08 mars 2007

A propos du marquage des toros...


A la lecture de l’article "A droite ou à gauche ?" de Pierre Dupuy, article paru dans le dernier numéro de la revue TOROS, un texte de Alfonso Navalón a ressurgi de ma pourtant courte mémoire. Pour ceux qui ne lisent pas la "vieille dame" de Nîmes, Pierre Dupuy y mène une étude, au demeurant fort bien documentée, sur les raisons qui poussent les ganaderos (en Camargue et en Espagne) à marquer leurs toros sur le flanc droit ou sur le flanc gauche. Succinctement, il semblerait, et ce n’est pas une révélation, que l’immense majorité des éleveurs actuels opère un marquage sur le flanc droit à l’exception des ganaderías descendant de Contreras et de Yonnet en France, pour d’autres raisons.

Entre autres citations, l’ancien directeur de la revue cite ces mots de Luis Fernández Salcedo, extraits de son ouvrage La vida privada del toro (1955) : "Mais le plus fréquent, peut-être, est de numéroter du même côté toutes les bêtes nées la même année, et de changer chaque année…" Il est facile d’imaginer par exemple que les camadas des années paires fussent marquées sur la droite et celles des années impaires sur la gauche, et vice versa. Dans son savoureux Viaje a los toros del sol, Alfonso Navalón relate, au sujet justement de ce marquage, une anecdote intéressante concernant la ganadería de Miura ; anecdote qui "complique encore plus les choses" que les aveux du señor Salcedo. Dans le chapitre consacré aux toros de Zahariche, Navalón offre au lecteur ces paroles d’Eduardo Miura Fernández évoquant la mémoire de son grand-père, l’autre Eduardo Miura qui eut la ganadería en charge de 1893 à 1917 : "Miura parle maintenant de son grand-père, de celui qui avait 1000 vaches et qui lidiait chaque année 300 toros.
- On imagine le problème qu’était le maniement d’un tel volume de corridas…
- Et pour l’
herradero ? Pour ne pas atteindre un chiffre si haut, ils posaient à deux toros le même numéro, de telle manière que la moitié était marquée sur le côté droit et l’autre sur le côté gauche. Ainsi dans chaque camada, il y avait deux numéros 16 et deux 97…"
Cette façon de marquer les bêtes n’a plus cours de nos jours, on l’imagine aisément, car le nombre de bêtes par ganaderías a été fortement réduit (exceptons de ce constat certains élevages-usines comme peuvent l’être celui d’Alcurrucén voire même celui de Victorino Martín) pour des raisons budgétaires compréhensibles mais également, et cela est lié, pour des raisons d’espaces qui tout au long du XX° siècle n’ont cessé de se restreindre et d’être affectés à d’autres tâches agricoles.

Le marquage, comme beaucoup d’éléments inhérents au campo, a longtemps été, et reste parfois encore, une affaire de tradition. C’est ce que rappelle Pierre Dupuy en évoquant les élevages descendants de la ligne Contreras. A ce sujet, il interroge le vétérinaire basque Joseba qui lui répond que "il n’y a pas plus de certitude en ce qui concerne la ligne Contreras. Baltasar Ibán répond à la tradition de cet élevage en marquant à gauche, mais ce n’est pas le cas de tous les Contreras." La revue propose une photographie d’un exemplaire de Cortijoliva lidié à Barcelone en 1994 et marqué à gauche alors que l’encaste actuel est de l’Atanasio. Cependant mentionne la légende, l’élevage fondé en 1930 par Gonzalo Barona fut le fruit d’un croisement entre Albaserrada et Contreras. La tradition Contreras du marquage à gauche fut donc maintenue, malgré le changement de sang. Il existe pourtant, comme le souligne Joseba, des élevages mâtinés de Contreras mais qui ont abandonné la droite (ou plutôt gauche) ligne de la tradition. Il en va ainsi, semble-t-il, de l’élevage du Conde de Mayalde.

Ainsi, les exemplaires du Conde sont marqués à droite (voir photographie) bien qu’historiquement la ganadería fut détentrice de sang Contreras car le Conde avait acquis en 1958 la moitié de l’élevage de Ignacio Sánchez Sepúlveda qui détenait du pur Contreras par Sánchez Terrones. L’élevage fut préservé ainsi jusqu’à l’arrivée, en 1986, d’un semental de Juan Pedro Domecq puis en 1995, Mayalde alla se servir chez El Ventorrillo (Domecq également). Si ce croisement Contreras-Domecq (Mayalde mena une ligne croisée et une ligne pure Domecq) avait déjà été opéré chez Baltasar Ibán, il semble que le Conde de Mayalde n’est pas agi comme son confrère d’El Escorial en marquant, lui, les bêtes à droite. A moins qu’au fil des ans et de la prédominance du sang Domecq sur le reliquat Contreras bientôt absorbé ou disparu, le Conde n’ait petit à petit tout marqué à droite, comme chez Domecq. C’est une question que je me posais en lisant la fin de l’article de Pierre Dupuy. Peut-être certains lecteurs seront-ils détenteurs d’une vague réponse... ?

Revue TOROS, n° 1797, 2 mars 2007.