28 juillet 2010

C'est Clayderman qu'on assassine !


C'est fait et plus à faire : ce qu'il restait de corrida formelle en Catalogne Espagnole (l'inadéquate majuscule à l'adjectif tabou n'est que pur sadisme de ma part) devrait disparaître dans les mois à venir. Vous irez lire (sans y être obligés) les analyses technico-tactiques de ceux qui prétendent à la fois savoir et nous prévenir de pareil fléau. Quel impact ? Franchement, on reste loin du souffle d'Enola Gay dans le petit monde des taurins, bien que tout le monde en profite pour sortir bannières et oriflammes, grands mots et concepts grandiloquents avec des accents avignonnais et coupe au bol de rigueur : "Que l'on touche à la liberté et Paris se met en colèèèreuh !". J'ai eu droit à un SMS type poujadiste hier soir alors que je traitais mes photos quasi anti-taurines de descabellos novilleriles inefficaces : "Si Cataluña prescinde de los Toros, los aficionados prescindiremos de Cataluña : sus productos y servicios. Pasalo, por favor." Aussitôt je me marre en vertu du principe qui veut que l'humour constitue une réponse appropriée à la consternation face à la bêtise. Illico, je réponds à ce copain sudiste que, pour ma part, je continuerai à être fidèle à Céret et à aller manger côté Catalogne "Sud" à cette occasion. M'est avis que pour la prochaine branlée que l'OL prendra au Camp Nou, vous me trouverez à l'heure tardive du déjeuner chez Cal Pep. Julien n'a pas répondu, je ne crois pas que ses amis taurins verraient d'un bon oeil qu'il vienne à fréquenter le Vallespir.

Honnêtement, pour les quelques rares souvenirs que j'ai de corridas à Barcelone (José Tomás bien sûr mais aussi pour des moments partagés avec des personnes chères), je conviens que la nouvelle ne me laisse pas aussi indifférent qu'il me plairait de le feindre. Faudra-t-il se résigner à Nîmes en septembre ? Voyons ! Le désespoir lui-même a ses limites et l'homme moderne, certes souple de principes comme de ceinture, doit savoir se refuser à la désillusion qui l'envahit de compromettre ses actions futures.

La Catalogne semble donc en finir avec une Fiesta qui a trop souvent pris les apparences d'une carte postale pour touristes entassés dans le béton de la Costa Brava : du "Olé !" facile, de l'espagnolade d'opérette et sur le carton imprimé à timbrer, un bout de chiffon à pois cousu pour figurer la robe de la danseuse. Du "l'ottentique" à la Pagnol pour des hordes de bossus en short en quête d'un peu de folklore. Rien de très respectable en général (bien qu'à l'occasion, les toros tuaient aussi en Catalogne). Ne rêvons toutefois pas trop fort a posteriori d'une authenticité dressant un rempart imprenable autour du sanctuaire de la Fiesta, imaginez pareil débat quelques kilomètres au nord : que pèseraient les bonnes intentions cérétanes face à pareilles manigances ? Mais bien sûr, que ce constat ne constitue pas une raison pour transiger sur notre idée sauvage de la chose car dans l'affaire qui nous occupe, personne n'a transigé sur ses intérêts. Dans les jours à venir, cette mesure d'interdiction sera récupérée par le mundillo taurino avec des formules définitives et indignées qui se répandront comme giclée d'ados sur les réseaux "sociaux".

Pour finir, mon ami JotaC, natif de Catalogne Sud et résidant en Catalogne Nord s'indigne à juste titre. Je me fais porte-parole de sa légitime colère car le combat ne saurait s'arrêter là : "Je demande solennellement que la conception, la production, la consommation et la vente de churros soit totalement interdite en Catalogne. Ce vestige aliénant de la culture culinaire "espingouine", centralisatrice et totalitaire dont l'expression de la barbarie la plus calorique se concentre dans cet étron jaunâtre de pâte frite dans le gras doit disparaître définitivement. Une telle violence gustative, un tel déferlement lipidique n'est plus tolérable au siècle du donuts roi et du string en dentelle."
Le message est passé, merci José !