Par le biais de quelques individualités l’encaste Saltillo fait ces dernières années quelques apparitions dans l’actualité. On est encore bien loin des papiers glacés ou des couvertures des revues les plus renommées mais l’encaste fait « un peu » parler de lui, ce qui est déjà pas si mal voire même insoupçonné en se projetant seulement une décennie en arrière.
Cette microrenaissance part d’une bonne novillada de Moreno de Silva à Madrid en 2007. L’année suivante l’élevage est répété et réitère sa prestation. Quelques oreilles à l’affût ne perdent rien de l’affaire et, en 2009, Carcassonne présente une novillada tandis que Parentis place un novillo dans sa novillada-concours. Parentis va enfoncer le clou en proposant ce week-end une novillada complète et Orthez, qui a fondé sa politique taurine sur les encastes minoritaires, a emboîté le pas en présentant il y a quelques jours leurs grands frères, marqués du fer historique de Saltillo. Le résultat fut mauvais et la presse spécialisée ne s’est pas privée de le souligner, profitant de l’occasion pour régler quelques comptes. Mais aucun n’a, à mon sens, abordé la question essentielle : « Pourquoi Saltillo ? » Car ce choix a une logique qui si elle n’est pas expliquée perd tout son sens.
Pour ébaucher une réponse au « Pourquoi Saltillo ? » il faut prendre du recul et faire un bref rappel historique.
Il y a près de trois siècles, les toros vivaient en troupeaux sauvages, la zone géographique déterminant leurs caractéristiques, principalement en fonction du climat et du relief. Puis l’homme prit les choses en mains. L’évolution du taureau de combat cessa alors d’être naturelle pour suivre le sillon de la tauromachie. Une belle diversité fut malgré tout conservée tant les critères définissant un toro sont larges et subjectifs.
Malheureusement, à compter du siècle dernier, les éleveurs se sont enfermés dans des objectifs de sélection étriqués, visant seulement la réussite d’un spectacle trop stéréotypé. Dès lors, le taureau de combat entra irrémédiablement dans l’entonnoir de l’uniformisation. Plus le siècle avançait et plus les toros se ressemblaient. Des diverses castes fondamentales ne restait plus que celle de Vistahermosa et, pire encore, de Vistahermosa ne restait plus visible qu’une de ces ramas : celle de Murube-Ibarra.
Pourtant, à la fin du XIXème siècle, une autre rama de Vistahermosa avait fière allure, qui était l’égal de la rama Murube, voire la dominait : celle de Saltillo. Au cours du XXème siècle, et ce très rapidement, l’encaste Saltillo ne cessa de perdre de l’importance pour devenir de nos jours pratiquement inexistante.
Alors, « Pourquoi Saltillo ? »
Saltillo tout simplement parce qu’il s’agit aujourd’hui de la plus grande source de diversité, du toro de la branche Vistahermosa le plus éloigné du toro actuel. Saltillo parce que choisir Saltillo est un gage de différence et un acte en faveur de sa préservation. Une différence génétique mais aussi une différence de morphologie et de comportement.
Parce que défendre Saltillo c’est aussi défendre l’idée que la corrida ne suit pas un scénario imposé à l’avance. Défendre Saltillo c’est défendre la richesse de la corrida. En bien ou en mal.
Sans masquer la mauvaise prestation des Saltillo d’Orthez, présenter aujourd'hui une course de Saltillo dépasse largement le simple résultat. Il s’agit d’une démarche, d’un symbole.
Evidemment l’encaste Saltillo ne peut se contenter de cette médiocrité mais il a déjà démontré par le passé qu’il pouvait être d'or. Et on ne peut que souhaiter qu’il le confirme dès ce week-end à Parentis, couronnant de lauriers les initiatives de l’ADA et, bien au-delà, justifiant le soutien romantique de toute une Afición !
« Saltillo parce que... » Encore faut-il qu’on l’explique ou qu’on veuille bien vous l’expliquer.
Photographie Novillo de Moreno de Silva © Yannick Olivier/Campos y Ruedos