Ce samedi 21 juillet, le
toro ‘Passionarito’ a déplacé le
centre du monde des arènes de Céret à celles du Pesqué le temps d’un combat
homérique — si la cause de ce déplacement résidait dans l’exécution du tercio de varas, inhérentes imperfections
incluses, alors le ruedo orthézien
fut le centre du monde de 18 h 30 à 21 heures. Après une sortie
très attendue, qui ne présageait rien de bon pour les hommes en costume, le colosse
châtain aux yeux noirs a toisé l’assistance avec le calme indéfinissable du
condamné à mort. À chaque coup de cape, le Veiga Teixeira cherchait l’ouverture
pour décocher l’uppercut vengeur et fatal. Du haut de sa monture navarraise, maniable
et de corpulence raisonnable, le picador a tardé à pénétrer dans le rond pour
affronter ce diable de toro à la
devise rouge et noir — avait-il la sensation de monter à l’échafaud ?
la crainte de rejoindre la liste des varilargueros
victimes de la corne ? Guidé par son afición
a los toros, Fernando Robleño a orchestré le duel d’une manière telle que
l’équité du combat fût rétablie. Mû par la volonté de renverser et d’étriper,
de tuer, le rustique buffet portugais a pris une pique du genre de celles, si
exceptionnelles, qui chauffent le ventre, embuent les yeux, affolent les cœurs,
comblent de joie. La première pique d’une série de quatre rondement menée, série
qui aurait pu en compter cinq, six, sept ; un éleveur satisfait et
incrédule, qui remercie tous ceux lui ayant permis de voir ses toros au premier tiers : que
demander de plus ? J’ai entendu ici et là que ce rude Veiga Teixeira avait
eu de « mauvaises manières » — devrions-nous nous réjouir des
bonnes manières d’un toro ? —,
qu’il avait été manso, manso con casta… Ah bon ? peut-être,
et alors ! Caillé et bien armé, ‘Passionarito’ était un taureau de combat
puissant et dur de pattes, imprévisible et brutal parce qu’animal, d’une grande présence et avec un fort penchant pour le centre (du
monde), le digne héritier de ceux qui peuplent mon modeste panthéon
personnel : ‘Amador’, ‘Clavisero’, ‘Mimoso’… Le n° 319 a semé la peur ; celle
ressentie par des banderilleros dépassés, pour qui j’ai éprouvé quelque chose
comme de la compassion. Ses charges vives et répétées de fier combattant imposaient
le respect ; c’est pourquoi, loyal et décidé à en découdre, le matador
madrilène a commencé sa faena de la
main gauche. Quoique court et intense, le travail à la muleta a été conclu par trois ou quatre paires de passes en trop, suivies d’une épée tombée, elle-même précédée d'un pinchazo sincère. Ému par la beauté anachronique du
combat de ‘Passionarito’, j’ai applaudi et salué l’enlèvement de sa dépouille.
Ensuite, j’ai pensé partir.
NOTA 1. — Évoquer certaines
cornes astillées et encourager l’éleveur à continuer d’ignorer les maudites fundas.
NOTA 2. — Mentionner les piques
placées en arrière du morrillo sans
mésestimer la valeur des picadors.
>>> Voir la galerie de la corrida de Veiga Teixeira à Orthez sur le site, rubrique « Ruedos ».
Photographie Laurent Larrieu
Photographie Laurent Larrieu