03 janvier 2010

Car la vie est trop courte


Au fil des vœux qui sont parus ces derniers jours sur de nombreux sites et blogs taurins, l’envie surgit rapidement de foutre le camp et d’oublier les toros pour les quelques 366 jours qui nous attendent. Un seul leitmotiv : l’union des aficionados face à la menace (à propos de laquelle beaucoup s’entendent cependant à penser qu’elle n’aboutira à rien) abolitionniste particulièrement en verve en cette fin 2009 en Catalogne. Il faut que nous soyons unis et en ordre de marche derrière les penseurs de notre passion, ceux-là même qui veulent inscrire la corrida au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Evidemment et par voie de conséquence, ceux qui se démarquent de cette ligne deviennent des adversaires de la tauromachie, ni plus ni moins. Le procédé est connu et vieux comme le monde : si tu n’adhères pas totalement à ce je dis, c’est que tu es contre et tu es donc mon ennemi.
C’est quoi "se démarquer" ?
Ça ne va pas très loin le plus souvent mais ça suffit à agacer ceux pour qui la tauromachie n’est finalement qu’une entreprise commerciale et mercantile.
"Se démarquer", c’est rendre publiques des analyses de cornes affirmant clairement que des toros de Miura ont été frauduleusement manipulés en 2009 à Arles. Ce sont les vétérinaires qui l’affirment, ils l’ont annoncé au congrès de l’UVTF. Point. Miura aféite !
"Se démarquer", c’est donc continuer de dénoncer l’afeitado quand plus personne ne s’y emploie. L’afeitado existe encore, c’est une plaie pour la tauromachie, c’est un manque de respect pour le toro et une dégradation physique violente, c’est une arnaque pour le public qui est censé payer pour voir combattre des animaux limpios.
"Se démarquer", c’est affirmer aussi que l’arreglado est une pure combine. Vous en connaissez beaucoup des arènes qui ont annoncé avant la course un arreglado ?
"Se démarquer", c’est affirmer aussi que la majorité des personnes qui s’intéresse de près à la tauromachie (journalistes, empresas) n’en a que faire de l’épuration qui se joue en ce moment au campo. Pondre des opus sur les encastes en perdition parce que seuls les aficionados vont être susceptibles d’acheter une revue taurine, et défendre dans le même temps le toro con et faible de troisième tiers à longueur de sentences sur le net relève de l’entourloupe intellectuelle, cependant (et c’est là que c’est grave) joyeusement gobée par beaucoup qui n’ont du taureau de combat qu’une vision purement décorative (et ils sont nombreux et ils animent même parfois des sites internet).
"Se démarquer", c’est aussi dénoncer une autre épuration, celle-ci insidieusement mise en place au sein de l’UVTF et relayée (parfois involontairement) par moult médias taurins. Les petites arènes sont en train de crever malgré leur bonne volonté et malgré, souvent, l’originalité de leurs cartels, en particulier en ce qui concerne les ganaderías. Prôner une réduction du nombre de spectacles (comme cela a été fait lors du dernier congrès de l’UVTF) est une idée intéressante dans l’absolu, encore faudrait-il spécifier que cette réduction se fera automatiquement au détriment des petites arènes qui n’organisent qu’un voire deux spectacles par an. Croyez-vous que ce seront les férias de Mont-de-Marsan ou de Nîmes qui réduiront le nombre de leurs spectacles ? Et croyez-vous que si ces férias le faisaient, elles s’attaqueraient à leurs corridas phares avec Castella et Ponce ? Et croyez-vous que ce sont les petites arènes qui achètent des abonnements à une certaine revue pour les offrir en cadeau à leurs clients ?
"Se démarquer", c’est continuer d’écrire que la corrida est actuellement une mafia dans laquelle tout ce qui gêne doit être tu : afeitado, arreglado, fundas, âge limite des toros (lidiés à quatre ans pile), présidences complaisantes (surtout dans les grandes férias) alors que celles qui tentent de faire respecter un semblant de règlement sont insultées ou vilipendées, lidia de toros blessés, disparition du premier tiers qui gêne les velléités artistiques de nos toreros qui sont de moins en moins inspirés et de plus en plus formatés, indultos d’opérette, vueltas al ruedo stupides...
"Se démarquer", c’est dire sans détour qu’il est inconcevable qu’une même personne puisse se targuer d’être à la fois journaliste taurin et chargé de communication de grandes férias françaises.
"Se démarquer", c’est aussi s’insurger contre le "béni-oui-ouisme" de certains médias pour qui tout le monde il est beau tout le monde il est gentil sauf ces méchants intégristes aux "vies lugubres" derrière leur clavier. C’est à cause de machins comme ça que la corrida est devenue une gentille représentation théâtrale où l’applaudissement et le triomphalisme sont indispensables.
"Se démarquer", c’est ne pas avoir de vœux particuliers pour 2010, comme vous tous, car nous savons déjà que la corrida est mal barrée, que des encastes vont mourir et que l’an prochain en décembre l’UVTF annoncera que la temporada a été bonne.
Nous nous souhaitons seulement d’exister encore en 2011 pour continuer de vous chercher les poux ou les tiques, c’est selon, et pour continuer d’en rire car la vie est trop courte...