Elle fait parler cette course. Tout le monde n’est pas d’accord. Et c’est heureux. Cela signifie au moins que nous ne sommes déjà plus dans le cadre de la morne norme établie.
En ce qui me concerne, c’est un peu la question de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Le négatif l’emporte-t-il sur le positif ? A moins que ce ne soit le contraire.
Parmi les points positifs, la caste, assez incontestable à mes yeux et éclatante chez le manso déclaré sorti en sixième position. Vive les mansos !
Il y a, d’ailleurs, souvent des mansos avérés chez Moreno de Silva, ce qui ne les empêche pas d’être passionnants, encastés, mobiles, bagarreurs et nobles comme ce sixième. Cela tendrait à faire relativiser le manque de bravoure pure face au picador. Vaste débat sur lequel nous reviendrons plus en profondeur un de ces jours.
Ensuite, que la caste soit bonne ou mauvaise ne me paraît pas une manière réellement pertinente de poser le débat.
Il y a de la caste, de la vraie, qui génère donc du danger, de l’intérêt et de la tension.
Si elle était si mauvaise que cela cette caste, combinée à un genio à ce point supposé, les trois novilleros, inexpérimentés au possible, n’auraient sans doute pas fini la course indemnes. Et ce n’est pas leur faire injure que de le remarquer.
Petite parenthèse pour dire mon refus de jeter la pierre à ces ultramodestes qui, eux, ont accepté de faire le paseo ici, et avec ça dans les chiqueros...
Pour ma part, le point négatif vient du troisième tiers. Il n’y avait pas ce jour-là l’étincelle, la chispa, la mobilité infatigable qu’on leur a vue ailleurs.
Nous avions plutôt affaire à des toracos aux charges pesantes faisant davantage penser à des charges de toros adultes qu’à des novillos.
Evidemment, nous pouvons supputer qu’avec des piques moins meurtrières et des lidias plus adéquates le résultat aurait été plus brillant. Je n’en suis guère convaincu. 'Diano' ou d’autres de ses frères se sont fait briller en grande partie tous seuls, malgré des lidias désastreuses et des piques assassines. De Moreno de Silva, on attend beaucoup depuis quelque temps.
Des qualités, des défauts, un débat sans fin et, pour moi, au final, un intérêt constant.
Voilà qui me fait songer aujourd’hui à une discussion maintenant ancienne que nous avions eu avec Jorge Laverón alors que nous étions sur la route, entre Madrid et Cenicientos, pour y voir une corrida d’Escolar Gil.
Jorge m’avait alors fait part de son inépuisable enthousiasme pour cet encaste : « Tu peux avoir du très noble, du très compliqué, du vicieux, du bon et du mauvais. Ce qu’il y a de bien chez eux, c’est que même avec les mauvais je me régale ! »