnaissance, de tuer la cinquième et dernière des petites terreurs de Don Fernando, magnifique petite machine de guerre ensabanada aux armes roses, longues et effilées que l'on préférerait avoir en photo sur la cheminée qu'à passer par le fil de l'épée pour assouvir son afición, un beau matin béarnais, entre le Gave et les Pyrénées.
Je me souviendrai longtemps de la « roupa de fazenda » et la gueule sauvage du magnifique mayoral portugais qui, saluant avec honneur et fierté, arborait crânement sur son torse vermeil les armoiries de la terre ancestrale de son maître et le souvenir d'un sang venu d'un temps où l'Amérique n'existait pas, le sang Veragua, sang d'autrefois mais sang de roi. 

Parabéns e boa sorte, Dom Fernando, que deus vos guarde e que vossos touros brancos continuem dando emoção à aficion.