01 août 2010

Orthez 2010


Me voilà de retour en terre limousine après avoir été privé d'Internet durant une semaine — autant dire privé de tout ! J'ai presque rien lu, j'ai pratiquement pas bu, j'ai beaucoup « manju » et j'ai vu plein de jolies choses...

La bave aux lèvres
Ce dimanche 25 juillet à Orthez, et je ne vous causerai que d'Orthez — vous l'avez échappé belle —, par une matinée agréable, la novillada de Saltillo, diversement quoique fortement présentée (les triplés 2, 3 et 5 : l'avenir de la ganadería ?), plutôt proprement piquée eu égard à des conditions défavorables (présentation susdite, piste trop sableuse et cuadra monolithique) heureusement compensées par le duo « organisation-présidence » (réflexion valant pour la corrida), la novillada, disais-je, fut aussi âpre de comportement que Saltillo est gouleyant en bouche. Je ne passerai pas sous silence l'état inquiétant de certaines cornes après contacts dont M. Viard s'est curieusement délecté de quelques déclics « vengeurs », lui qui ferme si effrontément les yeux partout ailleurs, toute la temporada durant. Je ne passerai pas non plus sous silence, au milieu des tournures ampoulées et autres métaphores éculées, l'empathie démagogique de M. Zocato à l'encontre des novilleros (« Ils pourraient être nos enfants... »1), pourtant opposés à des « guarismo 7 », ou la charge déplacée contre un palco exigeant alors même que l'on ferme là encore les yeux, où que ce soit et à longueur de temps, devant l'absence de critères de tant de présidences aux ordres — auteur d'un valeureux coup d'épée, Javier Herrero fit une vuelta fêtée que vous, M. Zocato, n'avez pas pris la peine de relater dans votre papier ! Enfin, le bizarroïde premier Saltillo (¿sin cojones?) rappelait tellement, dans un autre style, le premier Montesinos de l'an passé qu'il n'est pas totalement absurde de prendre cette attention béarnaise comme... un trait d'humour. Le beau dernier ? Une note d'espoir. Ce n'est pas rien, c'est déjà beaucoup. Le vilain quatrième, rentré vivant aux « corrals » ? Un coup de coude appuyé adressé à JC Rey pour qu'il envisage une reconversion. C'est tout le mal que...

Bouffez-les !
L'après-midi, sous un ciel clément, il y avait de la présence en piste. L'encierro à la devise noire2 de Doña Dolores Aguirre Ybarra, d'âge respectable, de tamaño « moyen-moyen + » et homogène de présentation (seul le colorado ojo de perdiz sorti en 5ème position, plus largo, avait une allure quelque peu différente), musculeux et correctement armé (quelques astillas), fort mal tué à l'exception relative de l'ultime du lot, a été réellement passionnant à voir combattre. Car les Dolores Aguirre se sont comportés en taureaux de combat, livrant bataille de bout en bout, et ce sans relâche3. Regards féroces, queues zébrant l'air en tous sens, charges vives et puissantes, ils ont affronté des hommes dépassés par la caste après s'être esquinté physique et moral contre les blocs de pierre de la carrière El Pimpi. Et dire que nous avons assisté à une vingtaine de rencontres (merci à la présidence — quelques-uns auraient probablement mérité d'être davantage piqués), les premières pratiquement toutes traseras et carioquées (la force de l'habitude) dans une portion du ruedo particulièrement riche en sable... Disons-le sans ambages, dans ces conditions, seuls des toros possédant la force et la combativité de ceux de madame Dolores pouvaient ferrailler face à ces chevaux-chars d'assaut résolument inaptes à un tercio de varas digne de ce nom.

De deux choses l'une : soit El Pimpi arrête sur le champ avant même d'avoir réellement commencé (ce qui, j'en conviens, devrait pousser à davantage de modération) ; soit il refonde illico sa cavalerie en conservant un ou deux chevaux (cf. novillada) et... en bouffant les autres !

Soucieux d'allier l'utile à l'agréable, Camposyruedos propose à El Pimpi et son équipe la recette (facile) d'un plat des plus roboratif ; je veux parler de la bien nommée...

Daube chevaline sur son lit de polenta
pour 4 personnes
Temps de préparation : 20 minutes /// Temps de marinade : 1 journée /// Temps de cuisson : 2 heures.
Ingrédients :
- 800 g de viande chevaline (macreuse, paleron) ;
- une bouteille de vin rouge charpenté (un madiran fera l'affaire) ;
- 6 à 8 baies de genièvre et 2 feuilles de laurier ;
- 2 oignons et 200 g de beurre ;
- de la farine, du sel et
- un paquet de polenta.
Préparation :
- dans une terrine, disposer la viande, verser le vin, ajouter le genièvre écrasé et les oignons (épluchés et émincés) ainsi que les feuilles de laurier ;
- faire mariner une journée au frais en retournant la viande de temps en temps ;
- égoutter la viande, l’essuyer, la rouler dans la farine et la faire revenir dans une cocotte avec le beurre ;
- verser la marinade, saler si besoin, couvrir et faire cuire 2 h à feu doux ;
- préparer la polenta (ah, la cruchade !) en suivant les instructions du paquet ;
- étaler dans l'assiette la polenta bien chaude sous la forme d'une galette et servir la viande découpée en tranches.
Source (améliorée) : http://www.civ-viande.org/10-cheval.html.

1 In « La peur au ventre », Sud Ouest Béarn du lundi 26 juillet 2010.
2 Orphelin du mari de la ganadera, décédé le 3 juillet dernier, ce lot de toros avait troqué la traditionnelle devise bleue et jaune contre une noire.
3 Mots inspirés de ceux trouvés dans le programme de Ceret de Toros 2010 : « Toros ! Toros ! Toros ! Ces animaux sont de combat ! Ils se battent donc jusqu'à leur mort. »

PS1 Après une course compliquée (Saltillo) ou encastée (Aguirre), il n'est pas inutile de faire remarquer que certaines décisions — concession d'une vuelta, octroi ou refus d'une oreille, interruption prématurée d'un second tiers — relèvent de l'anecdote. Ou quand le toro remet tout et chacun à sa place.
PS2 Nous savons à quel point la corrida est un enjeu politique et combien les prix mis en jeu participent de la réussite, notamment de celle du tercio de varas, mais d'aucuns ont attendu que Le Pesqué se vide pour espérer pouvoir lancer un « Merci Dolores ! » à celle que nous ne quittions pas des yeux... Déjà un homme s'avançait micro à la main : c'était l'heure de remettre le Prix Roger-Dumont.

Images © Frédéric 'Tendido69' Bartholin & François Bruschet (au centre)
Un Saltillo Cachez ce cheval que je ne saurais voir ! (Aguirre) Bave, devise, sable et cape dans le vent (idem).