Le long, le très long toro noir défile devant le petit Domingo, interminablement, pour s’envoler, puissant et lourd, dans un pecho main gauche salvateur. Oui, parce qu'une passe de pecho, normalement, c’est pour se libérer des charges pesantes et répétées des toros braves. Si ce n’est pas une passe fondamentale, de domination, ce n’est pas non plus un exercice de style pour amuser la galerie. En tout cas, c’est comme cela que les choses devraient être, d’où l’incongruité de ces doubles pechos, pourtant très actuels. Car un toro de caste vive n’autorise pas le double pecho. Le maestro Antoñete, dans le bouquin de Moles, déclare d’ailleurs à ce sujet : « No entiendo esa moda de rematar una serie de muletazos con dos pases de pecho. Es como decirle a un amigo: "Adiós, luego nos vemos." Y sin venir a cuento, repertirle segundos después: "Adiós, luego nos vemos." Si has rematado, ¿para qué vas a re-rematar? Modas absurdas. »
J’en reviens donc à ce Dolores Aguirre qui défile interminablement dans la muleta du petit Valderrama. Je l’ai dans le viseur, je le suis, il décolle et, hop ! je shoote, comme d’hab’… En 1996, nous n’étions pas encore à l’ère du numérique, et ce n’est que plus tard que je constaterai qu’il me manque la tête. Des photos, évidemment, j’en ai raté des centaines. Mais aucune, comme celle-là, n’aura été pareille source de regrets et de frustration. Je me suis souvent demandé ce qu'elle aurait donné avec la tête non coupée. Je ne le saurai jamais.
Et c’est Laurent Larrieu himself qui vient au quite pour nous confirmer qu’il s’agit bien d’un Aguirre. Dans la revue Toros n° 1530 (13 juin 1996), Joël Bartolotti écrivait : « Au 4e, le sevillanito (Valderrama) fit preuve de plus de caste que l’Aguirre, aguantant même un pecho de manière indicible. »
Un regret, je vous dis…