Je ne sais pas chez vous, mais par chez moi, les gens aiment danser. Et pourtant, on n'avait pas dansé depuis, piouuuuh ! au fond, je ne le sais même pas vraiment. D'ailleurs , je vous parle là d'une stabilité quasi statuaire. A tel point qu'on s'autosuggérait d'abandonner l'idée de tout MOUVEMENT. Et voilà que nous autres, nous qui vivions en marge du bal téleguidé bien-pensant, eh bien nous autres avons découvert que nous étions tous des musiciens en puissance (et des bons en plus !), grâce à notre plus bel instrument (hop là ! pas d'égarement), celui que nous possédons tous sans vraiment le savoir, je veux nommer, la VOIX (si, si, la voix...). Et donc, par chez moi qui est un peu chez nous tous, on s'est mis à jouer de la voix. Croyez-le si vous voulez, la valse napoléonienne indéboulonnable et un poil rouillée, il faut bien l'avouer, a enchaîné sur un "houla hop" de l'enfer. Jubilatoire. On n'en rêvait même plus de danser le houla hop ! C'est dire !
A l'heure où je vous parle , il paraît que ça danse le "houla hop" partout dans les rues de par chez moi ! Et même, il paraît que certains de ceux qui souhaitaient poursuivre la valse d'avant désiraient, au fond d'eux, danser le houla hop... En plus, ils vous diraient que ça fait longtemps qu'ils voulaient déboulonner la vieille ritournelle increvable et pompeuse !!! Alors on les a crus, pardi. Faut dire que par chez nous, ceux-là sont des musiciens qui jouent habituellement dans l'ombre, changeant d'air suivant l'assemblée... au rythme de la tendance, sans doute, comme ils l'ont toujours fait. Et maintenant ils font la girouette, et c'est plutôt drôle, comme danse.
Ainsi aujourd'hui, chez moi, on peut à nouveau bouger comme on aime. Tout le monde, même ! Et c'est super ! Chacun parle, raconte, déverse ses flots de lamentations sur le calvaire enduré pendant toutes ces années d'interdiction de houla hop ! Incroyable ! On n'aurait pas imaginé une seconde que les gens étaient aussi malheureux avant, surtout quand on les voyait danser aussi gracieusement la vieille valse. Mais en fait, si. Les pas se délient, maintenant... depuis que le houla hop a été entonné.
C'est donc la fin de la valse, chez moi, et on rigole bien avec mes amis "Barbu" et "Moustachu". On regarde bouger ceux qui aimaient bien avant la valse pompeuse et on les écoute surtout. Il faut dire qu'ils étaient tellement bien dans leurs précieux escarpins autour de la grande bouilloire du dance floor, qu'ils ne pouvaient imaginer devoir quitter la piste un jour. Ils avaient même un peu oublié de s'y préparer. Et patatras ! C'est dur pour les pieds !
N'empêche que maintenant que l'orchestre a changé d'air, on redistribue les rôles. Surtout que, honneur suprême pour tout musicien de par chez nous qui se respecte, il va falloir jouer les fameux pasodobles estivaux. Et c'est là qu'on rigole le plus !!! Qui sera premier violon et qui sera au triangle ? Et à qui le fauteuil de chef d'orchestre ? Bien-sûr, tout le monde rêve en secret de jouer ces pasodobles, de supporter pareil honneur, mais l'orchestre a changé, vous dis- je, et ceux qui jouaient la valse d'autrefois ne savent pas vraiment jouer le houla hop d'aujourd'hui, condition pourtant sine qua non pour jouer les pasodobles de l'été 2008. Ils voudraient bien, pourtant, et seraient même prêts à essayer tant ils sont mélomanes, mais c'est sans compter sur les spécialistes du houla hop qui ont suffisamment attendu pour ne pas se voir doubler sur la ligne d'arrivée. Et c'est bien normal, au fond.
L'ex-Karajan s'appelait Jipejielle, son premier violon se nommait "Oreille Unique" et le triangle avait un nom de chien... Saint-bernard ou chihuahua, je sais plus. Oh oui, à eux trois ils la jouaient bien la valse : à l'endroit , à l'envers... Ils en ont fait danser du monde. Et chacun leur rendait unanimement hommage et battait des mains à tout rompre dès que la partition était jouée, même quand ils dissimulaient de fausses notes, ou qu'une corde du violon cassait disgracieusement. Bref, nul n'aurait osé remettre leur compétence en doute, et d'ailleurs, chez moi, ça ne se faisait simplement pas. On aimait la valse, point barre.
Ainsi donc, le vieil orchestre a quitté le kiosque et les nouveaux postulants se préparent. Dans l'ombre, chacun répète ses gammes. La logique voudrait qu'un vrai specialiste du "houla hop-pasodobliste" dirige la manoeuvre, comme "Koukou", vieux prince déchu, lamentablement mis hors piste autrefois par des valseurs trop sûrs de leurs talents. Mais les "valseur-houla hopistes-pasodoblistes" (si, si , je vous assure que ça existe...), qui pointent de leur instrument souvent en fin de représentation, rôdent autour des chaises musicales fraîchement libérées. On dit que même les imprimeurs, pourtant complètement hors du coup, tenteraient bien leur chances ! Pfff... Soupir... Je fais confiance à leur dignité. Parmi les plus en vue, il y a le respectable "Loin derrière", et pourtant toujours au premier rang, et puis l'ami vigneron, qui s'y verrait un peu aussi. Mais le vieux "Koukou" aura son mot à dire, c'est sûr. Pour les violons et autres triangles, la vieille garde "houla hopiste" devrait s'organiser d'elle-même. Mes amis "Barbu" et "Moustachu" pourraient bien se mêler à la troupe, ainsi que la tonitruante timballe d'en haut de la côte de Saint-Pandelon ! Tout est possible, sur l'air du houla hop, tellement rien ne l'a été quand la vieille valse pompeuse était jouée. Il restera toutefois aux nouveaux musiciens à trouver des places pour l'assistance des anciens dans la salle de bal du grand parc, à moins qu'ils ne prennent instinctivement celles laissées vacantes par les "houla hopistes" fraîchement installés sous le kiosque ? En tout cas, une chose est désormais certaine par chez moi, par chez nous : les solos du pasodoble de cet été 2008 ne se joueront que de la main... gauche, sur la corne... gauche. Retour aux sources oblige, et c'est très bien ainsi.
Vous n'avez rien compris ? C'est pas grave, je vous expliquerai le moment venu...
Texte & dessin Jérôme 'El Batacazo' Pradet